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samedi, 19 août 2006
À Bernard Debré, de la part d’un de ses anciens étudiants
L’article suivant est une réaction à la lecture du livre De la mauvaise conscience en général et de l’Afrique en particulier, que Bernard Debré a cosigné en 2003 (avec J. Vergès — qui depuis, est revenu de sa compréhension alors erronée de la crise ivoirienne).
Cette réaction est suivie d’une lettre ouverte à l’ancien ministre et célèbre urologue français, par laquelle le Professeur Maurice Yadou Gnagne, actuellement responsable du département d’urologie du CHU d’Abidjan-Treichville, chirurgien des hôpitaux, urologue, Chef de service des Urgences de Chirurgie du CHU de Treichville, a tenu à interpeller personnellement son ami et ancien professeur.
Le Professeur Gnagne est entré en politique de façon active et résolue depuis les événements de novembre 2004, après qu’il ait eu à sa charge nombreux des blessés par balles de l’armée française qui affluaient dans son service tandis que le pouvoir et les médias français niaient les faits. Il est directeur de Stratégie et Communication FPI — DDC Dabou-Sikensi.
LA DIABOLISATION DU POUVOIR DANS LA GUERRE MEDIATIQUE CONTRE LE REGIME SOCIALISTE EN CÔTE D’IVOIRE
(Professeur GNAGNE Yadou Maurice*)
Au commencement était donc une préparation des esprits et des consciences à cette guerre que livre la France de Chirac à notre Pays. En dehors des moyens médiatiques audio-visuels déployés par le pouvoir politique français actuel, une production littéraire, aussi française, a conduit et soutenu cette préparation à la guerre. Ainsi cette production littéraire de combat a-t-elle procédé à la diabolisation des Institutions de la deuxième République de Côte d’Ivoire et de ceux qui l’incarnent, les faisant passer aux yeux de la communauté internationale pour des hommes et des femmes dangereux qui manipulent des concepts exclusionnistes et ethniques. Je ne reviendrai pas sur les différents aspects de cette diabolisation qui sont connus de tous les Ivoiriens. Une diabolisation que les Ivoiriennes et les Ivoiriens ont subi comme une humiliation et une atteinte portée à leur honneur et à leur dignité. Une diabolisation qui déstructure les fondements de ce en quoi ils croient : l’hospitalité et la fraternité entre les peuples, eux qui ont reçu sur leur sol plus de 26% de non nationaux d’origines africaine et non-africaine, qui y ont trouvé un havre de paix. Havre de paix que ces frères et ces sœurs, venus d’ailleurs, n’ont jamais voulu quitter, même au pire moment de cette crise. Aucun pays, aucune nation au monde, ne peut afficher un tel taux d’immigration qui, jusqu’à ce que des gens estiment l’heure venue pour diluer la nationalité ivoirienne dans le but de pérenniser leurs intérêts, n’a jamais constitué un problème pour les nationaux.
Je voudrais, pour étayer cette hypothèse de la diabolisation, proposer aux ivoiriens des morceaux choisis tirés d’un livre qu’un ami français, et pas n’importe qui, m’a dédicacé, le 28 avril 2003, lors d’un voyage que j’ai effectué à Paris. Que l’on me comprenne bien : mon intention n’est pas de faire la publicité de ce livre. Il s’est imposé à moi comme une nécessité de mettre à la connaissance de mes compatriotes certains aspects qui y sont contenus, pour les amener à comprendre les fondements de la guerre qui est faite à notre Pays, et surtout la longue procédure qui a conduit à cette crise que nous vivons. Ce livre que je conseille donc aux Ivoiriens, a pour titre : «De la mauvaise conscience en général et de l’Afrique en particulier». (1)
Les passages que je propose dans cette contribution révèlent la complexité du combat que nous menons pour notre libération. Car en face, les méthodes utilisées, défient et injurient la raison, seul paramètre qui rend compte de notre humanité.
Voici donc ces passages ! Que les Ivoiriens qui ont un sens de l’humour très poussé, et qui rient de tout, comme ce philosophe grec, Démocrite, s’en inspirent pour trouver des expressions de dérision qui atténueraient nos maux !
Au chapitre du prologue, intitulé «Le rêve calciné d’Houphouët Boigny», il est écrit ceci :
«Les légendes meurent aussi. Celle de la Côte d’Ivoire, vitrine de l’Afrique, n’aura pas résisté deux ans à Laurent Gbagbo. Déjà ébranlé par la chute des cours du cacao dont il est le premier producteur mondial, cet ancien fleuron de l’Afrique occidentale française a vu, en quelques mois, se déliter l’héritage de son premier président, Félix Houphouët-Boigny (disparu en 1993) : celui d’un Etat unitaire (faisons la mise au point suivante pour information : la Côte d’Ivoire n’a jamais été un état fédéral ou confédéral, et sous le régime des refondateurs du Président Gbagbo, l’économie ivoirienne est passée d’une situation de récession, héritée des gouvernements précédents, de -2,3% de croissance à +3% en deux ans, soit un bond positif en valeur absolue de plus de 5% de croissance) qu’il avait su protéger, trois décennies durant, de la malédiction du racisme – entre Blancs et Noirs, mais aussi et surtout entre ethnies locales et ressortissants des pays voisins, venus concourir, par leur travail, au miracle économique des années soixante et soixante-dix…». (Nous ne pouvons pas en dire autrement des italiens, des portugais, des magrébins, et des africains au sud du Sahara qui ont participé à leur manière, par leur travail et leur sacrifice, y compris le sacrifice de leur vie, au développement et au rayonnement de la France).
«Avec ‘’l’ivoirité’’ pour tout programme écrit-il,, Laurent Gbagbo, élu en 2000 après avoir obtenu l’élimination de son principal concurrent, Alassane Ouattara, pour cause ‘’d’Ivoirité douteuse’’, a transformé son pays en un champ de ruines, immolant le rêve de paix d’Houphouët sur l’autel d’une post-modernité meurtrière…».
«Gbagbo a raté sa présidence, affirme-t-il. Bien élu ou mal élu, peu importe, mais il a raté. Son pari de l’Ivoirité s’est révélé un échec sanglant. Il a semé l’ethnicisme. Il a récolté le racisme, la guerre civile et l’invasion…».
«Gbagbo a fait ce qu’aucun régime n’a osé faire depuis Vichy : exclure des fonctions d’Etat et pénaliser dans l’exercice de leur citoyenneté des Ivoiriens qui avaient pour seul tort de ne pas appartenir à son ethnie. Là-dessus, la rébellion allait l’emporter et la France est intervenue…». (Rappelons que la rébellion a été extirpée d’Abidjan dès le 19 septembre 2002 par les Forces Armées Nationales, pendant que le Président Gbagbo était en Italie ; par deux fois elle a été mise hors de combat à Bouaké, et par autant de fois l’Armée Française, prétextant l’évacuation des ressortissants occidentaux et la destruction, à Bouaké, d’un campement du contingent français de la Licorne au cours de l’opération Dignité, l’a réinstallée dans cette ville du centre qui deviendra sa base).
«Quand les opposants irakiens, s’indigne-t-il, prennent des armes pour combattre leur gouvernement depuis l’étranger, les gouvernements occidentaux les subventionnent et les arment. Mais quand des opposants s’insurgent, en Côte d’Ivoire même, contre un gouvernement qui prône ouvertement la xénophobie, pas un de nos ‘’droits-de-l’hommisme’’ ne cite le plus bel article de la Déclaration des droits de l’homme qui fonde la résistance à l’oppression !...»
L’auteur de ces passages, le Professeur Bernard Debré, poursuivant dans son analyse, annonce ce qui a toujours été la volonté de la classe politique française de droite, faire de la Côte d’Ivoire le Kosovo de l’Afrique, en plus de l’humiliation qu’elle fera subir à son Peuple.
«Pour la Côte d’Ivoire, dit-il, comme pour le reste de l’Afrique, nous aurons l’occasion de le redire, il n’y a pas d’autre solution que d’absorber dans une démocratie unitaire, et à l’intérieur de frontières qui sont ce qu’elles sont, mais qu’il serait criminel de remettre en cause toutes les populations présentes, quelle que soit leur origine…».
Il enfoncera le clou en affirmant que :
«La logique profonde d’Houphouët, c’était d’ouvrir la Côte d’Ivoire, de traiter chaque ethnie sur un pied d’égalité, bref, de constituer un Etat africain moderne fondé sur l’abjuration des vieux démons tribaux… Vous avez raison de parler de l’impéritie de ses successeurs car ce n’est pas seulement Gbagbo qui a donné le signal de l’ethnicisme : c’est Konan Bédié, qui avait pourtant la confiance d’Houphouët, et qui, pour éloigner du pouvoir l’opposant Ouattara, trop panafricain à son goût – il avait une carte d’identité voltaïque – a allumé la mèche de la régression tribale…, conclut-il». (1)
Devant la gravité de tels propos, c’est avec beaucoup d’insistance mêlée de respect que je me sens dans l’obligation d’interpeller tous les acteurs politiques nationaux qui ont été, d’une manière ou d’une autre, collaborateurs et/ou proches du Président Houphouët Boigny, pour qu’ils parlent ou écrivent. Chers aînés ! Votre honneur puisse en souffrir, vous êtes moralement et patriotiquement condamnés à le faire à fin que les Ivoiriens et les Ivoiriennes sachent la vérité sur les choix politiques et comprennent la philosophie politique du Président Houphouët. Cette jeunesse patriotique vous en saura infiniment gré et vous sera éternellement reconnaissante. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire ! De la guerre que nous subissons depuis 2002, nous sortirons vainqueur, car nous ne pouvons pas la perdre ! Alors mettons-nous ensemble à rassembler le puzzle pour l’écriture de notre histoire !
Oui ! Parce que même si Houphouët l’avait voulu et avait, de ce fait, pris des décrets à cet effet, aux dires de certains de ses anciens collaborateurs que j’admire pour leur engagement dans ce combat de l’honneur de ce Pays pour le développement duquel ils ont consacré leur jeunesse, au lieu de se perdre dans le luxe et la facilité des organismes internationaux comme l’ont fait certains ressortissants de la sous-région, il a fini par annuler son projet de dilution de la nationalité ivoirienne par l’institution de la double nationalité au bénéfice des ressortissants ouest-africains, le Peuple souverain de Côte d’Ivoire ne l’ayant pas suivi dans cette voie. D’ailleurs je soupçonne la France et Foccart d’avoir suggéré ce projet au Président Houphouët pour des raisons que nous pouvons comprendre aisément aujourd’hui…
Le Président Houphouët parti, la France veut, à coup de canon, réinstaurer la double nationalité au bénéfice des étrangers qui seront naturellement prêts à lui céder la Côte d’Ivoire au franc symbolique. Les hommes passent, la Nation et le Peuple demeurent. Et c’est cette Nation et ce Peuple qui refusent aujourd’hui, comme ils l’ont fait hier, que la droite française réussisse ce qu’elle n’a pas pu obtenir hier du Peuple de Côte d’Ivoire avec l’aide d’Houphouët. Le Président Houphouët, lui, ne pouvait rien leur refuser, cerné qu’il était de toute part, et dramatiquement affaibli par des rapports de forces qui ne lui étaient pas favorables.
Revenant à l’actualité, de tels propos, contenus dans ce livre, inspirent trois choses :
La première chose, c’est une série d’interrogations ! En effet, après plus de trois années de guerre, de telles thèses, fondées sur de faux prétextes pour justifier cette crise, peuvent-elles prospérer ? Il serait intéressant que les auteurs nous donnent leur avis ! Le temps ayant fait son effet, sont-ils encore animés par cette superbe qui leur a fait soutenir de telles explications à la crise que nous traversons ? N’y a-t-il pas quelque part des doutes sur ces affirmations et ces certitudes qui devraient, et c’est notre souhait et notre espoir à nous Ivoiriens, les pousser à revenir sur les faits, qui sont eux têtus, à la lumière de la raison et de l’objectivité, afin de trouver les vraies causes de la crise que nous vivons en Éburnie ? En tous les cas nous espérons que cela soit le cas.
La deuxième chose, c’est un constat ! Le constat que ces propos reflètent la thèse officielle de la classe politique française de droite au pouvoir qui a diabolisé le régime ivoirien et pris fait et cause pour une rébellion. Une classe politique qui s’est laissée apparemment abuser. A moins que ce ne soit elle qui ait monté cette rébellion qui est en mission, en réalité, pour ses intérêts. Dès lors cette France-là est-elle neutre pour s’interposer entre les belligérants ? La réponse, bien sûr, est non !
Et l’évolution de cette crise confirme cette négation. Aujourd’hui, ce n’est plus faire preuve de génie d’affirmer que la France est partie au conflit dans l’imbroglio ivoirien.
Et donc ni moralement, ni intellectuellement, ni politiquement, ni diplomatiquement, elle n’est habilitée à devenir un agent facilitateur pour la recherche de la paix. Trop d’émotions, trop de passions, en définitive trop d’intérêts influent sur sa capacité à appréhender les solutions de sortie de crise avec sagesse !
Enfin la troisième chose, une réponse ! Celle-ci est donnée par une Française résidant en Côte d’Ivoire. Dans un article intitulé «Comment tous les hommes politiques français ont été dupés» (2), article paru dans un quotidien abidjanais. Cette dame fait une analyse tellement pertinente qu’à la lecture de cet article il est aisé de comprendre pourquoi les propos que j’ai transcrits plus haut, ont été le fait de cette duperie médiatique de grande envergure. «Il est aujourd’hui admis et reconnu par la communauté internationale, dit-elle, que la France était au courant des préparatifs du coup d’Etat de septembre 2002, et également plus que probable qu’elle l’a favorisé, sinon matériellement aidé. Pour quelles raisons les Présidents Gbagbo et Chirac n’ont-ils donc jamais pu entretenir de relations normales ? Les historiens pourront peut-être un jour expliquer cette énigme qui résulte probablement d’une multitude de facteurs divers et variés : des inimitiés personnelles aux relations économiques publiques et privées, nous pouvons tout imaginer, mais une des raisons de base doit être l’approche innovante des relations entre les deux Etats que le Président ivoirien a voulu construire : l’État français passait pour lui en quelque sorte du statut de ‘’grand frère protecteur’’ à celui de ‘’simple partenaire’’ mis en concurrence avec tous les autres Etats : cruel changement ! Laurent Gbagbo a sans doute voulu aller trop vite dans cette voie ; il est en fait difficile de changer des habitudes vieilles de plusieurs décennies, surtout quand elles ‘’profitent’’».
«Toujours est-il, poursuit-elle, que l’existence de cette profonde différence de vue entre les deux chefs d’État est une chose réelle, que tous les observateurs admettent. Mais deux questions subsistent, affirme-t-elle : ces mauvaises relations peuvent-elles, à elles seules, justifier le renversement du Président ivoirien ? Et pourquoi les socialistes français n’ont-ils pas soutenu un homme dont ils devraient a priori partager les idées généreuses et sociales ?».
Elle orientera ensuite son analyse sur l’incompréhension de la réalité ivoirienne par la classe politique française (parlons plutôt d’ignorance ou de méconnaissance de la réalité ivoirienne) qui a fait croire à cette classe politique française, y compris les socialistes français plus proche idéologiquement du régime du Président Laurent Gbagbo, que celui-ci est tellement impopulaire qu’une petite rébellion suffirait à le faire éjecter du pouvoir. Elle trouve cependant des circonstances atténuantes à ces hommes politiques pour «s’être laissé abuser par des opposants ivoiriens qui rasent les murs dans leur propre pays». Et elle s’offusque en définitive de l’attitude des socialistes français qui, malgré le seul Henri Emmanuelli, ami du Président ivoirien, en minorité dans son parti, n’ont rien entrepris pour soutenir leur camarade ivoirien : «Malheureusement, écrit-elle, par le fait du hasard ou de la malchance, le principal soutien de Laurent Gbagbo au sein du Parti Socialiste, son ‘’jumeau français’’ Henri Emmanuelli, est actuellement minoritaire dans ce parti. Le jeu des divisions internes et de la politique politicienne, qui poussent les socialistes à se positionner le plus souvent les uns par rapport aux autres plutôt que sur de vraies idées, a ainsi certainement contribué à isoler Laurent Gbagbo».
Si dans le fond nous sommes tous d’accord sur la dernière partie de cette analyse, comme nous le sommes pour le reste d’ailleurs, la formidable unanimité de la classe politique française de droite comme de gauche, devrait nous inviter tous à réfléchir pour trouver d’autres raisons qui nous semblent plus fiables, et qui expliqueraient cette unanimité. Ainsi saurions-nous, qu’en effet, toutes les idéologies meurent sur l’autel des intérêts nationaux, sauf pour ceux, surtout de chez nous, que la bêtise et l’ignorance empêchent de prendre en compte, dans la marche de ce monde de la globalisation, cette réalité dialectique.
Il est donc clair que les raisons, qui ont poussé les assaillants à attaquer notre Pays la nuit du 18 au 19 septembre 2002, sont à chercher ailleurs que dans ces propos qui montrent bien le parti pris de ses auteurs qui ignorent la réalité ivoirienne.
Il semble même que depuis la publication de cet ouvrage en 2003 beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Maître Vergès, éminent avocat connu de tous, co-auteur de ce livre, tiers-mondiste convaincu, et défenseur des «causes perdues», a compris, depuis lors, que la vérité sur la guerre que l’on fait à la Côte d’Ivoire est ailleurs. Et son livre sur cette guerre, dont la publication vient d’être effective, prouve bien ce que nous disons. Ce livre intitulé «Crime contre l’humanité - Massacre en Côte d’Ivoire», mérite d’être lu par tous les Ivoiriens.
Quant à mon maître et ami, le Professeur Bernard Debré, co-auteur de «De la mauvaise conscience en général et de l’Afrique en particulier», sa propre histoire m’incline à dire qu’il s’est laissé abuser. Grand passionné de l’Afrique, le Professeur Debré, ancien ministre de la coopération dans le gouvernement Balladur, est l’un des rares français qui peut se prévaloir d’amitié extrêmement féconde en Afrique francophone. Professeur émérite d’urologie, il a formé beaucoup de praticiens africains qui sont devenus pour la plus part ses amis. Et je me flatte de compter parmi ce réseau de condisciples et d’amis. Cependant pour autant qu’un homme peut changer, et cela en fonction des objectifs qui guident son action, voici ce qu’il écrivit le 25 novembre 1999 dans le quotidien français «le Figaro», à propos de la candidature d’Alassane Ouattara, le texte est ici repris entièrement avec les interlignes telles qu’elles figurent dans cet article du Figaro :
«Ingérence en Côte d’Ivoire, dit-il,
«Exemple flagrant d’ingérence dans les affaires d’un pays africain. Au nom de quoi les occidentaux s’autorisent-ils à exiger des autorités ivoiriennes une candidature à l’élection présidentielle non conforme à la constitution ? Comme si nous étions encore à l’ère coloniale, nous versons de plus en plus dans l’ingérence. L’exemple de la Côte d’Ivoire est caractéristique. Ce Pays est l’un des plus démocratiques d’Afrique, les élections se succèdent : législatives, municipales, présidentielles. La vie économique y est intense. Abidjan est l’une des plus belles villes de ce continent. La paix et la stabilité y règnent comme dans beaucoup de villes occidentales. En un mot, la Côte d’Ivoire est un Etat de droit, avec ses forces et ses faiblesses. Voici qu’une bataille d’intellectuels surgit, telle une tempête dans un verre d’eau. Pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être d’origine et de nationalité ivoirienne. La belle affaire ! Est-ce normale ? Comme d’ailleurs aux Etats Unis, comme en France, comme la logique démocratique le veut dans tous les Pays, il faut avoir la nationalité du Pays où l’on veut être candidat. Un homme d’une grande valeur, ancien Premier ministre, voudrait s’y présenter, mais il semble ne pas être ivoirien. La loi n’autorise donc pas sa candidature. Alors le monde occidental s’offusque et crie à la dictature. Quelle curieuse bataille ».
«Curieuse bataille»
« Aux Etats Unis, si Henry Kissinger avait voulu être candidat, la Cour Suprême s’y serait opposée, bien qu’il ait été ministre des Affaires étrangères, bien qu’il ait été prix Nobel de la paix. Aurait-il fallu signer des pétitions, organiser des manifestations dans les rues ? Aurait-on imaginé l’ONU ou le FMI adresser des notes incendiaires au président sortant, l’enjoignant d’accepter sa candidature ? »
«L’Afrique abandonnée»
«Pourquoi existe-il deux poids deux mesures ? D’un côté les pays riches et dits développés, qui sont régis par une cour constitutionnelle irréprochable et de l’autre, des pays pauvres, qui devraient obéir aux occidentaux et balayer d’un revers de la main les décisions de leurs organes juridictionnels suprêmes ? Arrêtons cette diplomatie pyromane bon marché. Les Occidentaux n’ont pas à choisir le candidat à l’élection présidentielle ivoirienne, fut-il vice-président du FMI».
«L’Afrique traverse une période extrêmement difficile. Abandonnée, ce continent est de plus en plus oublié par les riches démocraties. Est-il normal que le sida y fasse tant de morts, alors que nous, nous pouvons nous payer les traitements les plus sophistiqués et les plus chers ? Qui s’est levé pour dénoncer ce scandale ? Est-il normal que les étudiants africains ne puissent plus venir en France terminer leurs études dans nos facultés, alors que la démocratie ne peut se répandre que dans le sillage du savoir ? Est-il normal que nous laissions mourir de faim des millions d’Africains ? Tandis que nous brûlons devant les préfectures françaises des tonnes et des tonnes de fruits et de légumes ?»
«Est-il normal que l’égoïsme des pays riches tue les Africains par millions et que nous nous satisfassions d’incantations dérisoires sur le droit à la candidature d’un des protégés du FMI ?»
« Quelqu’un osera-t-il proposer bientôt de décréter l’embargo économique contre la Côte d’Ivoire, pays phare du développement en Afrique ?»
«Ces réactions sont plus proches de l’hégémonie néo-colonisatrice que de la morale internationale.
Laissons le peuple ivoirien respecter sa constitution et aidons-le à se développer économiquement, aidons-le à parcourir le chemin de la démocratie et enfin commençons à réfléchir sur nos comportements égoïstes».
«Partageons un peu plus nos richesses et évitons les attitudes ostentatoires de l’homme blanc qui détient la vérité».
Je me pose donc la question fondamentale de savoir qu’est-ce qui a pu se passer pour que, de 1999 à 2003, mon ami et maître le professeur Bernard Debré, grand amoureux de l’Afrique et de la Côte d’Ivoire en particulier, très attaché à ce continent où il compte beaucoup d’amis, subisse une telle variation dans son discours ?
Quant à moi, frustré et troublé comme je le suis devant ces propos, je poursuis ma réflexion en reprenant Spinoza, quand il partageait le sentiment de frustration qu’inspirait à Oldenburg la situation politique internationale. L’un est Hollandais, l’autre est Anglais, donc ressortissants de deux pays qui étaient en conflits armés au 17ième siècle, leur époque. Spinoza aussi trouvait là une occasion de s’intéresser à la nature humaine, ses réflexions sur les guerriers «rassasiés de sang humain» s’harmonisant parfaitement à ses propres croyances philosophiques. «Si, dit-il, ce personnage fameux qui riait de tout (Démocrite, le philosophe grec du Ve siècle) vivait dans notre siècle, il mourrait de rire assurément. Pour moi ces troubles ne m’incitent ni au rire ni aux pleurs ; plutôt développent-ils en moi le désir de philosopher (d’être plus sage, je veux dire) et de mieux observer la nature humaine. Je ne crois pas qu’il me convienne de tourner la nature en dérision, encore bien moins de me lamenter à son sujet, quand je considère que les hommes, comme les autres êtres, ne sont qu’une partie de la nature et que j’ignore comment chacune de ces parties s’accorde avec le tout, comment elle se rattache aux autres. Et c’est ce défaut seul de connaissance qui est cause que certaines choses, existant dans la nature et dont je n’ai qu’une perception incomplète et mutilée, parce qu’elles s’accordent mal avec les désirs d’une âme philosophique (d’une âme sage),m’ont paru jadis vaines, sans ordre, absurdes. Maintenant je laisse chacun vivre selon sa complexion (selon sa constitution physique, ou ses caractéristiques physiques) et je consens que ceux qui le veulent, meurent pour ce qu’ils croient être leur bien, pourvu qu’il me soit permis à moi de vivre pour la vérité». (3)
Loin de moi la prétention de me prendre pour un Spinoza ou un Oldenburg ! Cependant, permets-moi de t’exprimer, Bernard, ces mêmes sentiments de frustration et de trouble dont parlaient Spinoza et Oldenburg. La situation que vit mon Pays m’inspire les mêmes sentiments de frustration et de trouble nés des explications que tu en donnes dans ce livre que tu m’as dédicacé ce 28 avril 2003 à Paris. Les mots simples que tu as inscrits en page de dédicace, par leur charge affective, expriment plus que mille phrases ton attachement sincère à cette terre d’Afrique, et particulièrement à cette terre de Côte d’Ivoire que tu connais, et où tu comptes beaucoup d’amis. «Pour Maurice Gnagne, mon ami, mon élève, pour que vive notre Côte d’Ivoire», tel est l’expression, tel est le contenu de cette dédicace.
Mais pour que vive la Côte d’Ivoire, nous devons tous ensemble chercher à emprunter le chemin de la vérité qui nous libèrera tous.
La vérité de cette crise, comme vient de le découvrir ton co-auteur, Maître Vergès, à travers son livre que j’ai cité plus haut, est ailleurs et non dans les explications que tu en donnes dans ton «De la mauvaise conscience en général et de l’Afrique en particulier»…
Plus que tout autre en France, ton amour pour l’Afrique et les relations extrêmement fécondes que tu as tissées dans le milieu médical réputé altruiste et ayant le sens de l’humanitaire, t’imposent une attitude plus active, dans le bon sens du terme, pour la recherche des solutions à cette crise que traverse mon Pays la Côte d’Ivoire et, au-delà de mon Pays, pour la recherche de solution globale aux conflits qui défigurent l’Afrique francophone.
Pour sauver ce qui peut l’être des relations franco-ivoiriennes, tu peux beaucoup : par exemple faire comprendre aux politiques français que la Côte d’Ivoire a changé. Ce Peuple n’a rien de commun avec celui des années 1960 et 1970, ainsi que celui des années 1980 et 1990. C’est une nouvelle génération d’hommes et de femmes libres, amoureux de leur Peuple, et donc Patriotes, qui méritent d’être connus et appréciés tels qu’ils désirent être et devenir pour l’honneur et la dignité de leur Peuple, pour que vive enfin la Côte d’Ivoire.
L’évidence aujourd’hui c’est que ce Peuple et ses différentes composantes qui ont fait de l’humour un facteur d’équilibre social et une thérapie psychanalytique efficace contre l’adversité, trouveront les moyens et les mots qui leur permettront de se pardonner mutuellement les maux et les torts qu’ils se sont causés. Ceci est plus que possible puisque nous n’avons aucune autre alternative, condamnés que nous sommes à vivre ensemble. Mais ceci n’est possible qu’à condition que la Licorne, qui n’est jamais venue en Côte d’Ivoire pour sauver le régime de Gbagbo, quitte la ligne de démarcation, je veux dire «cette fameuse ligne dite de confiance» qu’elle a tracée d’Est en Ouest, et derrière laquelle se produisent des atrocités humainement insoutenables. Alors seulement la guerre ne sera plus qu’un mauvais souvenir en Côte d’Ivoire. Les «guerriers buveurs de sang» de Chirac, pour reprendre les termes de Spinoza, sont fatigués et ont depuis longtemps «tourné la crosse du fusil en l’air», signe qu’ils ne veulent plus faire la guerre, qu’ils ne veulent plus faire la guerre à leur mère Patrie. Alors ! Que la France nous libère donc !
Professeur GNAGNE Yadou Maurice
*Agrégé de Médecine
Directeur Stratégie et Communication FPI
DDC Dabou-Sikensi
___________________
1- Debré B., Vergès J., De la mauvaise conscience en général et de l’Afrique en particulier, éd. J.C. Lattès, 2003, pp. 11, 12, 25, 26, 30, 31, 32.
2- Notre voie n° 2369 du vendredi 21 avril 2006, p. 10.
3- Steven Nadler, Spinoza, biographie, éd. Bayard 2003, pp.262-356.
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vendredi, 18 août 2006
Laurent Gbagbo — “La crise ivoirienne, le Cameroun et moi”
Le Messager (Douala – Cameroun) — 18 août 2006 — http://www.lemessager.net/details_articles.php?code=110&a...
Questions, et réponses, sur l’actualité brûlante (audiences foraines, après-octobre, etc…), mais aussi, plus largement, les différentes polémiques qui ont émaillé les quatre années de guerre en Côte d’Ivoire (ivoirité, xénophobie, escadrons de la mort, etc…).
«Dans un entretien accordé la semaine dernière à Melvin Akam et diffusé hier jeudi sur les antennes de la télévision camerounaise “Canal 2 International’’, le président ivoirien revient avec simplicité et franc-parler, sur les péripéties de la crise ivoirienne, dont il dit que son pays va bientôt sortir. Il accepte également de parler de sa vie d’ancien opposant, devenu chef d’un des Etats les plus importants d’Afrique. Où l’on découvre un président qui reste un homme, pour ne pas devenir un zombie présidentiel, et trouve du temps pour regarder les matches de tennis féminin ou du Fc Barcelone de Samuel Eto’o qu’il dit aimer. Un homme aussi qui est reconnaissant au Cameroun de l’avoir fait connaître, aux Camerounais de l’avoir aidé du temps de son exil et de continuer à le soutenir. Lisez plutôt.
Merci monsieur le président de la République de Côte d’Ivoire de nous accorder cet entretien. Comment vous portez-vous quelques jours après avoir échappé à un incendie au palais présidentiel libérien à Monrovia ?
Je me porte plutôt bien. Ce n’est pas l’incendie de Monrovia qui m’a empêché d’attraper une grippe comme d’habitude. J’ai un peu perdu la voix, mais ça va mieux.
La presse ivoirienne parle de cet incendie comme d’un acte prémédité, un acte criminel en quelque sorte. Que s’est-il passé à Monrovia ?
Tant que les enquêteurs libériens ne nous ont pas donné les résultats de leurs investigations, chacun est libre de faire des supputations. Mais en ce qui nous concerne, la thèse de l’acte prémédité, je l’ai entendue de la bouche de madame Ellen Johnson, le chef d’Etat du Libéria. Nous étions trois chefs d’Etat pris dans cet incendie : John Kuffor du Ghana, Ellen Johnson du Libéria et moi-même. J’ai demandé à madame Johnson s’il s’agissait d’un court-circuit. Elle m’a répondu non, et que le gouvernement libérien avait des informations suivant lesquelles, le 26 juillet, des gens allaient tenter de faire quelque chose contre son gouvernement. Ce n’était pas une surprise pour elle. Alors je lui ai demandé s’il s’agissait des gens de l’opposition. Elle m’a répondu non ; elle pensait plutôt que c’était les gens de l’ancien président Charles Taylor. Donc vous voyez que c’est de la bouche même de madame le chef de l’Etat du Libéria. Elle m’a dit qu’elle avait ordonné des enquêtes. S’il y a autre chose, que ces enquêtes nous livrent, à ce moment-là, on croira autre chose. Mais pour le moment, en tout cas en ce qui me concerne, c’est la seule source que j’ai dans la tête parce que c’est ce qu’elle m’a dit.
Monsieur le président, parlons de la Côte d’Ivoire. Votre pays vient de célébrer les 46 ans de son indépendance. C’est un pays divisé depuis quatre ans et qui s’installe dans une situation de ni paix, ni guerre ; en tout cas c’est l’impression qu’on a de l’extérieur. Où en êtes-vous avec le processus de sortie de crise et de normalisation ?
On va sortir de la crise. Vous savez, dans l’histoire du monde, on a eu beaucoup de crises comme celle-là. Des crises plus ou moins longues. La guerre de 1914-1918 était une crise à l’échelle du monde. Elle a duré quatre ans. La guerre 1939-1945 est une crise à l’échelle du monde. Elle a duré cinq à six ans à peu près. Il y a eu d’autres crises. Je peux citer la guerre des cent ans. Je crois que cette crise que nous traversons nous ennuie, nous embête et nous enferme. Mais c’est une crise. Et on ne peut pas passer une vie humaine sans traverser de crise. Une nation ne peut pas naître et grandir sans traverser de crise. C’est cela la nature. Je crois qu’il nous faut assez de courage et de panache pour en sortir. Le temps que ça prendra, je ne pense pas que cela puisse prendre très longtemps, on en sortira et on sera plus fort.
Quels sont les signes qui vous font croire que vous allez en sortir bientôt ?
Parce que d’abord les héros sont fatigués. Les combattants sont fatigués de se battre. Cela, c’est le premier signe. Et c’est un signe qui ne trompe jamais. Quand ceux qui se battent sont fatigués de se battre, la bataille s’arrête, faute de combattants. Ensuite, il y a que tout le monde juge aujourd’hui que cette guerre est inutile. Donc, il y a des signes comme le pré - regroupement des combattants, des signes comme le dialogue militaire, la paix entre les jeunes qui ont pacifié la rue. Des signes comme ceux-là, montrent que les héros sont fatigués et que nous ne sommes plus loin de la sortie de crise.
Les signes sont là mais on vous accuse toujours de bloquer le processus de sortie de crise. Certains disent que vous avez l’habitude de remettre en cause les accords qui sont déjà conclus. D’autres vous qualifient même de boulanger qui roule tout le monde dans la farine y compris vos pairs africains…
Certains ont une image plus gentille et me qualifient de pâtissier. Je crois quand même que c’est un peu plus gentil que boulanger (Rires). Les gâteaux c’est plus agréable que du pain surtout quand le pain est fruste.
Donc cela ne vous agace pas…
Non. Je pense que tout homme politique a toujours des surnoms qu’on lui donne. Si cela l’agace, il ne fait pas la politique. Quand on fait la politique, on reçoit des surnoms de partout. Moi si je vous cite aujourd’hui les surnoms que certains chefs d’Etat ont, je pense que certains parmi eux vont vraiment se fâcher. Mais moi je ne me fâche pas parce que je pense que c’est la règle du jeu.
Ce qui se passe en Côte d’Ivoire, c’est un coup d’Etat qui a eu lieu et qui a échoué. Ce coup d’Etat n’a pas atteint son objectif, c’est-à-dire renverser un régime. Le coup d’Etat s’est mué en guerre civile, puis en occupation d’un espace territorial assez important. Donc, quand je ramène tout le monde à la loi, des gens font comme si les ramener à la loi, c’est leur nuire. Mais ils ont échoué ; donc, les lois existent. Quand on fait un coup d’Etat, c’est pour mettre à bas les lois. C’est pourquoi celui qui fait un coup d’Etat est hors-la-loi. Mais celui qui n’a pas fait de coup d’Etat trouve son intérêt à appliquer et respecter les lois et de dire que les lois vivent et qu’elles vivront. Par conséquent, il y a toujours, entre les deux parties de la discussion, deux manières différentes de voir les choses : moi je vois le pays à travers les lois, eux ils le voient à travers le coup qu’ils ont fait. Je ne peux l’accepter car je ne suis pas un putschiste.
“J’ai signé plus de décrets de naturalisation que mes prédécesseurs, les présidents Gueï et Bédié.”
Je voudrais vous prendre un cas : l’identification de la population qui semble être un préalable aux élections. Vous avez appelé les Ivoiriens à se rendre massivement aux audiences foraines pour se faire identifier je crois. Parallèlement, certains de vos partisans organisent le boycott actif des mêmes audiences foraines. Est-ce que ces audiences gênent le camp présidentiel ?
Vous pouvez le demander à ceux qui ont appelé au boycott des audiences foraines. Chacun est responsable de ce qu’il fait. Moi je ne suis pas chef d’un parti, je suis chef de l’Etat. J’ai appelé à aller aux audiences foraines. Mais les audiences foraines, ça ne veut pas dire la foire. Les audiences foraines, c’est une audience à laquelle on va et on demande un jugement supplétif d’acte de naissance ou un jugement d’acte de décès. C’est tout. On ne délivre pas d’acte de nationalité à une audience foraine. Quiconque le fait, contrevient à la loi. Je crois que ceux dont vous parlez comme mes partisans, quand ils se sont révoltés et qu’ils ont appelé à boycotter les audiences foraines, ils n’ont pas appelé à boycotter les audiences foraines en elles-mêmes. Ils ont appelé à boycotter les audiences foraines qui délivrent frauduleusement des certificats de nationalité parce que ce n’est pas le rôle des audiences foraines de délivrer des certificats de nationalité. C’est au président du tribunal qui seul a compétence pour délivrer des certificats de nationalité qu’il appartient de le faire. D’ailleurs, il ne s’agit pas seulement du camp présidentiel. Le Premier ministre Charles Konan Banny a fait rédiger par son cabinet un guide pratique des audiences foraines où c’est dit clairement qu’on n’y délivre pas des certificats de nationalité. Donc ce n’est pas une affaire de camp présidentiel, c’est une question de droit.
La question de la nationalité étant manifestement au centre de la crise ivoirienne, pour vous, qu’est-ce que c’est qu’être Ivoirien ?
Etre Ivoirien c’est avoir la nationalité ivoirienne, c’est tout. C’est simple.
Vous êtes à la tête d’un pays dont un quart de la population est d’origine étrangère…
Non ! Donc un quart de la population est étrangère. Parce que les Ivoiriens qui sont d’origine étrangère sont plus nombreux.
Parmi ces étrangers, il y en a qui sont de la deuxième génération. Ils sont nés en Côte d’Ivoire et n’entendent pas en partir. Comment faut-il les intégrer ?
Que dit le droit ?
En Côte-d’Ivoire, prévaut le droit du sang et non le droit du sol. Et donc, si vous êtes né en Côte d’Ivoire et que vous êtes de père et de mère étrangers, vous n’êtes pas Ivoirien. Si vous êtes étranger et que vous voulez devenir Ivoirien, alors vous en faites la demande. Je rappelais les chiffres il n’y a pas longtemps : depuis bientôt six ans que je suis là, j’ai signé plus de décrets de naturalisation que mes prédécesseurs, les présidents Gueï et Bédié. Je signe en moyenne 163 décrets de naturalisation par an. Pour vous donner une idée, sachez que le président Houphouët-Boigny en a signé en moyenne 168 par an. Donc nous sommes très proches du point de vue de la quantité. D’ailleurs, lorsque vous êtes connu, le président de la République signe rapidement le décret de naturalisation et vous évite de passer par toutes les formalités au ministère de la Justice, au ministère de l’Intérieur. C’est simple. Mais on ne peut pas dire que comme je suis en Côte d’Ivoire depuis longtemps, je vais faire des faux papiers pour me faire passer pour un Ivoirien. C’est de la délinquance. Et cette délinquance-là est passible de jugement, il faut le rappeler à chaque instant. Devenir Ivoirien, ce n’est pas compliqué. Si vous allez entre Yamoussoukro et Daloa, vous trouverez des villages qui ont des noms burkinabés : Koudougou, Garango, Kopela, c’est des villages où des gens d’origine burkinabé se sont installés. Ils ont tous demandé la nationalité ivoirienne, ils l’ont acquise, ils sont aujourd’hui tous des Ivoiriens. Ils font tout comme des Ivoiriens : ils votent, ils sont candidats. Je viens même d’ériger la commune de Koudougou comme commune de plein exercice. Vous voyez donc que nous on n’a pas ce problème existentiel. Seulement, il faut suivre la loi. Celui qui ne suit pas la loi et qui veut frauder ou tricher, on le poursuit.
Parlons du désarmement, un autre problème qui est au cœur de la crise ivoirienne. Avez-vous les moyens aujourd’hui d’obtenir de la rébellion qu’elle dépose les armes ?
Moi j’ai les moyens. C’est la communauté internationale qui m’empêche d’utiliser les moyens que j’ai. J’ai acquis des moyens. Quand je suis arrivé au pouvoir, j’ai trouvé un pays dont l’armée n’était pas armée. Il n’y avait pas d’armes. C’est ce qui a d’ailleurs permis à ceux qui ont fait ce coup d’Etat manqué devenu guerre civile, de faire les coups de force. On n’avait pas d’armes. Maintenant, on s’est équipé. Avec la crise de novembre 2004, les Français ont détruit seulement des avions. Mais l’armement d’une armée n’est pas constitué seulement que d’avions. Aujourd’hui, nous sommes capables de les désarmer de force. Mais, on est rentré dans un système où il y a beaucoup d’accords, beaucoup de négociations qui ont eu lieu, nous appliquons donc la constitution, les lois, les textes négociés et les résolutions.
“On n’a pas à prendre les armes pour se plaindre. La communauté internationale n’a pas à donner l’impression d’encourager ceux qui prennent les armes parce qu’il y a des problèmes. Elle a à encourager les gens à discuter, à respecter les règles de l’égalité.”
Justement, comment jugez-vous le traitement du dossier du désarmement par la communauté internationale ?
Mal ! Je pense que le dossier du désarmement est mal traité. Beaucoup de gens racontent n’importe quoi et ne prennent pas le taureau par les cornes. C’est le reproche que je peux faire à la communauté internationale. Elle met tout à la charge du chef de l’Etat et tout au crédit des rebelles. Elle fait comme si la rébellion était une nation prospère, tranquille, légitime et légale qu’un méchant loup appelé Gbagbo est venu brusquement attaquer, avec ses hommes et qu’il dérange. Je dérange donc la rébellion. Or la rébellion est en tort. Par essence, la rébellion a tort du fait qu’elle est une rébellion. Tant qu’on ne l’affirme pas, et tant qu’on n’agit pas en conséquence, on se trompe. Voilà la première erreur de la communauté internationale.
La deuxième est une erreur d’analyse. On fait comme si ce coup d’Etat est dû au fait qu’une partie de la population est marginalisée, malmenée. On n’a pas hésité à parler de Musulmans qui sont malmenés en Cote d’Ivoire, méprisés…mais c’est faux. Parce que l’histoire de la Côte d’Ivoire est connue à travers toutes les régions. Il y a eu la crise du Sangwi où les Agnis ont été indexés un moment ; il y a eu la crise du Kebié où les Bétés étaient accusés un moment, aujourd’hui il y a la crise du Nord. Seulement, hier, lorsque nous, nous étions victimes, nous n’avons pas pris les armes pour autant. On n’a pas à prendre les armes pour se plaindre. La communauté internationale n’a pas à donner l’impression d’encourager ceux qui prennent les armes parce qu’il y a des problèmes. Elle a à encourager les gens à discuter, à respecter les règles de l’égalité.
Il s’agit en fait d’un groupe d’individus qui ont pris les armes pour faire un coup d’Etat, pour amener une équipe nouvelle au pouvoir. Je ne suis pas le seul contre qui ils ont pris les armes. Ils ont d’abord pris les armes contre Bédié en décembre 1999. Ce coup d’Etat n’a réussi qu’à moitié : il a réussi à renverser le régime de Bédié, mais il n’a pas réussi à installer au pouvoir les gens que les putschistes voulaient. Celui qu’ils ont placé au pouvoir pour animer le gouvernement intérimaire a tenté lui aussi d’être candidat et d’être président. Je suis allé aux élections et je l’ai battu. Ils ont donc continué puisque le deuxième objectif n’était pas atteint à savoir, mettre une équipe précise au pouvoir. Ils ont tenté un coup d’Etat en janvier 2001 et ils ont échoué ; puis un autre en septembre 2002 qui s’est mué en rébellion. C’est dans cette crise-là que nous sommes. Donc, il s’agit de la conquête du pouvoir autrement que par les urnes. Les questions de nationalité et d’identité sont juste instrumentalisées par un groupe d’individus qui veulent arriver au pouvoir. Je ne l’accepterai pas.
L’identification et le désarmement étant encore à faire, techniquement, l’élection présidentielle attendue que la résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations unies voudrait pour le 30 octobre 2006 au plus tard, peut-elle encore avoir lieu à cette date-là ?
Je n’en sais rien. Mais ce n’est pas cela ma préoccupation. Ce qui est important c’est qu’on se mette en position de faire les élections. Il faut travailler à tout afin qu’on soit en position de faire des élections. Si elles arrivent avant, tant mieux. Si elles arrivent le jour même c’est tant mieux. Si elles arrivent après, c’est bien aussi, pourvu qu’on aille aux élections et que le peuple de Côte d’Ivoire choisisse librement ses dirigeants.
Si la présidentielle arrive après le 30 octobre prochain, la question se pose quand même de savoir comment la Côte d’Ivoire sera gouvernée…
La Côte d’Ivoire a des textes. Les articles 38 et 39 de la constitution ivoirienne règlent ce problème-là. Et c’est sur ces articles-là que l’Union africaine s’est appuyée en 2005 pour reconduire mon mandat, n’oubliez pas que les élections présidentielles auraient dû se tenir en octobre 2005. Pour l’Union africaine, le 30 octobre, c’était plutôt un souhait. Alors les gens qui n’ont pas participé aux débats croient qu’on nous somme d’organiser les élections avant le 30 octobre. Pour notre propre bien, il faut qu’on aille le plus tôt possible aux élections. On n’a pas besoin de nous donner un délai pour notre propre bien. C’est nous les premiers concernés. C’est à nous, le 30 octobre venu, de décider s’il faut se donner plus de temps pour mieux peaufiner le processus afin qu’on ait des élections transparentes. Mais, tout est compris dans la constitution
Vous voulez dire que le cas échéant, vous resterez en fonction ?
Tout est dans la constitution. Le jour où ces dispositions constitutionnelles ont été votées, j’étais député à l’Assemblée nationale. Je vais vous faire une confidence : j’avais voté contre. J’étais député de l’opposition et nous venions de faire le boycott actif des élections de 1995. C’est après cela que le président Bédié avait proposé ce texte de loi. Nous avions vu là une manière pour lui de créer les conditions de se maintenir au pouvoir. Donc nous avions voté contre. Je connais bien ce texte.
Mais ce n’est pas un problème de savoir qui va être président après le 30 octobre. C’est celui qui a été élu et qui est reconduit par les articles 38 et 39 de la constitution jusqu’à ce que les élections aient lieu ; et celui-là c’est moi et je vous dis que je souhaite qu’on ait les élections le plus tôt possible parce que mieux vaut que la Côte d’Ivoire sorte de cette situation bancale pour entrer dans une ère de clarification.
Monsieur le président, vous avez déclaré un jour que le poste de président de la République c’est un fauteuil. Ce n’est pas un banc. De l’extérieur, on a l’impression que ce fauteuil-là est devenu un banc. Et, sur ce banc, d’aucuns voudraient même que vous soyez un peu dans la situation de la Reine d’Angleterre, sans pouvoirs réels. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire qui a le pouvoir de décision : le président Laurent Gbagbo, le Premier ministre Charles Konan Banny ou la communauté internationale ?
(Impatient) Charles Banny, je travaille avec lui et il travaille sur les textes édictés par la communauté internationale pour la sortie de crise. Mais dans un pays c’est facile. Quand vous voulez savoir qui a le pouvoir, demandez-vous qui signe les décrets, qui signe les projets de loi, qui ratifie les traités, qui promulgue les lois, qui nomme aux hautes fonctions administratives et militaires etc. Une fois que vous avez répondu à ces questions, vous savez qui a le pouvoir.
Donc vous n’êtes pas la Reine d’Angleterre ?
Je ne peux pas être la Reine d’Angleterre, je ne suis pas candidat à cela. J’ai été élu pour être président de la république dans un régime politique qui est le nôtre et qui n’est pas un régime parlementaire.
Y a-t-il un risque que la crise ivoirienne ferait courir à la sous-région Afrique de l’ouest et même à l’Afrique tout entière ?
A la sous-région Afrique de l’Ouest, c’est sûr, puisque dans les Etats de l’Uemoa (Union économique et monétaire Ouest-africaine ndrl) la Côte d’Ivoire est le pays le plus économiquement solide. Si donc ce pays est en panne, cela rejaillit immanquablement sur les autres. Nous avons le port d’Abidjan, le plus grand port de la sous-région, qui est, après le port de Durban, le deuxième port d’Afrique et malgré la crise, nous faisons des performances. Donc si la Côte d’Ivoire est en panne, à cause du port, à cause de sa capacité industrielle, à cause de sa capacité agricole, à cause de sa capacité de croissance nous mettons l’Afrique de l’Ouest en panne. C’est pourquoi il faut qu’on en sorte vite.
“Kléber, ce n’était pas un endroit pour régler une crise. C’était un endroit pour arracher le pouvoir des mains légitimes pour le mettre dans des mains illégitimes.”
Lorsque vous vous retrouvez entre chefs d’Etat est-ce que vous avez l’impression que vos pairs africains ont suffisamment conscience de ce risque-là ?
Oui. Ils en ont parfaitement conscience.
Est-ce qu’ils vous aident à en sortir ?
Ça je n’en sais rien. Qu’ils soient conscients des risques que fait courir la crise ivoirienne à l’Afrique, oui. Mais qu’ils m’aident à en sortir, je ne peux pas vous répondre.
Lorsque vous interrogez votre propre démarche dans la résolution de la crise ivoirienne. Est-ce que quelques fois vous ne vous dites pas “ ici, j’ai fait une erreur ”?
Ah si. J’ai fait une erreur de naïveté en croyant que les accords, qui étaient signés avant que je ne sois au pouvoir, seraient automatiquement appliqués. Mais je ne veux pas en dire plus.
Si c’était à refaire lorsque vous rentrez de Rome après avoir appris que votre pays a été attaqué est-ce que vous déclareriez tout de suite la guerre à la rébellion après votre arrivée ?
Mais j’ai dit que l’armée n’était pas armée. Si c’était à refaire, j’aurais commencé d’abord à acheter les armes immédiatement au lieu d’attendre un certain délai. Ce que j’ai fait après d’ailleurs. Les choses auraient peut-être pris une autre allure.
Est-ce que vous ne chercheriez pas d’abord à comprendre et peut-être à discuter avec ceux qui ont pris les armes ?
Non. Je connais l’histoire de ce coup d’Etat comme ma poche. Je connais les acteurs et leurs visées. Ce n’est même pas moi qui suis visé, c’est le pouvoir. Ce sont des choses connues.
Si c’était à refaire vous repartiriez à Kléber ?
Non. Parce que ce n’était pas un endroit pour régler une crise. C’était un endroit pour arracher le pouvoir des mains légitimes pour le mettre dans des mains illégitimes.
Si c’était à refaire vous accepteriez Marcoussis ?
Non. D’ailleurs pour Marcoussis, on m’a évité. Je n’ai pas été invité à Marcoussis parce que le texte de Marcoussis ne méritait pas d’être signé. Quand je l’ai vu, il était déjà signé. Mais je l’ai accepté parce que les annexes disent clairement que quand un gouvernement de réconciliation nationale sera formé, le processus de désarmement commencera. J’ai cru naïvement à cette phrase. J’ai formé le gouvernement de réconciliation nationale en mars 2003, nous sommes aujourd’hui en août 2006 et le désarmement n’est toujours pas fait. Donc avec des si c’était à refaire, on répondrait souvent non parce que maintenant on sait alors qu’avant on ne savait pas. Des erreurs sont faites parce qu’on ne savait pas.
A vos yeux, la France garde-t-elle un rôle à jouer dans la résolution de la crise en Côte d’Ivoire ?
Tout le monde garde un rôle à jouer : la France, les Nations unies, l’Union africaine, la Cédeao, l’Uemoa. Mais le rôle le plus important à jouer c’est les Ivoiriens eux-mêmes. Après les Ivoiriens, c’est les Africains. Un texte comme celui de Marcoussis n’aurait jamais été signé dans une capitale africaine. Les chefs d’Etat même s’ils se détestent ils ont au moins peur que ce qui arrive à l’autre leur arrive aussi. Par conséquent, ils n’auraient jamais pensé à un texte aussi mauvais que celui-là. Donc, la France, comme tout le monde, a un rôle à jouer. Je demande à tous ceux qui ont un rôle à jouer, de venir nous aider. Mais j’insiste : c’est les Ivoiriens qui ont le plus grand rôle à jouer.
Parce que la question se pose aujourd’hui ; dans quel sens faut-il fonder les relations franco-ivoiriennes particulièrement sur le plan militaire ?
Je crois que les Africains en général n’ont pas vu les signes. Depuis le gouvernement d’Alain Juppé, les Français avaient déjà clairement montré leur intention de se retirer progressivement des théâtres d’opération en Afrique. Mais c’est leur pays, c’est leur armée. Ils ont raison de faire ce qui est bien pour eux. Mais les Africains n’ont pas lu ces signes-là. Et au lieu d’en tirer les conséquences et de travailler en tenant compte de ce fait nouveau pour assurer leur propre intégrité territoriale, ils ne l’ont pas fait à temps. C’est pourquoi des crises comme celle-ci, nous laissent sans moyens.
La présence d’une base militaire française à Abidjan ne vous gêne-t-elle pas ? Vous ne demandez pas sa fermeture ?
Mais c’est des questions qu’on traite après, quand on est sorti de la crise. En Côte d’Ivoire on dit toujours : “ on ne cherche pas à ôter sur soi les magnans alors qu’on est sur les magnans ”. Nous sommes encore dans la crise, on n’est pas sorti de la crise et on ne va pas maintenant résoudre les problèmes de l’après-crise.
“ à force de vouloir trop se mettre dans la peau de chef d’Etat, certains se suicident sans le savoir. Ils deviennent des zombies présidentiels au lieu d’être des chefs d’Etat. Moi, je mène ma vie tranquillement. ”
Monsieur le président, nous allons maintenant parler de vous. Vous êtes un opposant qui s’est battu 20 ans pour arriver au pouvoir par les urnes et vous y êtes parvenu. Comment résumeriez-vous votre itinéraire politique ?
Trente ans. Dix ans de lutte dans la clandestinité marxiste-léniniste… Mao. Et puis, en 1976-80, j’ai expliqué à mes amis qu’avec cette forme de lutte, Houphouët règnerait en toute quiétude, sans discontinuer et qu’on ne pourrait jamais changer de régime. En 1980, j’ai annoncé qu’il fallait qu’on change, qu’on lutte pour la démocratie en Côte d’Ivoire et pour la conquête du pouvoir par des voies démocratiques. Le livre qui marque la rupture s’intitule Côte d’Ivoire, pour une alternative démocratique que j’ai commencé à écrire en 1980 et qui a paru en 1983. C’est ça la rupture.
Donc 1980-90, je suis toujours dans l’opposition. Mais une opposition semi-ouverte, une opposition démocratique. Ce n’était plus totalement la clandestinité pour moi bien que mon mouvement soit encore clandestin. Le Front populaire ivoirien (Fpi) que j’ai créé en 1982 est encore clandestin mai moi je ne suis plus clandestin. Comme je dis, il faut faire la démocratie. Et la constitution, bien qu’étant à parti unique, prévoyait la création des partis politiques. Houphouët disait alors, “ c’est un rêveur, laissons le rêver, faire des petites conférences et puis quand il sera fatigué il s’arrêtera ”.
Quand on est président voit-on le monde de la même façon que quand on est dans l’opposition ?
Certaines fois oui. Cela dépend des sujets. Sur certains sujets comme la démocratie, je vois le monde de la même façon. J’ai décidé de ne pas mettre quelqu’un en prison à cause de ses idées parce que j’ai moi-même été trop arrêté. Ce sont d’ailleurs les arrestations qui m’ont fait. A travers les arrestations, on m’a élevé ; on m’a érigé au rang d’adversaire politique et peut-être que si je n’avais pas été autant arrêté, je n’aurais pas eu mon destin d’aujourd’hui.
Moi, j’ai décidé de ne pas mettre les journalistes en prison pour les opinions qu’ils émettent dans leur travail et cette décision, je l’ai fait traduire en texte de loi. Donc sur les points touchant à la liberté et à la démocratie, je crois que je continue de voir le monde de la même manière.
Mais il y a des choses qu’on voit de façon différente. La gestion des deniers publics par exemple. Quand on est opposant, on croit qu’il y a toujours de l’argent dans les caisses de l’Etat et qu’on utilise à tours de bras. Un Etat n’est pas permanemment riche. Dans certaines périodes, il arrive à l’Etat d’avoir des difficultés.
Entre l’homme Gbagbo et le chef l’Etat, qu’est-ce qui a changé ?
Pas grand-chose. Vous savez, en Afrique, même quand on vous nomme directeur on fait la fête dans votre famille, dans votre village. Quand j’ai été élu président, ni mon père, ni ma mère, ni mes jeunes frères et sœurs n’ont pensé à faire une fête parce que c’était évident qu’après toutes ces années de lutte, je devienne président de la République. Quand j’ai été élu, j’étais à ma résidence privée à la Riviera, et à un moment donné, la sécurité présidentielle m’a demandé d’aménager ici à la résidence présidentielle parce qu’il y avait plus de sécurité ici. Donc entre l’homme Gbagbo et le président, rien n’a fondamentalement changé.
Vous sortez vraiment de l’ordinaire. Vous avez été récemment témoin d’un mariage à la mairie de Cocody…
… oui, c’est très souvent que je suis témoin à des mariages.
…Vous allez présenter des condoléances dans des quartiers…
… je vais présenter des condoléances, je vais à des funérailles, je prends souvent le volant de ma voiture pour conduire…
D’aucuns diraient que vous avez du mal à vous faire à votre nouveau statut de chef d’Etat depuis six ans…
Ah si. Etre chef d’Etat c’est prendre des décisions pour gouverner la nation et œuvrer au bien être des populations. Je le fais, je travaille. Mais ce n’est pas pour cela que je dois me mettre en prison.
Puisque vous le pensez vraiment, comment vous définiriez-vous : comme un chef de village, un opposant qui est au pouvoir ou un chef d’Etat atypique ?
Non. Je suis un chef d’Etat point. Je suis un président de la république point. Je ne suis pas un chef de village, je ne suis pas un président atypique. Je suis président de la République, je fais mon travail. Mais je pense que mon travail ne doit pas tuer l’homme. J’ai remarqué en lisant l’histoire de certains chefs d’Etat que à force de vouloir trop se mettre dans la peau de chef d’Etat, ils se suicident sans le savoir. Ils deviennent des zombies présidentiels au lieu d’être des chefs d’Etat. Moi, je mène ma vie tranquillement. Je n’ai pas beaucoup de temps mais il y a des moments où je prends ma voiture et je me promène. J’ai bien sûr mes aides de camp avec moi puisque étant devenu président, je ne peux plus marcher tout seul. Mais je prends ma voiture et je conduis quand il n’y a pas trop de monde. Une fois, alors qu’on allait à la plage à Bassam, on a été pris dans un embouteillage dans lequel je suis resté deux ou trois heures. Je ne le fais pas pour narguer les gens. Je le fais parce que j’en ai besoin. Pour pouvoir faire mon travail de président après, il faut que l’homme soit en forme : pas seulement au plan physique, mais aussi dans la tête, dans le mental.
Quand on est dans l’opposition on croit à des valeurs, on proclame des principes. Est-ce que lorsqu’on est arrivé au pouvoir, on peut demeurer vertueux ?
Oui. Ecoutez, moi je suis socialiste. Je pense que l’Afrique est le continent qui a le plus besoin de socialisme car le socialisme, c’est la démocratie. Le socialisme c’est aussi faire en sorte que le pouvoir ne soit pas confisqué par un individu et résoudre les problèmes des citoyens. J’essaie de faire en sorte que la démocratie aille mieux et les gens parlent. Les gens aiment parler. Vous savez comment on baptise mon ère ? “La parole est libérée”. Chacun se lève et il parle. Je suis content que cela arrive sous mon ère.
Je suis en train de mettre sur pied la décentralisation pour que le pouvoir ne soit pas confisqué par un seul individu. Je viens de communaliser presque toute la Côte d’Ivoire et nous avons maintenant plus de 700 communes, nous avons des conseils généraux de département, avec des budgets annuels. C’est bien, ça bouge, ça c’est la gauche, c’est du socialisme. J’ai fait voter la loi sur l’assurance maladie universelle pour que chacun ait ce qu’on appelle en France la Sécu. Il faut se soigner. J’ai institué la carte de sécurité sociale pour se soigner. Je ne l’ai pas encore mise en pratique à cause de la guerre, mai la loi est déjà votée.
Enfin, j’ai fait en sorte que les enfants aillent à l’école. J’ai supprimé l’obligation pour les élèves d’être en uniforme parce qu’il y avait des parents dont les enfants restaient à la maison parce qu’ils n’avaient pas les moyens de leur acheter l’uniforme. Nous distribuons les livres gratuitement dans les écoles primaires. Ce sont là des principes que je proclamais quand j’étais dans l’opposition. Maintenant, je les mets en pratique.
Mais sur le plan des droits de l’homme même avant la rébellion, votre bilan n’était pas très reluisant. Comment le socialiste l’explique-t-il ?
Mais ce n’est pas vrai. Tout ce qui se passait sur le plan des droits de l’homme et qui se passe d’ailleurs encore, c’est à cause de la crise que nous traversons aujourd’hui. Je vous ai dit que cette crise a commencé en 1999 mais je vois que vous ne me croyez pas beaucoup. En 1999, un coup d’Etat a renversé Bédié et le général Gueï est arrivé au pouvoir. Il y a eu deux tentatives de putsch pendant que Robert Gueï était là : juillet et septembre 2000. Au moment des élections en novembre 2000, il y a eu des bagarres. Il y a eu près de 300 morts à Abidjan parce que l’un et l’autre des candidats se proclamait président.
Voilà le bilan des droits de l’homme avant la crise actuelle. Cependant, c’est cette crise-là qui a commencé en 1999 qui continue encore jusqu’à aujourd’hui. C’est la crise avec la volonté de certains de faire un coup d’Etat qui amène les morts.
Sinon moi-même je suis très fier de raconter à tout le monde que les journaux français s’étaient plu à raconter que j’avais tué des gens, que j’avais créé les escadrons de la mort. Vous savez pourquoi ils ne le disent plus ? Parce que je les ai attaqués devant les tribunaux français et j’ai gagné le procès, notamment contre Le Monde. C’est pourquoi ils ne le disent plus. Et j’étais heureux que ce soit les journaux français condamnés par les tribunaux français parce que si c’était en Côte d’Ivoire, on allait dire que les tribunaux sont à la solde du président. En Côte d’Ivoire, je n’ai jamais attaqué un journaliste pour cela. Mais en France j’étais fier de les attaquer et la vérité a été dite, le droit a été dit. J’ai gagné contre Le Monde, j’ai gagné contre Paris-Match.
Monsieur le président, on vous accuse aussi de cogérer le pouvoir avec votre épouse, madame Simone Gbagbo et qu’elle contribuerait à radicaliser vos positions. Que répondez-vous à cela ?
Rien du tout. Dans tous les pouvoirs, quels que soient les époques et les continents et, c’est l’historien qui vous parle, il y a toujours eu l’aile des durs et l’aile des modérés.
Mais comme on dit, il n’y a pas de fumée sans feu non plus…
Oui mais quelques fois on fabrique des fumées, on va mettre le feu pour provoquer l’arrivée de la fumée. Moi je regarde tout cela avec beaucoup d’amusement. Je sais très bien comment je gouverne. Je sais comment je travaille. Demandez un peu à mes collaborateurs. Mes décisions je les prends moi-même. Souvent même, je les prends tout seul.
“J’aime Eto’o Fils. Je regarde tous les matches du Fc Barcelone quand je peux. Dans le Barça, il y a deux joueurs que j’adore : Samuel Eto’o et Ronaldinho. Pour moi, c’est deux très grands joueurs.”
Monsieur le président nous allons parler un tout petit peu des relations entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun. Quels rapports entretenez-vous avec le président camerounais Paul Biya ?
On a des rapports polis et bons dans l’ensemble. Malheureusement, on n’a pas autant de rapports que je l’aurais souhaité. Je dois quand même dire que la Côte d’Ivoire avait depuis longtemps une ambassade au Cameroun et que cette ambassade avait été fermée. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi. L’ancien ambassadeur de Côte d’Ivoire au Cameroun est rentré en Côte d’Ivoire, il est devenu maire de Bouaké. Puis il est décédé et on n’a jamais nommé son successeur. Et c’est moi qui ai réveillé cette ambassade. Quand nous sommes allés à Yaoundé en 2001, pour le sommet France-Afrique, j’en ai parlé un peu avec le président Paul Biya. Je lui avais fait la promesse que dès mon retour je ressusciterai l’ambassade. Et j’y ai affecté un diplomate de carrière qui est aussi mon ami, Paul Ayoman qui a été mon directeur de protocole. J’ai au moins fait ça.
Sinon, j’aime beaucoup le Cameroun, j’aime beaucoup les Camerounais et je pense qu’eux aussi nous aiment beaucoup. Malheureusement, on n’a pas des rapports suivis, aussi fréquents, aussi denses qu’on aurait souhaité. On va essayer d’y remédier.
Les Camerounais vous aiment mais ils sont un peu tristes que le Côte d’Ivoire ait pris la place du Cameroun pour la Coupe du monde. Comment justement avez-vous jugé la prestation des éléphants en Allemagne ?
D’abord, le lendemain de notre qualification, le président Paul Biya m’a appelé. C’était le premier coup de fil que j’avais eu dans cette journée-là. Je voudrais quand même que les Camerounais sachent que leur président a été très fair-play. Ensuite, j’étais content que nous allions en Coupe du monde. Mais je n’aime pas beaucoup la manière de sélectionner. Je l’ai dit à l’ambassadeur Jacques Anoma qui est le président de la fédération ivoirienne de football. Mais il m’a répondu que c’est pour une question d’argent qu’on fait les poules avec les matches aller et retour et que la Caf et la Fifa gagnent de l’argent en faisant cela.
Je lui ai dit qu’il était plus sage à mes yeux d’organiser la Coupe d’Afrique des Nations et que les cinq premières équipes aillent à la Coupe du monde. Je suis persuadé que si on appliquait ce système, et la Côte d’Ivoire, et le Cameroun allaient être en Coupe du monde. En tout cas je souhaitais, pour la Coupe du monde passée, que le Cameroun et le Côte d’Ivoire y soient ensemble. Cela n’a pas été le cas. Tant pis. Maintenant quant à l’appréciation de la prestation de la Côte d’Ivoire en Coupe du monde, j’aurais souhaité qu’on aille un peu plus loin. Mais je comprends aussi ces jeunes gens qui étaient un peu transis ce qui était un peu normal vu que c’était leur première participation. J’airais préféré qu’on aille au deuxième tour mais on n’y a pas été. Notre jeu a été plaisant et nous savons maintenant sur quoi nous devons axer nos efforts : marquer des buts, gagner.
Lorsque le président Gbagbo n’est pas en train de travailler sur les grands dossiers de la Côte d’Ivoire que fait-il de son temps libre ?
Je cause avec des amis, j’aime bien discuter, parler de tout et de rien, sauf de la politique. J’aime aussi regarder les matches de tennis féminin ; j’adore le tennis féminin. C’est mon sport préféré. C’est Steffi Graff qui m’a introduit dans le tennis. Je ne la connais pas mais c’est à l’époque où elle était à son apogée que j’aimais le tennis féminin parce qu’elle venait jouer et en 45-50 minutes, elle a liquidé son match et s’en va s’asseoir. C’était propre et net. Maintenant, j’aime bien regarder les sœurs Williams qui sont malheureusement sur le déclin. Je crois que c’est Maria Sharapova que je vais soutenir maintenant parce qu’elle est à la fois gracieuse et forte, mais elle n’a pas encore suffisamment de force dans les bras. Ses services ne font pas encore assez mal.
Ou bien alors je regarde le football. J’étais déjà fan du football. Mais je le suis devenu plus encore depuis que nos joueurs, les Africains, font les championnats en Europe. Alors dites à Samuel Eto’o Fils que je l’aime beaucoup, je regarde le Fc Barcelone. Dans le Barça, il y a deux joueurs que j’adore : Samuel Eto’o et Ronaldinho. Je regarde tous les matches du Barça quand je peux. Pour moi, c’est deux très grands joueurs. Je regarde naturellement tous les matches de Chelsea à cause de Drogba, tous les matches d’Arsenal à cause de Kolo Touré et Eboue ; tous les matches de Psv Eindoven quand je peux à cause de notre Arouna Kone et puis, mon joueur que j’aime beaucoup, Aruna Dindane.
Vous écrivez aussi beaucoup et vous venez de rééditer votre livre “Soundiata, Lion du Mandingue’’…
Je ne prends pas l’écriture comme un temps libre, comme un loisir. Elle fait partie de mon travail, de mon métier politique. J’ai toujours écrit sur la politique. Même quand j’écris une pièce de théâtre, c’est de la politique. La preuve, lisez Soundiata et vous verrez.
La spécificité de Soundiata c’est que c’est un livre prophétique. J’ai écrit ce livre quand j’avais 26 ans. J’étais en prison. Nous étions 48 en prison. Je ne pensais pas que j’allais avoir la carrière politique que j’ai eue. J’ai pris la plume et le soir, quand on refermait la porte, j’écrivais. J’avais acheté un cahier et j’écrivais dedans. Au début, c’était un poème c’est pourquoi le prologue est long. Je voulais faire un poème épique. J’écrivais et à un moment donné, j’ai mis des personnages. La première version d’ailleurs, ce n’est pas celle-là. Dans la toute première version qui n’a jamais été éditée, il y avait une scène décrivant la guerre. Après j’ai constaté que j’ai fait la carrière politique qui était décrite dans Soundiata. Au fur et à mesure que je m’en rendais compte, mes cheveux se dressaient. C’est vraiment un livre prophétique, au sens fort du terme.
“J’estime que je ne peux pas être au poste où je suis et accepter que les gens souffrent comme j’ai souffert. Je suis un enfant du Ghetto et ça aussi ça dérange.”
Soundiata, a été un lutteur qui a remporté des victoires. Contre lui-même d’abord avant de vaincre le monde. C’est l’image que vous souhaiteriez que l’on garde de vous ?
En tout cas c’est l’image que j’ai de moi et que les gens ont de moi aussi. Je suis un lutteur. Je suis un homme qui n’aime pas le combat en général. Je suis un homme placide. Mais comme on dit, si vous rentrez dans mes 18 mètres, alors je bondis. Je veux dire que quand on me marche sur les pieds et qu’on viole mes droits à respirer librement et tranquillement, je bondis. Quand on attaque les gens que je défends et que la loi a placés sous mon autorité, je bondis, je ne peux pas rester tranquille. Je deviens comme une mère poule qui défend ses poussins. J’aurais aimé, par pensée personnelle, par philosophie individuelle, ne pas faire les combats actuels. Mais je ne peux pas ranger ces combats tant qu’on agresse la Côte d’Ivoire, tant qu’on agresse les Ivoiriens.
Lorsque Laurent Gbagbo ne sera plus président de la république de Côte d’Ivoire que fera-t-il ?
Ecrire. J’ai déjà emmagasiné tellement de choses qu’il faudra développer. Tous les jours, nous faisons un petit verbatim c’est-à-dire qu’il y a quelqu’un dans mon cabinet qui relève les événements qui se passent. Il les note et les met sur support informatique. Il le fait tous les jours depuis que je suis président. Donc rien que tout cela peut m’occuper le restant de ma vie. J’ai vraiment de quoi écrire. Et puis j’ai d’autres thèmes. J’ai des pièces de théâtre. Mais il est important que je rende compte parce que mon arrivée au pouvoir est quand même atypique. C’est l’accession au pouvoir d’un enfant du Ghetto. Vous savez, vous êtes jeune, mais relisez un peu les biographies des premiers chefs d’Etat que nous avons eus. Chacun se définissait comme fils de chef, comme riche etc. Moi, je ne suis rien de tout cela. Je suis l’enfant d’une femme pauvre, qui était chaque jour au marché pour que ses enfants mangent quelque chose. Je suis le fils d’un homme tout aussi pauvre, qui a fait la guerre et qui à son retour, voyant les injustices coloniales, a pris la carte de la Sfio en 1947, un mouvement de gauche en France. Mon père était un écorché vif qui luttait en permanence contre les injustices françaises en Afrique. Je suis son fils. Et il était pauvre, là aussi, je suis son fils. Aujourd’hui, ce que je gagne en tant que président de la République, je ne l’ai jamais gagné avant. Parfois, je l’utilise pour aider ceux qui sont dans le besoin. J’estime que je ne peux pas être au poste où je suis et accepter que les gens souffrent comme j’ai souffert. Je suis un enfant du Ghetto et ça aussi ça dérange.
Monsieur le président de la république, nous arrivons au terme de notre entretien, merci beaucoup de nous avoir accordé un peu de votre emploi de temps qu’on imagine très chargé. Merci beaucoup.
Merci. Je voudrais vraiment saluer mes frères camerounais. Je pense souvent à eux. Je ne suis pas démagogique quand je le dis. Le Cameroun a joué des rôles importants dans ma carrière. Quand j’ai écrit Soundiata, personne ne voulait l’éditer. A l’époque c’était le parti unique. Puis j’ai écrit un autre livre sur la conférence de Brazzaville et c’est les Editions CLE de Yaoundé, à qui on avait envoyé le texte, qui m’ont fait signer un contrat. C’est donc le Cameroun qui m’a fait connaître comme auteur. A l’époque on a beaucoup parlé de moi dans les journaux pour présenter mon livre. Et je vous suis reconnaissant pour cela. Et aujourd’hui encore, j’ai beaucoup d’amis au Cameroun qui soutiennent le combat que nous menons. J’ai rencontré beaucoup de cadres de l’Upc quand j’étais en exil et j’ai rencontré beaucoup d’autres Camerounais. Et là, vous venez m’offrir la parole pour que je parle aux Camerounais, je vous suis reconnaissant à vous, mais à l’ensemble du peuple camerounais. Je vous remercie.
Par Entretien mené à Abidjan par Melvin AKAM»
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jeudi, 17 août 2006
Héritage Chirac ?
Sera-ce l’expression que l’on utilisera dans quelques années pour parler de la débâcle africaine de la France ?
Depuis des mois ce blog (sur blogs.nouvelobs.com depuis nov. 2004) lance un cri d’alerte, au prix de censures intempestives. La France unanime, pouvoir et opposition — jusqu’à l’extrême gauche —, médias à l’unisson et donc suivis par le public, tous font bloc, et souvent le bloc du silence face à ce qui se passe en Côte d’Ivoire, face à ce qu’ils croient être, selon la stratégie française de communication, une interposition française humaniste.
Novembre 2004. Un présumé bombardement à Bouaké pour lequel la France — malgré que neuf soldats français aient été tués — interdit toute enquête (rappeler cela a valu pas mal d’articles censurés sur blogs.nouvelobs.com) débouche sur la destruction des moyens militaires ivoiriens, et des manifestations monstres face à ce qui est compris en Côte d’Ivoire comme une tentative de renversement du président élu — ce qui se solde, outre l’évacuation des Français (aucun mort), par 63 morts parmi les manifestants et plusieurs centaines de blessés (plus d’un millier) suite à des tirs de l’armée française. Au lendemain de ces événements, ignorés du public français (puisque présentés comme manifestations «anti-françaises») qui ont opposé pendant quelques jours l’armée française à la population ivoirienne, la télévision française nous accorde une brève apparition de Mamadou Koulibaly annonçant à partir des événements ivoiriens un Vietnam africain, à grande échelle, pour la France. Mamadou Koulibaly est le Président de l’Assemblée nationale ivoirienne, ex-ministre des finances, brillant économiste, que l’on fait passer pour un dangereux extrémiste pour ne pas l’entendre. Cette brève apparition a évidemment pour fonction de conforter nos médias dans cette présentation de Mamadou Koulibaly.
Près de deux ans après, où en est-on ? Le combat ivoirien pour l’indépendance économique, le combat panafricain des patriotes ivoiriens, présenté en France comme xénophobe — stratégie française de communication oblige —, est devenu celui de toute l’Afrique (de celle qui refuse les dinosaures inféodés à la Françafrique). Les articles signalant cela font partie des plus censurés de blogs.nouvelobs.com. Et pourtant, il serait temps de sortir de cette stratégie médiatique de l’autruche !
Il y a deux semaines, ce blog reproduisait un des nombreux articles burkinabés soutenant le combat des patriotes ivoiriens (censuré sur blogs.nouvelobs.com). Je me contentai donc la semaine dernière d'y signaler simplement la sortie du livre de Blé Goudé, pour éviter la censure : signe des temps, Blé Goudé, présenté en France comme un fasciste xénophobe («anti-malien» autant qu’ «anti-burkinabé» comme il se doit) voit son combat soutenu — non seulement par l’opposition burkinabé, mais aussi — par la malienne Aminata Traoré, qui le préface, et ô ironie, vient de porter une critique virulente sur le musée Chirac du Quai Branly (encensé en France). Hier (16 août), je signalais la solidarité des parlementaires sud-africains avec Mamadou Koulibaly et les députés ivoiriens, dont la tâche avait été déclarée caduque par la France et la «communauté internationale» ! — qui avait dû reculer suite aux manifestations des patriotes (qui leur avaient valu toutefois des sanctions). À ce moment, ils avaient reçu le soutien de l’ambassadeur d’Angola Carlos Belli-Bello (dans un article censuré sur blogs.nouvelobs.com).
Carlos Belli-Bello vient de mourir — dans le silence total des médias français, mais dans les hommages généraux des résistants africains.
Exemple remarquable : l’article ci-dessous. Une journaliste camerounaise y rend un vibrant hommage à cet Angolais pour son soutien au combat des patriotes ivoiriens !
Cette chronique risque naturellement d’être rapidement censurée (sur blogs.nouvelobs.com). Il valait de tenter de la publier quand même — à titre d’alerte à l’adresse d’un peuple français totalement ignorant de telles réalités, et dès lors, de fait, complice par indifférence de la politique suicidaire autant que criminelle — et insulte à l’avenir — qui et celle de nos pouvoirs (et opposition) français…
Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 790 du Mercredi 16 Aout 2006 — http://news.abidjan.net/presse/courrierabidjan.htm
«Merci l’ami…»
par Nathalie Yamb :
«Hommage - «Je répondrai toujours présent, jusqu’à mon ultime souffle, à l’appel du peuple frère de Côte d’Ivoire.» C’est à travers cette phrase forte, qui traduit tout l’attachement de l’Ambassadeur de l’Angola au noble combat que mènent les patriotes ivoiriens pour la libération de leur pays, que notre consœur Nathalie Yamb rend un hommage mérité à Carlos Belli Bello.
«Je répondrai toujours présent, jusqu’à mon ultime souffle, à l’appel du peuple frère de Côte d’Ivoire» (Carlos Belli Bello). Il y a des mots qui sont difficile à écrire. Ceux-ci en font partie. Parce qu’au lieu de devoir rendre hommage à un combattant, j’aurais préféré continuer à discuter et échanger des points de vue avec lui.
C’était un résistant
Celui qui est parti samedi soir a toujours résisté. Il a combattu pour la libération de son pays, contre la rébellion instrumentalisée qui mettait en péril la stabilité de l’Angola. Il a soutenu la Côte d’Ivoire aux heures les plus sombres, dans ces instants où l’on discerne les vrais amis des faux. Face à la guerre menée par la France contre l’Etat de Côte d’Ivoire, il s’est résolument placé du côté du peuple ivoirien, petit Poucet face aux tentaculaires manipulations politico-médiatiques de la Françafrique. Peu friand de la langue de bois que l’on dit pourtant inhérente à l’exercice de la fonction diplomatique, l’homme se distinguait par ses prises de position tranchées. Toujours en faveur d’une Afrique débout, d’une Côte d’Ivoire libérée du joug colonial français.
Carlos Belli Bello était un patriote. Africain avant tout. La résistance ivoirienne, l’Afrique digne ont perdu une figure emblématique, source d’inspiration pour les nouvelles générations. Ses propos nous revigoraient, ses interventions nous rendaient une fierté que l’oppresseur s’est toujours attaché à nous arracher.
Carlos Belli Bello est mort
«J’ai simplement accompli mon devoir de combattant Africain, de combattant pour la liberté de la patrie et de vétéran de la lutte de libération Nationale en Angola», m’écrivait-il récemment. Ceux qui l’ont connu savent quel monument s’en est allé. Jusqu’au bout, il a tenu parole. Il a répondu à l’appel des Ivoiriens. La meilleure façon de lui rendre hommage, c’est de continuer sa lutte. Notre lutte. Et de vaincre. Mais pour l’instant, unis dans la profonde douleur causée par sa disparition, nous lui disons : «Merci Monsieur l’Ambassadeur, merci l’ami. Ce fut un honneur de vous avoir connu et d’avoir appartenu à la même catégorie de résistants.»
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mercredi, 16 août 2006
Des députés sud-africains et ivoiriens unis contre la Françafrique
Le Matin d’Abidjan — Mercredi 16 Aout 2006 — http://www.lematindabidjan.com/visual_article.php?num_act... :
«Des membres du parlement sud-africain soutiennent le combat du président de l'Assemblée nationale contre les ennemis de l'Afrique.
Une délégation d'une dizaine de députés sud-africains, conduite par la présidente du parlement de la nation arc-en-ciel, Mme Baleka Mbeté, vient d'effectuer une visite de travail de trois jours à Abidjan. Outre le président de la République, celui du conseil économique et social, le ministre de la Réconciliation nationale et la Première dame, les parlementaires ont rencontré leurs homologues ivoiriens. C'était avant-hier lundi 14 août à l'Assemblée nationale au Plateau. A l'occasion, les hôtes de M. Mamadou Koulibaly et les différents parlementaires, présents, ont travaillé avec la commission des Affaires générales et institutionnelles. Cela peu avant le discours officiel de la présidente de l'Assemblée nationale de la République sud-africaine. C'est un discours de soutien et de reconnaissance au parlement ivoirien. Et surtout un appel à l'intégrité contre l'impérialisme nouveau des pays occidentaux. Selon Mme Baleka un parlement est l'outil principal de la mise en œuvre de la politique d'un Etat, fut-il en difficulté. Par conséquent, les députés doivent faire bloc autour de la politique nationale en tout temps. C'est pour cela que le parlement, a-t-elle expliqué, est redevable à l'Etat et à la Nation. Le tout étant pour l'homologue de Mamadou Koulibaly qu'une Assemblée nationale permette constamment au pouvoir en place de réguler la stabilité et garantir la paix. C'est dire que les différentes querelles autour de la fin constitutionnelle du mandat de l'Assemblée nationale ivoirienne ont été mal vues par SEM Baleka Mbeté et ses pairs. En tout état de cause, celle-ci a félicité le professeur Mamadou Koulibaly. Pour sa fermeté et sa constance dans ses prises de position dans l'offensive contre la Françafrique. Un parlement au bord de l'éclatement mais soudé en dernier ressort par le président Mamadou Koulibaly, est l'un des arguments qui ont conduit les députés sud-africains à s'engager totalement auprès de leurs homologues ivoiriens. Car, ils espèrent que la paix retrouvée au sein de l'hémicycle va s'étendre au peuple ivoirien. Le n°2 du régime de Thabo Mbeki, médiateur dans la crise ivoirienne, fait observer que l'hospitalité et le calme constaté à Abidjan par sa délégation rassurent que les Ivoiriens sont soucieux de vivre en paix. Désormais, les députés africains et ivoiriens en particuliers devraient s'investir dans les combats d'intérêt national. Car, l'Afrique, regrette Mme Baleka, ne doit plus être un espace de jeu, ni d'expérimentation de nouvelles politiques expansionnistes des pays occidentaux. Elle charge les organisations africaines telles l'UA, la CEDEAO, le NEPAD de faire en sorte que l'Afrique gagne le respect de l'occident. Et se fasse une place de choix dans le concert des continents.
Bidi Ignace»
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lundi, 14 août 2006
Décès de Carlos Belli Bello, ambassadeur d'Angola en Côte d'Ivoire
Le Matin d’Abidjan — Lundi 14 Aout 2006 — http://www.lematindabidjan.com/visual_article.php?num_act... :
«LA DIPLOMATIE ANGOLAISE EN DEUIL
L’ambassadeur Belli Bello est décédé
Très malade depuis quelque temps, SEM Belli Bello, ambassadeur de l’Angola en Côte d’Ivoire, qui s’est distingué par ses prises de position en faveur du pouvoir en place dans la crise ivoirienne, a été évacué vendredi dernier dans son pays afin d’y suivre des soins. Malheureusement, il n’a pu traverser le week-end. SEM Belli Bello est mort hier à Luanda dans le centre hospitalier où il a été admis. Les médecins angolais n’ont pas pu sauver la vie de cet ami de la Côte d’Ivoire qui aimait à interpeller vivement la communauté internationale dans toutes ses composantes sur les dangers de ses manœuvres pour renverser le pouvoir en place à Abidjan. Dans le milieu des diplomates en poste à Abidjan, il était reconnu comme un homme qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Et qui se fichait pas mal du langage diplomatique et ses exigences. Il n’y a pas encore longtemps, l’envoyé de Dos Santos avait fait la une des journaux avec des interviews révélations où il démontait les manœuvres souterraines de la Françafrique et ses relais africains pour faire un coup d’Etat en Côte d’Ivoire. Au passage, il avait vivement rappelé à l’ordre l’Union africaine, la France et l’Onu qui encourageaient les opposants ivoiriens dans leurs tentatives sans cesse renouvelées d’obtenir par la voie diplomatique ce que la rébellion et Jacques Chirac n’ont pu obtenir par les armes. Et sur tous les grands sujets, Belli Bello s’est posé comme le contrepoids aux dérives de certains chefs d’Etat surtout africains et des institutions internationales concernant la crise ivoirienne. Avec la mort de Carlos Belli Bello, la Côte d’Ivoire perd ainsi un ami de taille. Qui a rappelé à Pierre Schori ses années de militantisme pour le triomphe des valeurs démocratiques. Et qui a toujours associé sa vie à celle de l’Afrique du Sud pour refuser que l’on continue de bafouer les Africains. E. Akani»
Fraternité Matin — 14 août 2006 — http://www.fratmat.net/content/detail.php?cid=0ZQ58ktlCut :
«BELLI-BELLO DÉCÉDÉ DES SUITES D’UNE OPÉRATION
L’ambassadeur d’Angola en Côte d’Ivoire a tiré sa révérence, samedi, dans un hôpital de Cap Town, en Afrique du Sud, à 62 ans.
L’ambassadeur de la République d’Angola en Côte d’Ivoire, Son Excellence Carlos Belli-Bello est décédé samedi 12 août à 22 heures à l’hôpital de CapTown en Afrique du sud après dix jours d’hospitalisation. Le diplomate angolais, victime d’une intoxication alimentaire, a été hospitalisé initialement pendant 4 jours à la Polyclinique Sainte Anne-Marie d’Abidjan sans succès, avant d’ être évacué en Afrique du sud où il a une subi une opération apparemment réussie car Son Excellence Carlos Belli-Bello selon nos sources a eu un état de convalescence encourageant. Il a même suivi des informations à la télévision avant de replonger dans un coma dont il n’a pu se sortir car le samedi 12 août, la mort avait pris rendez-vous avec lui à 22 heures. Son Excellence Carlos Belli-Bello accrédité près de la République de Côte d’Ivoire en novembre 2005 avait vite gagné la sympathie des Ivoiriens par ses prises de positions courageuses à l’endroit de la France et de l’Onu qui dans la résolution de la crise ivoirienne s’illustraient par des entreloupettes. Ce militant de la révolution africaine et des souverainetés nationales n’appréciait guère que les solutions à la crise soient exclusivement politiques, que la constitution soit sacrifiée et que par conséquent les autorités démocratiquement élues soient sacrifiées sur l’autel des arrangements politiques. Les Ivoiriens qui se reconnaissaient dans sa lutte lui ont même dédié une fête grandiose à la place Saint- Jean de Cocody. Le diplomate angolais ne se privait pas de donner des conférences publiques pour éclairer la conscience des Ivoiriens sur le fonctionnement de l’Onu comme lorsqu’il prit une part active au colloque sur le patriotisme africain en avril dernier au palais de la Culture, à l’initiative de l’ Ong Phoenix et de la Première dame de Côte d’Ivoire, Madame Simone Ehivet Gbagbo. Les patriotes ivoiriens perdent avec la disparition de Son Excellence Carlos Belli-Bello, un grand ami, qui ne ménageait aucun effort pour les accompagner sur le chemin difficile de la restauration de la dignité de la Côte d’Ivoire et dans la lutte pour redonner à leur combat tout son sens noble.
Franck Armand ZAGBAYOU»
Cf. sur http://delugio.zeblog.com/ un article de février-mars 2005 d'un journal burkinabè d'opposition rendant hommage à ses prises de position en faveur de la Côte d'Ivoire républicaine:
«LE CRI DU CŒUR DE L’AMBASSADEUR ANGOLAIS CARLOS BELLI BELLO»
(Article CENSURÉ en son temps sur blogs.nouvelobs.com)
San Finna (journal burkinabè) N°352 du 27 Février au 05 Mars 2006 — http://www.sanfinna.com/ARCHIVES/Archives352/CoalitionIra... — au lien suivant : http://delugio.zeblog.com/68800-au-lendemain-du-deces-de-...
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dimanche, 13 août 2006
Visite en Côte d’Ivoire de la présidente de l'Assemblée nationale d’Afrique du Sud
Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 788 du Samedi 12 Aout 2006 — http://news.abidjan.net/presse/courrierabidjan.htm :
«Mme Baleka Mbeté: "Je suis venue confirmer la belle image de la Côte d'Ivoire"»
Par Cyrille Djedjed
«Visite - La présidente de l'Assemblée nationale de la République d'Afrique du Sud, Mme Baleka Mbeté a entamé hier vendredi une visite officielle de six jours en Côte d'Ivoire pour renforcer les bonnes relations entre la Côte d'Ivoire et l'Afrique du Sud et surtout entre les deux institutions.
La présidente de l'Assemblée nationale de l'Afrique du Sud, Mme Baleka Mbeté est arrivée hier dans la soirée à Abidjan pour une visite de six jours. A la tête d'une délégation de plus de dix personnes, elle a été accueillie à l'aéroport international Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan par le président de l'Assemblée nationale, le Pr. Mamadou Koulibaly et certains parlementaires."Je rends une visite de courtoisie au parlement de Côte d'Ivoire. Vous vous souvenez que mon homologue de la Côte d'Ivoire nous a rendu visite l'année dernière à la tête d'une délégation de parlementaires. Dans le cadre de la création d'une relation bilatérale, nous avions pensé que nous devions constituer une délégation pour rendre visite à la Côte d'Ivoire. Je suis venue avec des parlementaires de différents partis politiques qui vont avoir des échanges avec leurs homologues de Côte d'Ivoire. Je suis venue voir la Côte d'Ivoire et surtout le peuple de Côte d'Ivoire. J'ai bon espoir que les deux pays ainsi que les deux parlements auront de bonnes relations", a-t-elle déclaré. Répondant à une question d'un journaliste sur l'image qu'elle a de la Côte d'Ivoire, Mme Baleka Mbeté n'est pas passée par quatre chemins pour relever la bonne image de la Côte d'Ivoire à travers l'Afrique et même dans le monde entier. "J'ai toujours su que ce pays est un beau pays. Je viens donc confirmer la belle image de la Côte d'Ivoire", a-t-elle indiqué. Pendant son séjour, la présidente du parlement sud-africain échangera aujourd'hui avec les différentes instances de l'Assemblée nationale, à savoir le bureau de l'Assemblée nationale, la conférence des présidents et différentes commissions. Cette visite sera aussi l'occasion pour Mme Baleka Mbeté d'échanger avec le président de la République, les présidents d'institutions, le Premier ministre et les femmes leaders de Côte d'Ivoire. La présidente de l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud mettra ce séjour à profit pour visiter les villes de Yamoussoukro et de Grand-Bassam et aura des rencontres avec les chefs traditionnels et les communautés étrangères de ces localités. A Yamoussoukro, elle visitera précisément la Basilique Notre Dame de la Paix, l'Hôtel des députés, les grandes réalisations et autres points touristiques. Dans la première capitale de Côte d'Ivoire, elle se rendra chez le Roi de Moossou. Son départ pour l'Afrique du Sud est prévu pour le mercredi prochain dans la soirée.»
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samedi, 12 août 2006
Élections et désarmement en Côte d’Ivoire
La dernière dépêche de l’AFP sur le sujet (http://news.abidjan.net/h/206812.html) produisant une confusion inextricable consécutive à une volonté de justifier le sempiternel refus rebelle de désarmer, on pourra consulter l’article ci-dessous d’Anassé Anassé pour un obtenir une explication compréhensible quant la situation en Côte d’Ivoire concernant le processus d’identication (cette brève annonce de l'article ci-dessous a été CENSURÉE SUR blogs.nouvelobs.com en même temps que l'annonce de celui-ci). L'article :
Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 787 du Vendredi 11 Aout 2006 — http://news.abidjan.net/presse/courrierabidjan.htm :
«Sortie de crise – Le Premier ministre a échangé hier, avec les responsables des organes de régulation, des médias d’Etat et de la presse privée, au cours d’un déjeuner qui a eu lieu à l’hôtel Sofitel, à Abidjan-Plateau. Charles Konan Banny a fait le point des avancées du processus de sortie de crise, avant de s’engager solennellement devant les Ivoiriens quant à la tenue des élections, normalement prévues en octobre prochain.
Par
Anassé Anassé
C’est un Charles Konan Banny très optimiste sur le processus de paix, qui s’est adressé hier aux Ivoiriens. A travers le déjeuner de presse qu’il a offert aux responsables des médias publics et privés, ainsi qu’aux organes de régulation. Après avoir égrainé les indicateurs qui militent en faveur d’un espoir imminent de sortie de crise (armistice signé par l’Alliance des jeunes patriotes et la jeunesse du RHDP, implication de toutes les couches socio-professionnelles dans le processus de sortie de crise, retour du corps préfectoral et des maires dans les zones occupées, la définition d’un nouveau cadre juridique accepté par tous les acteurs, et régissant dorénavant le déroulement des audiences foraines et la délivrance des Certificats de nationalité, le pré-regroupement effectif des combattants et le démantèlement des groupes d’autodéfense, etc…), le Premier ministre s’est prêté au jeu des questions-réponses des journalistes. Et il n’y avait pas de questions taboues.
Dans cet exercice, le chef du gouvernement s’est attaché à rassurer les Ivoiriens quant à la primauté de la loi, des Accords de Linas-Marcoussis et de Pretoria et de la Résolution 1633 dans le règlement de la crise. Ainsi, répondant à une inquiétude de voir les élections se tenir en Côte d’Ivoire alors que le pays est toujours divisé et les rebelles encore en armes, comme ce fut le cas au Liberia et en Sierra Leone notamment ; Charles Konan Banny a pris solennellement un engagement devant les Ivoiriens. «Il n’y aura pas d’élections sans désarmement en Côte d’Ivoire», a martelé le Premier ministre. Qui a précisé que ce schéma est contraire à la Résolution 1633, qui prescrit que les élections constituent le couronnement du processus de sortie de crise, après l’identification et le DDR (Désarmement, Démobilisation, Réinsertion des combattants). Le chef du gouvernement a même ajouté que «les Ivoiriens n’envisagent pas les élections sans le désarmement et un pays divisé, (et qu’ils) n’accepteront pas d’aller voter sous la menace des armes».
Codification des audiences foraines et procédure de délivrance des Certificats de nationalité : Gbagbo et Banny sur la même longueur d’ondes
S’agissant du déroulement des audiences foraines et de la procédure de délivrance des Certificats de nationalité, le Premier ministre a insisté sur le fait que force doit rester à la loi. «La conduite des opérations de sortie de crise doit se faire dans le respect de la loi et de tous les accords, y compris la Résolution 1633» du Conseil de sécurité des Nations unies. Aussi, Banny a-t-il fait savoir que c’est pour coller à la légalité qu’il a édicté un nouveau guide consensuel des audiences foraines, et des dispositions pratiques devant régir dorénavant la délivrance des Certificats de nationalité ivoirienne. Ainsi, sur la question du couplage audiences foraines et de la délivrance du Certificat de nationalité, le Premier ministre a suivi la «jurisprudence Gbagbo». «Les juges des audiences foraines ne sont pas habilités à délivrer des Certificats de nationalité», a-t-il soutenu. Néanmoins, concernant le sort réservé aux Certificats de nationalité déjà délivrés en zones rebelles pendant les audiences foraines «wouya wouya», Konan Banny a manié avec succès l’art de l’esquive. «Ils sont là», s’est-il contenté de répondre. Le Premier ministre n’a pas, en effet, apporté la précision de savoir si ces documents obtenus dans l’illégalité, le cafouillage et le manque de transparence restent valides ou seront invalidés. La question demeure donc en suspens…
Banny optimiste pour la reprise du dialogue militaire
En ce qui concerne la récente déclaration de Soro Guillaume, chef visible de la rébellion, de suspendre la participation de ses bandes armées au processus de sortie de crise, le Premier ministre ne s’est pas voulu alarmiste. Charles Konan Banny a appelé les Forces de défenses et de sécurité ivoiriennes et les rebelles à renouer le plus tôt possible, et s’est déclaré prêt à examiner toutes les préoccupations (grades, arriérés de soldes…) posées par les deux états-majors. Le chef du gouvernement s’est dit disposé à consentir tous les sacrifices – surtout financiers – pour obtenir la paix pour son pays. Car, a fait comprendre Charles Konan Banny, «la recherche de la paix coûte certes cher, mais elle est de loin inférieure au coût de la guerre».
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vendredi, 11 août 2006
Liban et Côte d’Ivoire
Jean Daniel — éditorialiste et fondateur du Nouvel Observateur — explique dans son article intitulé «Israël dans le piège iranien» (http://blogs.nouvelobs.com/Jean_Daniel/) qu’un autre règlement du conflit Israël-Hezbollah eût été possible. Certes. Tout est toujours possible autrement. Je cite Jean Daniel : «Supposons en effet qu’après l’enlèvement de deux soldats par le Hezbollah, les Israéliens aient procédé à une riposte dont pratiquement personne, même parmi les Arabes, ne leur aurait contesté le droit. Supposons qu’ils aient exécuté cette riposte en un seul jour ou en deux au maximum et de manière écrasante. Supposons qu’ils se soient retournés ensuite vers l’opinion publique mondiale, l’OTAN, l’Union européenne, le Conseil de Sécurité et qu’ils aient tenu ce langage : "Voilà des années qu’aucun d’entre vous n’arrive à faire appliquer la résolution 1559 destinée à désarmer les milices du Hezbollah. Vous, vous pouvez attendre. Mais après l’agression du Hezbollah, ce n’est pas notre cas. Et ce que vous tardez à faire, nous sommes obligés de l’imposer." Cet avertissement israélien en forme d’ultimatum sécuritaire aurait été pris nécessairement au sérieux. En tout cas, le monde se serait senti en dette à l’égard d’un Etat qui ne serait pas passé directement du statut d’agressé à celui d’agresseur.»…
Cher Jean Daniel
Ce que vous eussiez souhaité que fît Israël suite au non-désarmement du Hezbollah est exactement ce qu’a fait la Côte d’Ivoire républicaine de Gbagbo et des patriotes face au refus de la rébellion de désarmer, malgré ses promesses et les engagements de la «communauté internationale» (sauf que la brève riposte envisagée et qui avait déjà repoussé les rebelles, bien que relativement peu «écrasante» au regard de l’armement ivoirien, a été stoppée par la France). Résultat face à ce refus rebelle de désarmer : chaque fois que la Côte d’Ivoire républicaine entreprend la moindre action pour tenter d’amener ces bandes armées à leurs engagements, au moindre appel à manifester en vue du règlement de ce problème, ce sont les responsables républicains qui ont lancé ces actions ou ces appels qui subissent des sanctions ! En regard de ces faits, ou bien l’espérance que vous fondez en la «communauté internationale» est étrangement naïve, ou bien ladite «communauté internationale» pratique la politique du deux poids deux mesures.
En attendant ce sont les populations civiles qui subissent — et les souffrances que lui valent le poids des bandes armées du Hezbollah (comme les populations du nord de la Côte d’Ivoire souffrent du poids des rebelles) — et la violence de la riposte israélienne (contrairement à la Côte d’Ivoire où les républicains sont sanctionnés !).
«BOMBARDEMENTS ISRALIENS Koulibaly Mamadou apporte son soutien au Liban»
Soir Info — 11.08.2006 — http://news.abidjan.net/article/?n=206573 :
«Le président de l’Assemblée nationale, Koulibaly Mamadou, a apporté, hier jeudi, son soutien à des ressortissants libanais vivant en Côte d’Ivoire. Ils se sont regroupés au sein du collectif “Agir pour le Liban”, avec à sa tête Fakih Hani et Zorkot Nabil, pour dénoncer les bombardements israéliens dans leur pays. C’était à l’Assemblée nationale au Plateau, au sortir d’une audience que les députés ont accordée audit collectif, à sa propre demande. “La Côte d’Ivoire étant membre de l’Assemblée générale des Nations unies, -vous me direz que la Côte d’Ivoire est toute petite et qu’elle même a ses propres problèmes à régler, mais en tant que membre des Nations unies-, elle peut plaider avec les autres pour que le plus rapidement, les Nations unies arrêtent la danse des sorciers et prennent les décisions qu’il faut pour qu’il y ait un cessez-le-feu et que les populations civiles ne soient pas massacrées par cette guerre”, a confié, à la fin de l’entretien, Mamadou Koulibaly. Pour lui, ce n’est pas un soutien au Hezbollah. “Le Liban ne se résume pas au Hezbollah. Il y a des femmes, des enfants. Tout le monde n’est pas Hezbollah au Liban”, a dit le chef du Parlement ivoirien. “Vous savez une vie d’homme demeure une vie d’homme. Je pense que tous ceux qui pensent que la vie est sacrée doivent le faire savoir et faire en sorte qu’elle soit respectée”, a insisté le député de Koumassi, précisant qu’il a répondu au courrier adressé à l’Assemblée nationale et a invité les députés à venir écouter le collectif “Agir pour le Liban” {…}».
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jeudi, 10 août 2006
En bonne compagnie françafricaine : Le Monde, Tiken Jah Fakoly, les «FN» en arme…
Adoptant, selon la bonne manière, le ton du détachement, Le Monde célèbre sans avoir l’air d’y toucher le nouveau refus des rebelles ivoiriens de désarmer — en reprenant leur nouveau prétexte. Et de donner, «avec l’AFP», en caractères gras, les intertitres idoines. Il vaut le coup de les citer : «"PROCESSUS FACTICE ET HYPOCRITE"» (citation de Soro) ; «CONDAMNATION DE L'ONU» (à l’encontre des patriotes, s’entend).
Le célèbre journal du soir, voix officielle de la Françafrique, avait dès la veille donné la parole au porte-chanson de la Françafrique en Côte d’Ivoire, Tiken Jah Fakoly, présenté comme il se doit, en titre élogieux, comme «le griot de la jeunesse africaine», lequel «griot» ne manque pas, comme on l’y invite, à dénigrer le combat de son pays pour son indépendance — le tout, sur le ton, naturellement, de la dénonciation convenue de "l'Afrique esclavagisée, colonisée, dévalisée", défendant «l'idée d'une "mondialisation équitable".»
Tout cela ne mange pas de pain et permet de s’auto-proclamer depuis la plus belle tribune parisienne «porte-parole des sans-voix», plaçant sans vergogne cette auto-proclamation dans la bouche «des jeunes» : «Les jeunes me voient comme un porte-parole des sans-voix» (sic).
Le journal du RDR, Le Patriote, célébrant hier en Une le nouveau refus rebelle de désarmer, ne pouvait que signaler avec enthousiasme l’interview françafricaine et parisienne du chanteur «affirmant "comprendre le combat" des Forces nouvelles (FN)». C’est le moins qu’on puisse dire !
17:18 Publié dans Analyses & commentaires | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 09 août 2006
Qu’il est difficile à la rébellion de désarmer !
Voilà que l’AFP nous annonce : «Côte d'Ivoire: la rébellion suspend sa participation au dialogue militaire». C’est le titre de la dépêche (http://news.abidjan.net/article/?n=205985), par laquelle, au travers d’une série de contorsions, le fait central passe quand même : la rébellion ivoirienne est très fâchée de ce que les identifications en vue de la reconstitution du fichier électoral devra se faire en présence des représentants des autorités préfectorales.
C’est bien le moins que la «communauté internationale» a pu concéder, suite à leurs manifestations, aux patriotes, non sans les menacer de nouvelles sanctions : pensez, ils manifestent pour exiger que les identifications se fassent dans la transparence ! Et puisque, tout de même, ils obtiennent que les kalachnikovs des rebelles ne soient pas la seule garantie de transparence, les rebelles se fâchent, et leur leader monte au créneau : comme titre l’AFP, «la rébellion suspend sa participation au dialogue militaire» en vue d’un désarmement qu’elle n’a jamais effectivement commencé.
L’embarras rebelle est d’autant plus grand que le crédit qui leur resterait auprès des populations des zones occupées sous la seule «protection» de leurs armes, et des personnes qui y sont en droit effectif de voter, s’effrite chaque jour un peu plus : exemple aujourd’hui même, rapporté par L’Inter :
«Politique nationale : - 300 militants de l’opposition virent au Fpi.»
L'Inter — 9 août 2006 — http://news.abidjan.net/article/?n=206014 :
«Ce passage de l’opposition au parti au pouvoir a été célébré le dimanche 6 août dernier au siège du Front Populaire Ivoirien en zone 4c. Ces nouveaux militants, en majorité des ressortissants du Nord, ont été reçus dans une ambiance de fête par la direction de leur nouveau parti. "Nous sommes agréablement surpris, parce qu’on nous a toujours dit que le Fpi est un parti qui est contre les nordistes. Nous sommes sincèrement heureux que la porte nous ait été ouverte sans la moindre difficulté", a indiqué El Hadj Amadou Diaby, porte-parole des nouveaux militants. "Nous avons constaté que le président Gbagbo est en train de refonder la Côte d’Ivoire, pour que chaque travailleur bénéficie de son travail. Nous avons donc décidé d’embarquer dans le train de la refondation", a-t-il ajouté. Le porte parole des nouveaux militants du Fpi, a expliqué leur choix par le fait que "la politique n’est pas une affaire de frère, ni d’enfant ou de famille. C’est un jeu d’intérêt, et on va où se trouve son intérêt et l’intérêt de son pays", a-t-il martelé. Pour Kesse Diomandé, président du COFENZA, Collectif des fédérations Fpi du Nord et du Zanzan, initiatrice de la rencontre, cet acte posé par ces transporteurs et ces commerçants est un signe qui ne trompe pas. "Nous sommes à une étape importante de la réalisation d’un des objectifs que le Confenza s’est fixés, à savoir la couverture du Nord et du Zanzan en candidature pour le Fpi". Le professeur Koné Dramane qui a parlé au nom des cadres Fpi du Nord, a félicité les nouveaux venus pour "s’être affranchis du mensonge pour arriver à la vérité". "Au Fpi, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous libérera", a-t-il indiqué. Quant à Silué Jacques, représentant du parrain de la cérémonie, Mamadou Koulibaly, il a soutenu que la durée de la guerre a eu quelques petits avantages. Pour lui, beaucoup de vérités seraient restées cachées si la guerre n’avait duré qu’une semaine. "Ceux qui n’aiment pas le Fpi, disent que c’est le parti des gens de l’Ouest. Il n’en est rien. Le président Mamadou Koulibaly vous envoie en mission pour dire la vérité du Fpi". Le député Laurent Akoun, représentant le président du Fpi, Pascal Affi N’Guessan, a rappelé l’histoire qui lie le FPI au Nord. "C’est une longue histoire qui nous lie, mais l’imposture s’est emparée d’une partie de cette histoire. L’heure de la vérité viendra un jour, car les populations du Nord ont commencé à vaincre la peur et à dénoncer l’imposture", a-t-il dit. Et d’inviter les nouveaux venus à la vigilance. "Nous sommes à une ère de prédateurs, nous devons donc faire attention et rester vigilants", a-t-il conclu.»
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