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jeudi, 20 juillet 2006

Le cynisme de la «communauté internationale»



medium_abidjan_19.07.JPGVoilà des civils de deux pays sous les bombes de deux armées puissantes au Proche Orient et que fait l’Onu ? Elle menace de sanctions — qui ?… les patriotes ivoiriens qui manifestent sans armes contre un «processus d’identification» qui se fait sous le contrôle de bandes armées censées selon la «communauté internationale» avoir désarmé depuis trois ans et demi. Mais ladite «communauté internationale» n’a jamais pris le commencement d’une mesure pour rendre effectif ce désarmement qu’elle a demandé.

Sachant ce que signifie du coup un tel «processus d’identification» en vue d’élections pour lesquelles on s’apprête ainsi à remplir les urnes des voix d’un nombre suffisant de… supplétifs électoraux pour faire accéder au pouvoir les candidats de la «communauté internationale» pour lesquels la rébellion armée occupe la moitié du territoire depuis trois ans et demi — les patriotes tentent à mains nues, de s’opposer à cette mascarade.

Et l’Onu, qui a fermé les yeux sur les massacres perpétrés par ladite rébellion, menace — pas au proche Orient, pas les bandes armées en Côte d’Ivoire — mais les partisans d’élections qui ne se feraient pas sous la menace des Kalachnikovs !

Et la presse françafricaine de reprendre du poil de la bête pour dénoncer, tel Thomas Hoffnung de Libération ce matin, les jeunes patriotes — pardon les «jeunes patriotes» (avec guillemets, naturellement) qui seraient, eux, des «supplétifs» (sic) ! de Gbagbo, évidemment. Et Hoffnung de reprendre du service comme porte-parole de la rébellion françafricaine, qui n’aurait pris les armes que pour avoir des papiers ! — certes, il va falloir faire nombre en supplétifs électoraux !


Ci-dessous, le constat de
Théophile Kouamouo du Courrier d’Abidjan, rubrique «Le blog de Théo» — 768 du 19 juillet 2006 — http://news.abidjan.net/presse/courrierabidjan.htm :

«La mort de la diplomatie»

«
Il y a quelque chose d’irrationnel et d’effrayant dans la tragédie qui se déroule actuellement au Proche-Orient. Ceux qui avaient décidé, il y a quelques semaines, de se déconnecter momentanément de l’actualité, et qui rallument leur télévision, sont tétanisés. Tsahal, l’armée israélienne, se trouve au Liban et en Palestine, tandis que le Hezbollah envoie des dizaines de roquettes et de missiles sur Haïfa. Torrents de sang…
Que fait la diplomatie mondiale, la «communauté internationale» ? Rien. Plus aucun idéal ne l’anime. Chacun gère les intérêts de ses protégés, de ceux qui lui achètent des armes, de ceux qui lui rendent des services «stratégiques». La volonté d’éviter la guerre animant les pionniers de l’ONU, qui avaient vu mourir leurs frères, leurs fils, a disparu. Chacun compte ses sous et mesure ses arpents de terre. La guerre est devenue médiatique, groovy, quasiment routinière et sécurisante puisqu’elle épargne les pays qui comptent. Notre conscience a pris l’habitude de regarder les morts pendant le journal télévisé, au milieu du repas.
Les peuples vivant des guerres oubliées vont jusqu’à envier ceux qui meurent en mondovision. Combien de caméras ont filmé l’horreur de Guitrozon ? On ne réclame plus la paix. On exige que nos morts soient invités dans les chaumières du monde entier, à travers le journal de 20 heures. Nos yeux sont secs. Nos espoirs affaissés. Aucun grand dessein ne fait vibrer le monde. C’est le règne de la force. Claire et sans complexes au Proche-Orient, sournoise et maquillée de «maintien de paix» en Côte d’Ivoire.»




mercredi, 19 juillet 2006

En vue des élections en Côte d’Ivoire — Il faudra pourtant bien désarmer !



Quoiqu’en veuille de l’ «impuissance» de la «communauté internationale», il faudra bien en passer par le désarmement de la rébellion armée :

«{…} "Le président de l'Assemblée nationale que je suis", avertit Mamadou Koulibaly, ne va pas s'en laisser conter. "De par la loi, il est de mes prérogatives de désigner près de 300 représentants à la CEI {commission électorale indépendante}, à la commission centrale et dans les commissions délocalisées sur l'ensemble du territoire", fait-il remarquer. Hélas, regrette-t-il, les conditions du déploiement de ses commissaires ne sont pas réunies. A cause de la rébellion qui s'oppose à la libre circulation des personnalités dont lui-même. "Moi je suis interdit de séjour dans le Nord et dans toutes les zones sous occupation rebelle. Comment aller expliquer à un père de famille, à un Ivoirien que moi, interdit de séjour à Ferké, Korhogo, Odienné, Mankono, je serais capable d'assurer sa sécurité en le nommant à la CEI pour qu'il aille me représenter dans les commissions électorale, alors que moi-même je ne suis pas autorisé à y aller. Je n'ai pas le droit de conduire des jeunes Ivoiriens au casse-pipe", se justifie le député de Koumassi. Tout comme lui, il note que de fortes têtes de la résistance républicaine n'ont pas droit de cité au Nord, et certaines contrées de l'Ouest et du centre. Il en va ainsi du chef de l'Etat et la première Dame, Fologo, président du conseil économique et social "qui n'ont pas le droit de désigner d'autres Ivoiriens pour aller les représenter dans ces endroits." Pour sa part, Koulibaly met le pied dans le plat. "La CEI n'aura aucun représentant du président de l'Assemblée nationale. Je n'enverrai aucun représentant à la CEI tant qu'il n' y aura pas le désarmement, et on verra s'ils sont capables de faire des élections avec une commission électorale sans représentants du président de l'Assemblée nationale. Dans ce cas, le FPI en tirera les conséquences et la communauté internationale aussi", met au défi l'élu, sous le ''standing ovation'' de ses jeunes partisans. Le patron de l'institution parlementaire exige donc que la rébellion soit débarrassée de ses armes. Et qu'il vérifie lui-même des normes de sécurité avant d'y envoyer des missionnaires, "sinon, je ne serai pas cohérent avec moi-même." {…}» (http://news.abidjan.net/article/?n=202120)


Et si la raison de ce retard — de trois ans et demi déjà (depuis Marcoussis) du désarmement de la rébellion — avait été donnée par le Gal Bentégeat ? :

«Un pronostic sur les élections si elles ont lieu ?»

Général Bentégeat : «Nous avons quatre acteurs principaux acteurs que sont Soro, Bédié, Ouattara et Gbagbo. Déjà Soro n'est pas candidat. Ouattara lui, on n'en parle pas. Quant à Bédié avec quelques soutiens encore de son parti il n'a aucune chance de gagner les élections. Il reste un qui a toutes les chances de gagner ces élections {…}. Je veux parler du président Laurent Gbagbo. {…}»

Propos recueillis par Philippe Kouhon (correspondant Europe) — http://www.lematindabidjan.com/visual_article.php?num_act...


Évidemment, «la France condamne» les manifestations
http://news.abidjan.net/h/202599.html contre une identification qui se ferait à l’ombre des Kalachnikovs (et les médias nous travaillent pour nous resservir la vieille propagande selon laquelle on aurait donc affaire à de la «xénophobie» de la part des manifestants patriotes : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3212,36-796914@...).





dimanche, 16 juillet 2006

Festival de cinéma de Ouagadougou : «La Victoire aux mains nues» censuré



samedi, 15 juillet 2006

Et si Zidane avait attendu pour régler ses comptes?



Telle est la solution qu’aurait préférée un internaute — appuyée de la thèse voulant que l’expulsion de Zinade ait nui à ses co-équipiers : http://blogs.nouvelobs.com/pyroman/index.php?afficheFichi...

J’avoue que cette thèse me tente. Elle présente cependant, à mes yeux, un inconvénient : elle reste — j’allais dire — strictement footbalistique. Au-delà de la «tasse», selon l’appellation anglaise du fameux trophée, il est vrai que la question du CV des copains interpelle… toujours sur un plan strictement footbalistique.

Je me demande toutefois si l’effet collatéral du geste de Zidane — et c’est là, j’ai essayé de le dire ces derniers jours, son intérêt essentiel : en deçà du football officiel et brillant, un coup de pied (ou de tête) dans la fourmilière officieuse du football des coups fourrés et autres insultes, harcèlement moral et racisme (cf. Aragonès ou Calderoli) jamais condamné clairement jusque là — ; je me demande si cet effet collatéral, lié à la notoriété de Zidane, et probablement non-prémédité, eût été produit dans les deux hypothèses qu'avance cet internaute : règlement de comptes au vestiaire en cas de victoire des Bleus (donc anonyme) ; sur le podium en cas de défaite — où le rapport avec les insultes aurait été fort improbablement fait. Et là, on aurait été fondé à soupçonner quelque chose de caractériel : aller tabasser sur le podium l’artisan de la défaite (l’auteur du but de l’égalisation) !

Aurait toujours manqué la force constatée de l’effet collatéral «du geste», a fortiori si le règlement de compte a posteriori relevait de l’ordre de la métaphore, et se réduisait donc à une série supplémentaire des déclamations tribunistiques auxquelles on est de toute façon habitué.

Décidément, à un plan non-strictement footbalistique, au regard de l’heureux effet collatéral sus-mentionné, les choses se sont passées au mieux !

Cela dit, à propos des remarques d’un autre internaute (http://blogs.nouvelobs.com/ARTEMIS/index.php?afficheFichi...) quant aux sanctions de l’acte, concernant Zidane : - une sanction footbalistique lui a déjà été infligée, - une enquête est en cours au plan de la Fifa, qui peut avoir des conséquences extra-footbalistiques. Reste que les injures aussi, notamment, le cas échéant, à caractère racial, tombent sous le coup de la loi. Et cet aspect des choses ne serait jamais venu au jour sans le grief sus-nommé et déjà en partie sanctionné : qui aurait eu l’idée d’aller fouiller les bandes vidéos pour y appliquer la lecture labiale ? Et, indépendamment des sentences des instituts de sondage, les Aragonès et autres Calderoli auraient continué à sévir sans être inquiétés. Sans trop rêver sur l’avenir concernant leur indécence, on peut espérer qu’ils soient plus portés à quelque, relative, rétention circonspective.



vendredi, 14 juillet 2006

Langue de bois : morceau d’anthologie. Un cas exemplaire.



Voilà un texte bref qui fait un véritable morceau de choix, digne d’une anthologie des exemples remarquables de maniement de la langue de bois.

Il s’agit d’un article paru dans Libération de ce jour (14 juillet, ça ne s’invente pas), sous le titre «Timide réchauffement diplomatique entre Lomé et Paris», signé de Thomas Hoffnung — http://www.liberation.fr/actualite/monde/193368.FR.php.

Gageons qu’avant la chute du mur de Berlin, cette brève composition de Thomas Hoffnung eût été donnée comme matière d’exercices dans les écoles de journalisme préparant les serviteurs de l’État à travailler à La Pravda.

Déjà le titre : «Timide réchauffement diplomatique entre Lomé et Paris». Où l’on se pince dès l’abord ! Ai-je bien lu ? L’inénarrable Hoffnung continue-t-il de peaufiner une carrière de comique ? — comme lorsqu’il nous expliquait (en déc. 2004) que les tirs des chars français sur le palais de Gbagbo, puis l’encerclement de l’hôtel Ivoire à Abidjan étaient la conséquence d’une erreur d’orientation : les chars français s’étaient trompés de route et l’État major français ne savait pas que l’Hôtel Ivoire était un des centres névralgiques du pouvoir ivoirien — il était donc étonné que les Français d’Abidjan menacés ne soient pas là ! Non, la foule des manifestants non armés sur lesquels on avait tiré n’étaient pas là pour protéger le pouvoir élu d’un coup d’État, mais pour menacer les Français — et tant pis s’ils n’étaient pas ici !

Hoffnung préparerait donc une retraite comme comique au Music Hall ? Eh non, apparemment ! — : si on lit la suite de l’article, on s’aperçoit que le titre ne doit pas être lu dans le registre de l’humour.

Hoffnung soutient vraiment que si Faure n’a toujours pas bénéficié comme papa d’une réception officielle bien comme il faut à Paris, c’est qu’il y a vraiment un «froid». Oh, certes, prudent, il use des guillemets, mais n’en dit pas moins ce qu’il annonce !

Apparemment si Hoffnung s’inspire du cinéma burlesque, il connaît moins ce genre de films policiers où le commanditaire d’un forfait évite de recevoir de façon trop ostensible l’exécutant qu’il en a chargé — jusqu’à ce que les vagues judiciaires soient passées.

C’est que manifestement pour Hoffnung, l’ «élection» de Faure, au prix de centaines de morts, et l’entérinement de cette «élection», ne doivent rien à Paris, qui a simplement «reconnu sa victoire, à l'instar de la communauté internationale». (Tiens, Hoffnung a perdu à nouveau l’usage des guillemets de «communauté internationale», qu’il semblait avoir découverts dans un article récent concernant la Côte d’Ivoire, où il tentait à grand coup d’esbroufe de sauver ce qui reste de crédit à Paris dans les démêlés judiciaires consécutifs aux événements de Bouaké de nov. 2004 : il s’agissait alors de nous vendre que, pour cette fois, Paris et la communauté internationale étaient d’accord pour laisser faire Gbagbo — sic).

La «communauté internationale» reste ce concept commode qui permet de dédouaner de toute façon toute action françafricaine. On est au cœur du maniement de la langue de bois. Et l’usage habile, tant du concept que de la concession ponctuelle des guillemets, montre qu’en la matière, Hoffnung est un expert.

Bref, «à l'instar de la communauté internationale», la France n’a fait que reconnaître, presque à contre-cœur, faut-il entendre, la victoire de Faure.

Cela dit, faut-il toujours entendre, notre diplomatie n’en était pas moins fâchée, de cette victoire ! Effectivement la langue de bois, et Hoffnung, ne peuvent que concéder qu’il y eut «fraude massive» ! Et donc, forcément, on est fâché ! — en «froid».

Et Hoffnung de nous resservir, en le plaçant naturellement dans la bouche du directeur de cabinet de Faure (bien utiles citations), le sempiternel poncif selon lequel les arrière-boutiques de la Françafrique, «c’est une autre époque».


Et donc, toute cette fâcherie était sérieuse, faut-il comprendre : «En réalité, la France attendait des gestes d'apaisement de la part des autorités de Lomé. Elle plaidait notamment pour l'ouverture d'un dialogue national qui serait parachevé par l'organisation de législatives "propres"», assure Hoffnung. Et poursuit-il, sans émettre le moindre doute quant à cette volonté parisienne d’élections «propres» (on aura noté ses guillemets), ça y est presque : «Une première étape a été franchie, lundi, avec la signature, par la majorité de l'opposition togolaise d'un accord politique "de base" portant, notamment, sur la mise en place d'une commission électorale indépendante. Toutefois, le principal adversaire du régime, l'Union des forces de changement de Gilchrist Olympio, a refusé de le parapher, parlant d' "escroquerie"». Aucun commentaire sur ce refus d’Olympio — bref, il pourrait y mettre un peu de bonne volonté !

Et pour conclure : «
Reste le cas Charles Debbasch», écrit Hoffnung. Cela pour nous dire quoi ? Que «Lomé n'a pas l'intention de l'expulser. Et Paris de le lui demander. Récemment, Debbasch, un ex-conseiller du président Giscard d'Estaing, a séjourné en France sans être inquiété.»

Bref, Paris voudrait bien, sans doute, «l’inquiéter», mais même s’il vient sur le territoire national, c’est tout de même embarrassant  pour nos bonnes relations avec le Togo : c’est eux, qui ne veulent pas le livrer !

Ce faisant, en nous donnant l’impression de nous apprendre, sur un ton détaché mais désapprobateur, ce que tout le monde sait, Hoffnung obtient un triple bénéfice : passer pour un vertueux dénonciateur d’un régime honni, regretter que Paris soit si «timide» à son égard, et du même coup, disculper totalement Paris, qui serait, hélas, si impuissant face à tout cela !

Si La Pravda avait pu prendre la leçon, le mur de Berlin serait peut-être encore en place…


jeudi, 13 juillet 2006

Zidane : échos en Afrique



Afrik.com : «Zidane s’excuse mais ne regrette rien»

Le meilleur joueur de ce Mondial donne ses premières explications — http://www.afrik.com/article10094.html

mercredi 12 juillet 2006, par Ali Attar


«Ce mercredi soir sur Canal +, Zinedine Zidane s’est expliqué pour la première fois sur les motifs du coup de tête qu’il a donné au défenseur italien Marco Materazzi lors de la récente finale du Mondial. Il s’excuse, mais ne regrette pas son geste car il y a des choses, des personnes, auxquelles nul ne peut toucher.

Pour la première fois depuis la finale de Dimanche, Zinedine Zidane, meilleur footballeur du Mondial a donné ses explications, toutefois sans répéter précisément ce qu’avait dit le défenseur italien. Morceaux choisis :
« Je lui ai dit d’arrêter de tirer mon maillot et que s’il le voulait, on pourrait faire l’échange à la fin du match", raconte Zidane, "Il a alors dit des mots très durs, des mots qui me touchaient au plus profond de moi. C’était très grave et très personnel. Cela concernait ma mère et ma sœur (...) J’aurais préféré une droite dans la figure...". "Je m’excuse auprès des milliards de téléspectateurs, je m’excuse haut et fort auprès des enfants, des éducateurs. Mais je ne peux pas regretter mon geste, cela signifierait que Materazzi a eut raison de dire ce qu’il a dit." ’Je ne crains pas l’enquête de la Fifa mais (...) le coupable est celui qui provoque. Ca suffit de toujours sanctionner la réaction. Il faut sanctionner le vrai coupable».

Quelques minutes plus tard, cette fois ci sur TF1, Zidane a ajouté que des propos tenus par des italiens, en particulier le dirigeant de la Ligue du Nord, Roberto Calderoli, vice-président du Sénat italien, qui a parlé de l’Equipe de France comme d’une équipe de "noirs, d’islamistes, de communistes", étaient encore plus choquants que son propre geste. Sur ce point, afrik s’étonne d’ailleurs qu’il n’y ait pas encore eu de réaction officielle de l’Etat français et des pays africains. Le discours de Roberto Calderoli devrait être condamné par l’ensemble de la Communauté Internationale.

Une polémique loin d’être terminée

Le président de la FIFA, Sepp Blatter, a déclaré ce mercredi que Zinedine Zidane pourrait se voir retirer son titre de meilleur joueur de la Coupe du monde en raison du coup de tête porté à Materazzi. "Le vainqueur de cette récompense n’est pas désigné par la FIFA mais par une commission internationale de journalistes", a précisé Sepp Blatter dans le quotidien italien "La Repubblica". "Ceci dit, le comité exécutif de la FIFA a le droit, et le devoir, d’intervenir lorsqu’il est confronté à un comportement contraire à l’éthique sportive". On pourrait penser que ce discours pourrait s’adresser au moins autant aux provocations italiennes. Retirons son titre de meilleur joueur à Zizou, mais retirons aussi la Coupe du Monde à l’Equipe italienne dans ce cas...

Heureusement que d’autres ont une vision plus élevée. La poétesse cubaine Zoé Valdes a ainsi déclaré dans le quotidien espagnol El Mundo que Zidane était un héros. Ce fut, selon elle, "une histoire implacable et un drame (...) magnifique dans son déroulement, avec une conséquence humaine, celle du héros redevenant un homme"."Nous avons pu apprécier une idole dans toute sa fragilité", mais aussi "sa grandeur, son intégrité en tant que personne".

Quel que soit le résultat de l’enquête de la FIFA, Zinedine Zidane restera comme le plus grand joueur de ces dix dernières années, alors que tout le monde aura bientôt oublié Monsieur Blatter. Mais pour que son geste ne soit pas perdu, il faut aussi espérer que les Materazzi et Calderoli soient sévèrement sanctionnés.»



mercredi, 12 juillet 2006

Zidane : un autre enjeu



Avez-vous remarqué que la fête italienne se cantonne en un îlot italien, dont le centre est le Cirque Maxime ? — cette arène de gladiateurs ; tout un symbole !

Îlot désormais en effet, car l’enjeu s’est bel et bien déplacé, quoiqu’il en soit de la joie de ceux qui ont rejoint cette fête et quoiqu’il en soit de leurs raisons.

Ainsi, f
ace à l’injustice qu’a subie la Côte d’Ivoire républicaine de la part du pouvoir français, je comprends très bien la joie qui peut animer certains de voir frustrer ce pouvoir d’une victoire au Mondial qui aurait forcément rejailli sur lui. Cela dit, l’enjeu est désormais ailleurs.

Le reste du monde est déjà passé à un autre sujet, qui dépasse le sport, la victoire italienne et la défaite des «bleus» : «l’affaire» Zidane-
Materazzi.

Car c’est ici qu’est désormais le véritable enjeu de ce Mondial. Et c’est ici du coup que pourrait être le fondement de la victoire italienne (si tant est que l’on puisse percer le mystère d’une victoire ou d’une défaite au foot !) : des jurons racistes ayant entraîné l’expulsion de Zidane et la démoralisation de «bleus» qui dominaient très largement. Dès lors, l’avantage aux tirs au but pouvait-il être vraiment du côté de l’équipe déstabilisée ? — et à quel prix : celui des injures racistes qui fleurissent sur les stades européens ?!

Ce qui fait que désormais, il est temps pour quiconque n’a pas perdu toute lucidité d’abandonner les cris de triomphe. Cela vaut aussi pour les Italiens.

On a cru dans un premier temps que Zidane sortait déchu du stade de Berlin et du Mondial. On commence à se réveiller de la léthargie des lendemains de fête — fût-elle gâchée. Il apparaît déjà que le geste de Zidane, loin de l’avoir diminué, l’aura au final probablement grandi.

Ne serait-ce que parce que l’humanité n’a jamais diminué un homme. Quelle que soit la victoire ou la défaite à un jeu où le hasard joue un rôle non négligeable, et qui n’en reste pas moins un jeu, il n’y a pas de honte à montrer de la faiblesse. Dans deux registres différents, les larmes de Thuram et le coup de tête de Zidane relèvent de la grandeur.

Et si leur teneur nous reste cachée, il est des mots dont la petitesse ne rejaillit en rien sur celui qui en est à ce point blessé.

Mais surtout, déjà se pose cette question, qui va bien au-delà des défaites et des victoires sportives :  et si «le geste» de Zidane était celui auquel il fallait enfin en venir pour mettre vraiment et clairement le holà — au-delà des déclarations lénifiantes concédées tardivement par la FIFA contre le racisme — à ce que tout le monde sait depuis longtemps et que dénoncent SOS Racisme, Licra et d’autres, en vain.

L’indécent sélectionneur espagnol insultant Thierry Henry en le traitant de «merdeux de Nègre» n’a à ce jour subi aucune sanction significative, le public continue de brailler son racisme contre les joueurs «de couleur», et ce Materazzi aurait continué impunément à déverser de sa bouche ses propos malodorants…

Et aujourd’hui certains s’offusquent de ce qui serait un «mauvais exemple» de Zidane ! Oh certes, il n’y a pas lieu d’exalter les coups de tête ! Mais cette façon de dénoncer le geste dénonciateur plutôt que la faute récurrente — autrement grave — qui sévit sur les stades, ressemble fort au carton rouge levé contre Zidane.

Ce carton rouge pourrait alors devenir aussi le panneau d'alerte enfin levé, qui verrait des sanctions enfin sérieuses contre l’indécence tue. Déjà, bonne nouvelle, SOS Racisme a demandé une enquête. Zidane serait alors le premier qui a dit la vérité, et de quelle façon — avec une éloquence qui remplace bien des mots. Et si, alors, la défaite des «bleus» devenait la victoire de la décence ?




mardi, 11 juillet 2006

«Ces "Bleus" si "Black"»



«Pan Afrique: Coupe du monde 2006 - Ces "Bleus" si "Black": vive la racaille!»

 

vendredi, 07 juillet 2006

CENSURÉ SUR blogs.nouvelobs.com : «De quoi les Ivoiriens et les autres Africains francophones ont-ils besoin aujourd’hui ?»



Lu dans Le Messager (journal camerounais) — N° 2163 du 06-07-2006 — http://www.lemessager.net/details_articles.php?code=33&am... :

(Article CENSURÉ SUR blogs.nouvelobs.com)


«Jacques Chirac laissera-t-il le souvenir d’un grand président ? Non, selon Franz-Olivier Giesbert qui n’hésite pas à le décrire comme “ quelqu’un qui est enfermé, emmuré ” (La Tragédie du président, Flammarion, 2006). Pour sa part, Claude Imbert estime que, “ dans une démocratie honorable, un pouvoir rétoqué sur le non à l’Europe, remué par l’émeute des banlieues, humilié par l’enterrement du contrat première embauche, éclaboussé enfin par Clearstream, un tel pouvoir eût plié bagage ” (dans Le Point du 25 mai 2006, p. 3). Les journalistes étrangers ne sont pas plus tendres avec l’actuel locataire de l’Elysée.

Ainsi de Gerd Kröncke du Süddeutsche Zeitung. Voici le portrait que le journaliste allemand dresse de lui : “ Après les 80 % de voix enregistrées aux élections de 2002, Chirac aurait pu devenir un grand président… Il n’est aujourd’hui qu’une figure pitoyable. Il n’a pas réussi à se positionner au-dessus des partis et des petites intrigues de la vie politique… Il a gâché tant de potentiel. Pendant un court moment, quand nous étions tous réunis sur la Place de la République le soir de son élection, nous avons pensé : il va changer. Il va devenir un autre président. Mais il est resté celui qu’il n’a jamais cessé d’être : un homme prisonnier de ses petites affaires minables. Il essaie d’imiter la grandeur mais les Français ne sont pas dupes. Il n’y a qu’un seul moment au cours de son mandat où Jacques Chirac a été à la hauteur de sa fonction. C’est quand il a été le premier président à reconnaître en 1995 la responsabilité de l’Etat français dans les rafles de juifs pendant l’Occupation. Cette Vè République n’a connu qu’un seul grand président : de Gaulle… Et ce n’est pas un hasard si de Gaulle a été le seul à démissionner quand il s’est rendu compte que son peuple ne le soutenait plus ” (dans Le Point du 25 mai 2006, p. 40). Trois réquisitoires qui ne sont pas sans rappeler les critiques acerbes de Denis Jeambar (Accusé Chirac, levez-vous !, Seuil, 2005) et de Laurent Mauduit (Jacques le Petit, Stock, 2005). Mais les journalistes ne sont pas les seuls à parler de la misérable présidence de Chirac. Les hommes politiques se sont mis, eux aussi, dans la danse. C’est le cas de François Hollande qui, reconnaissant que “ l’image de la France est gravement altérée et la confiance de la Nation en ses dirigeants ruinée ”, se demande “ comment l’Etat a pu tomber si bas ”. C’était le 2 mai 2006 à l’Assemblée nationale. Bayrou – l’autre François – enfoncera le clou trois semaines plus tard. En effet, bien que de droite comme l’ancien maire de Paris, le président de l’Union pour la démocratie française ne se gênera pas pour dire que Chirac est un “ chef africain pour qui faire de la politique se résume à concentrer le pouvoir entre ses mains et celles de ses proches, arranger des coups, tuer politiquement, dans le but unique de contrôler le quartier général ” (dans Le Point du 25 mai 2006, p. 40).

Où veux-je en venir ? Pourquoi ce détour par la politique française ? Pour dire deux choses. La première est que, tout se payant ici-bas (le mal comme le bien), la France officielle est en train d’être sanctionnée pour avoir créé le “bordel” en Côte d’Ivoire, pour avoir accusé à tort les Ivoiriens de xénophobie ( je dis “à tort” car les étrangers représentent au moins 26 % de la population ivoirienne alors qu’ils représentent 7, 4 % de la population française selon le recensement de 1999), pour avoir légitimé une horde de pillards et d’assassins, pour avoir diabolisé et malmené un président dont le seul crime est d’avoir voulu revoir les relations économiques, politiques et militaires avec l’ancienne puissance colonisatrice, pour avoir tiré à balles réelles en novembre 2004 sur une jeunesse qui manifestait pacifiquement contre l’occupation par l’armée française des secteurs stratégiques de la capitale économique. En d’autres termes, le discrédit et le désaveu qui frappent aujourd’hui le président français est la vengeance du sang des Ivoiriens injustement massacrés depuis le 19 septembre 2002. Car, tôt ou tard, arrive le “crépuscule des crapules”.

Le deuxième point que je voudrais mettre en évidence, c’est l’idiotie et la déraison de certains Ivoiriens, c’est-à-dire de ceux qui ont profité avec la France officielle des richesses de la Côte d’Ivoire entre 1960 et 1999. L’idiotie, ce n’est pas seulement le fait de réclamer la mise sous tutelle onusienne de la Côte d’Ivoire parce que d’autres sont au pouvoir. C’est aussi le fait de chercher un nouveau souffle auprès d’un pouvoir à bout de souffle, le fait de se courber devant un régime couché, de monter dans une barque qui prend eau de toutes parts. L’idiot, c’est enfin celui qui est convaincu que, pour reconquérir le pouvoir, il n’y a rien d’autre à faire que de s’aplatir ou de ramper devant Jacques Chirac. La Côte d’Ivoire qui a organisé les élections d’octobre 2 000 avec les deniers des Ivoiriens sous feu Robert Gueï, connu le budget sécurisé, continue à payer ses fonctionnaires grâce aux bénéfices réalisés par les principales régies financières (Douane, Impôts et Trésor) depuis qu’elle a été lâchement attaquée, pris le train de l’indépendance totale et n’est pas près d’en descendre n’a que faire de la politique de l’agenouillement. Bref, la Côte d’Ivoire digne et résistante n’a pas besoin de mendier de l’argent pour organiser la présidentielle d’octobre 2006 (si cette dernière n’est pas reportée ou empêchée par une ènième tentative de coup d’Etat). A-t-on en effet besoin de tendre la main pour 200 milliards de Fcfa alors que 440 milliards de Fcfa volés dans les agences de la Bceao à Bouaké et à Korhogo dorment dans des comptes à Dubaï et à Beyrouth après avoir été blanchis au Sénégal, selon Amath Dansokho, le secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail (L’hebdomadaire du 11 mars 2006) ? La seule chose dont nous ayons aujourd’hui besoin, à mon avis, c’est d’une nouvelle relation avec la France. A ce propos, même s’il faut rester prudent car on a encore en mémoire l’exemple de Jean-Pierre Cot qui fut viré du ministère de la Coopération dans le premier gouvernement de François Mitterrand pour avoir voulu secouer le cocotier françafricain, Nicolas Sarkozy a vu juste pendant son voyage au Bénin en souhaitant entre la France et l’Afrique “une relation assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et des obsolescences qui perdurent de part et d’autre de la Méditerranée, sans sentiment de supériorité ni d’infériorité”, en refusant la “posture d’une France donneuse de leçons” (Le Monde du 19 mai 2006). Le ministre de l’Intérieur français ne s’est pas arrêté là. Il a aussi invité ses compatriotes à “renier tout paternalisme, à exclure toute condescendance à l’endroit des Africains, à tourner la page des complaisances, des officines, des secrets, des ambiguïtés”. Pour lui, non seulement la France ne peut pas continuer avec les mêmes réflexes vis-à-vis de l’Afrique mais Français et Africains doivent dialoguer sur un pied d’égalité car “l'immense majorité des Africains n'ont pas connu la période coloniale” (Libération du 19 mai 2006).

Certains diront – et ils n’auront pas tort – qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, que Sarkozy n’est pas encore président de la République française et que rien ne nous dit que, élu, il passera de la théorie à la pratique, c’est-à-dire qu’il incarnera la rupture dont il n’arrête pas d’affirmer la nécessité et l’urgence. Ils auront pleinement raison s’ils refusent de ne pas verser dans un optimisme béat, s’ils veulent voir avant de croire comme saint Thomas. Oui, je suis d’accord qu’il faut rester lucide. Cela dit, je dois avouer que les propos de Sarkozy m’ont fait chaud au cœur parce qu’ils mettent le doigt sur le mal de l’Afrique francophone. Certes, les responsabilités internes dans la ruine des anciennes colonies françaises sont incontestables. Certes, nous ne pouvons pas ne pas battre notre coulpe mais qui soutient et protège actuellement Sassou Nguesso, Paul Biya, Idriss Deby et Omar Bongo contre les peuples africains affamés, clochardisés et réprimés? Qui a été complaisant avec Bokassa, Houphouët-Boigny, Mobutu, Hissène Habré et Eyadema ? N’est-ce pas d’abord pour les dirigeants occidentaux que ces “pères de la nation” ont travaillé ? En ce sens, on ne peut qu’approuver Kä Mana lorsqu’il écrit : “Le despotisme néocolonial…, son ressort était celui d’un pouvoir à poigne pour garantir les intérêts d’un capitalisme sauvage face au communisme, dans le contexte de la guerre froide. Mobutu était de ce point de vue l’idiot utile. Brutal, impitoyable et sanguinaire, il représentait l’image de la brute idéale qui devait maintenir son peuple dans la soumission absolue et exercer sans partage un pouvoir sans aucune responsabilité par rapport aux attentes des populations. Tant que ce régime lui était nécessaire, la communauté internationale l’a soutenu, aidé, sauvé de toutes les attaques de ses ennemis internes et externes. Seuls les changements géopolitiques dus à l’effondrement du communisme ont mis fin au rôle d’idiot utile et de salaud indispensable que Mobutu assumait dans l’ordre néo-colonial. Un ordre dont notre peuple n’a tiré aucun profit en termes de développement ou de progrès. Au contraire, ce fut, d’année en année, une véritable descente aux enfers pour notre pays” (Kä Mana, “Contre la politique sous tutelle”, Le Potentiel du 8 mai 2006). Enfin, qui a dit en 1989 à Abidjan que “la démocratie est un luxe pour les Africains” ?

Avant d’aller plus loin, je voudrais rappeler la définition de la démocratie. Voici celle de Tzvetan Todorov : “La démocratie signifie que chaque peuple est souverain, qu’il a le droit de définir pour lui-même le Bien, plutôt que de se le voir imposer du dehors. Par conséquent, lorsque les puissances occidentales conduisent leurs guerres coloniales au nom de la démocratie dont elles se veulent l’incarnation, les moyens utilisés annulent le but poursuivi. Comment peut-on promouvoir la dignité humaine des autres si on ne les laisse pas décider de leur propre système ? Si on impose la liberté aux autres, on les soumet ; si on leur impose l’égalité, on les juge inférieurs” (T. Todorov dans Le nouveau désordre mondial, Paris, Robert Laffont, 2003, pp. 31-32). Ce qu’on peut retenir de la conception todorovienne de la démocratie, c’est que celle-ci est incompatible avec l’impérialisme : quiconque se veut démocrate devrait renoncer à imposer et à s’imposer aux autres.

La question de fond que je voudrais examiner à présent est la suivante : Pourquoi les dirigeants français redoutent-ils la démocratie en Afrique ? Parce qu’elle remettrait en question la politique qu’ils ont conduite jusqu’ici, une politique que Lionel Jospin qualifiait en 1997 d’ “interventionniste, de paternaliste et d’affairiste”. Interventionniste et paternaliste car ils n’ont jamais cru les Africains capables de régler leurs conflits. On a entendu ainsi à Dakar Jacques Chirac railler et critiquer la médiation de Thabo Mbeki, la seule qui ait pourtant été menée de façon respectueuse, objective et impartiale alors que les accords de Marcoussis légitimaient et avantageaient outrageusement la rébellion. Chirac disait notamment que le président sud-africain ne maîtrisait pas la psychologie des Africains de l’Ouest, ce qui, de mon point de vue, est prétentieux et ridicule. Affairiste car, d’après Eric Fottorino, Christophe Guillemin et Erik Orsenna, “il n’est pas de campagne nationale française que l’Afrique n’ait pas soutenu financièrement en distribuant des oboles à tous, sans vrai favoritisme, pour être sûre d’avoir, quoi qu’il arrive, un parent à l’Elysée ou à Matignon” (Besoin d’Afrique, Fayard, 1992, p. 168). La démocratie fait peur parce que l’Elysée, Matignon et le Quai d’Orsay veulent continuer à faire et à défaire les présidents en Afrique, parce que les hommes politiques français refusent de voir l’Afrique “renouer avec le projet initial de libération économique, politique et culturelle qui a largement été contrarié par la politique africaine de la France, dont l’instrumentalisation de la Côte d’Ivoire et de son premier leader, Félix Houphouët-Boigny, a été l’une des composantes” (ces mots ne sont pas d’un partisan de Laurent Gbagbo mais d’Aminata Traoré, ancienne ministre malienne du Tourisme, dans sa Lettre au président des Français à propos de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général, Fayard, 2005, p. 144). Pour ma part, je pense que vouloir la démocratie chez soi et la refuser ailleurs, ce n’est pas seulement se montrer raciste mais ruser avec ses principes. Or une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde (Aimé Césaire dans Discours sur le colonialisme, Présence africaine, 1995). L’Afrique francophone a beaucoup changé en quatre décennies. La jeunesse africaine, qui représente 60 % de la population, y est décomplexée, politisée, informée et désire emprunter le train de la démocratie, choisir et renvoyer elle-même ses dirigeants, écrire elle-même son histoire, être dirigée par des chefs d’Etat libres et dignes comme Thomas Sankara dont le combat pour une véritable indépendance incommodait Paris car, selon l’universitaire française Anne-Cécile Robert, “ce n’est sans doute pas un hasard si le président François Mitterrand, qui n’a jamais remis en cause la “Françafrique” (ensemble de réseaux mafieux dont l’objectif est de garder les anciennes colonies sous la tutelle française selon feu François-Xavier Verschave dans La Françafrique. Le plus long scandale de la République, Stock, 1998), ne manifesta de colère qu’envers un seul chef d’Etat africain : Thomas Sankara. Par contraste, l’image du Maréchal Mobutu, dictateur criminel s’il en fut, assis près du dirigeant français sur le parvis des droits de l’homme à Paris, lors du bicentenaire de la Révolution de 1789, représente le symbole, à la fois pathétique et tragique, de la trahison du discours de Cancun de 1982” (A.-C. Robert, L’Afrique au secours de l’Occident, Editions de l’Atelier, 2005, p. 133). En un mot, ce qu’il faut aujourd’hui aux Ivoiriens et aux autres Africains francophones, c’est moins d’argent et plus de respect, plus de liberté et plus de justice. Ce qu’ils attendent des responsables français, c’est qu’ils ne diabolisent pas les présidents africains qui ont repris le combat de Thomas Sankara. J’ai dit “diaboliser” car, de l’aveu de Jean-Claude Guillebaud, “la modernité occidentale tend à diaboliser ce qui la conteste, à négliger ce qui la questionne, à combattre ce qui lui résiste” (J.-C. Guillebaud, “L’Occident ? Un monde clos sur lui-même”, Le Monde du 6 février 2006). Dans ce registre, je voudrais revisiter une réflexion de Mgr Hippolyte Simon sur les relations entre l’Eglise et la France dans son livre Vers une France païenne ? (Cana, 1999). L’archevêque de Clermont-Ferrand y écrit ceci : “La France avait, comme toute fille, vocation à s’émanciper un jour de sa mère (l’Eglise) et le fait que cette émancipation se soit souvent mal passée ne signifie pas qu’elle n’aurait pas dû avoir lieu”. Si on veut appliquer cela aux relations entre la France et ses ex-colonies, on dira que les Africains ne peuvent pas dépendre éternellement de la France et que, même si elle s’est quelquefois mal exprimée en Côte d’Ivoire avec les dérapages dont les patriotes ont pu se rendre coupables, leur volonté de substituer le partenariat au tutorat ne devrait nullement choquer ou susciter une levée de boucliers en France. Le désir d’une véritable indépendance qui se fait sentir ici et là en Afrique francophone ne devrait surtout pas pousser des individus et des multinationales en Europe à armer et à financer des rébellions pour massacrer des populations civiles et renverser des présidents démocratiquement élus.

Pour terminer, je me réjouis que Charles Taylor – une autre crapule - ait été arrêté pour répondre de ses nombreux crimes de guerre et contre l’humanité devant le Tribunal spécial de Sierra Leone. C’est un bon signe pour le retour de la paix en Côte d’Ivoire et dans les autres pays de l’Afrique occidentale. Mais Taylor n’est pas le seul à avoir déstabilisé et ensanglanté la sous-région. La justice et la logique voudraient que la communauté dite internationale s’intéresse aussi à Blaise Compaoré, l’homme avec qui Taylor s’est enrichi en pillant les richesses de Sierra Leone, du Liberia, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire et à qui plusieurs organisations de défense des droits de l’homme attribuent au moins 116 assassinats politiques.»

 


Jean-Claude DJEREKE
auteur de changer de politique vis-à-vis du sud.
Une critique de l’impérialisme occidental, Paris, l’Harmattan (2004)




 

jeudi, 06 juillet 2006

Petit mémento en 20 points sur la crise franco-ivoirienne




Au moment où la «révision évolutive» (selon la formule
«Révisionnisme évolutif» de Th. Kouamouo) de la lecture que fait la presse française de la crise franco-ivoirienne prend le tournant tragi-comique que l’on sait, et dont Thomas Hoffnung est le dernier porte-parole, il n’est pas inutile de reproduire ce petit mémento publié en novembre 2004 dans www.ivoireforum.com (http://www.ivoireforum.com/a_la_une.asp?id=676), qui prend, avec un an et demi de recul, des allures prémonitoires…


Petit mémento en 20 points sur la crise franco-ivoirienne :

1. Saviez-vous qu’en 1999 la position française était que les conditions de nationalité ne permettaient pas à A. D. Ouattara de se présenter à l’élection présidentielle ivoirienne (cf. Bernard Debré, Le Figaro, 25. 11. 1999) ?

2. Saviez-vous que le concept d’ «ivoirité» proposé contre lui par son adversaire d’alors, H. K. Bédié (allié, aujourd’hui, de ce même A. D. Ouattara et des rebelles contre L. Gbagbo), n’a en revanche jamais été accepté par L. Gbagbo ?

3. Saviez-vous que A. D. Ouattara est de ceux qui ont appelé (sous le gouvernement Guéi) à voter «oui» au référendum d’alors, avec la clause électorale de la nationalité sur la Constitution de la IIe République qui doit être à présent réformée par un autre référendum pour qu’il puisse se présenter ?
(Depuis L. Gbabgo a usé des prérogatives présidentielles que lui donne l'art. 48 de la Constitution pour lui permettre de se présenter quand même.)

4. Saviez-vous que les divers responsables du parti et du gouvernement (dénigré comme «ethnique») de L. Gbagbo (démocratiquement élu, rappelons-le), viennent des quatre coins de la Côte d’Ivoire ?

5. Saviez-vous que grâce à L. Gbagbo et au forum de réconciliation nationale qu’il a mis en place avant la tentative de coup d’État de septembre 2002, la nationalité ivoirienne a été accordée à A. D. Ouattara ?

6. Saviez-vous que L. Gbagbo avait mis en place, dans la foulée de ce forum, un gouvernement d’union nationale incluant le parti de A. D. Ouattara — avant, donc, la tentative de coup d’État de 2002, et donc avant que Marcoussis ne prétende le lui imposer en février 2003 — ?

7. Saviez-vous que les rebelles sont descendus jusqu’à Abidjan, où ils ont tué le Ministre de l’Intérieur, et qu’ils en ont été repoussés non par l’armée française, mais par l’armée ivoirienne ?

8. Saviez-vous que l’armée française a simplement bloqué tout le monde à Bouaké, Marcoussis entérinant cela, tandis que les Ivoiriens croyaient que la France mettrait au contraire en place les accords de défense scellés avec la Côte d’Ivoire ?

9. Saviez-vous que les populations du Nord ont fui en masse l’occupation rebelle et qu’on n’a pas assisté à ce mouvement en sens inverse (les populations du Nord ne se sentent donc manifestement pas persécutées au Sud !) ?

10. Saviez-vous que si l’on s’en tenait à l’affichage horaire des dépêches de presse, les deux Sukhoï ivoiriens sembleraient avoir été détruits par l’armée française quelques heures avant l’attaque (dont on ne cesse de s’étonner de l’absurdité) du camp français de Bouaké (dépêches du 6. 11. 2004 : 10 h 03 pour l’AFP, 10 h 26 pour Reuters*) ?
(La question que je posais alors sur nouvelobs.com — http://unevingtaine.wordpress.com/2009/02/18/j%E2%80%99ai... — concernant l’horaire des dépêches n’a toujours pas obtenu de réponse.)

11. Saviez-vous qu’un tel dérèglement des horloges des ordinateurs de deux agences de presse de cette importance ne peut que nourrir le doute des Ivoiriens sur la réalité de ladite attaque ivoirienne du camp de Bouaké ?

12. Saviez-vous que lorsque les Ivoiriens parlent de riposte disproportionnée, ils ne pensent pas tant à la seule destruction des Sukhoï, qu’à la destruction de tous les aéronefs ivoiriens (y compris civils), au bombardement des deux résidences présidentielles (Yamoussoukro et Abidjan), à la prise de l’aéroport et des deux ponts d’Abidjan (tout cela accompagné de tirs sur la foule), au positionnement d’une trentaine de chars autour de la résidence de L. Gbagbo, puis dans foulée à l’envoi depuis la ligne de front de dizaines d’autres chars (tout cela accompagné de tirs sur les populations qui voulaient s’opposer à cette descente des chars vers Abidjan), chars bientôt positionnés à proximité de la résidence présidentielle à l’hôtel Ivoire d’où l’armée française a de nouveau tiré sur la foule — foule sans armes, ni projectiles ou autres — ?

13. Saviez-vous que cela a été interprété (on peut concéder : de bonne foi !) comme une tentative de coup d’État ?

14. Saviez-vous que ce sont les tirs sur la foule sans armes, depuis les hélicoptères français, lors de la prise de l’aéroport, occasionnant, selon le CICR, de nombreux morts et blessés, qui ont provoqué la prise à partie de résidents français (conçue comme légitime défense, puisque la France prétextait les défendre) ?

15. Saviez-vous que sur ces entrefaites se sont retrouvés dans la foule 4000 prisonniers, évadés la prison gérée par une ministre anti-Gbagbo imposé par les accords de Marcoussis — et qu’aucun pillard n’a été arrêté par l’armée française (qui semblait donc avoir autre chose à faire) ?

16. Saviez-vous que «les médias de la haine» n’ont fait essentiellement pendant ces événements que lancer des appels aux dons de sang (il suffisait de les écouter pour le savoir) pour les blessés dont beaucoup par balles (près de 3000 d’après le CICR qui préfère ne «pas donner de précisions sur le nombre de morts ni sur les causes des décès, "afin de ne pas jeter d'huile sur le feu"», selon l’AFP — Genève, 22 nov 2004 — 18 h10) ?

17. Saviez-vous que le mythe de l’analogie rwandaise (qui fonctionne selon le syllogisme : problème politique chez les Noirs = futur Rwanda ! — Problème politique en Europe = future Shoah ?) propagée par un film distribué sous le manteau, a été ridiculisé par la diffusion en Côte d’Ivoire dudit film («Poudrière identitaire») à une heure de grande écoute (le mardi 14 août 2001 — en prime time, suivi d’un débat contradictoire relayant tous les courants d’opinion) ?

18. Saviez-vous que L. Gbagbo s’est toujours refusé à interdire les journaux d’opposition ?

19. Saviez-vous que la mise temporaire sous silence, par quelques manifestants, des médias reproduisant des propos comme ceux de responsables français qualifiant d’ «outranciers» les témoignages des témoins de faits avérés tels que décapitations par balles de l’armée française, a eu pour effet de calmer les esprits ?

20. Saviez-vous que ce qui vaut en France aux médias ivoiriens l’intitulé de «haineux» est d’avoir «excité» les lecteurs essentiellement par la reproduction de Unes et d’articles de journaux français sur la Côte d’Ivoire ?

Etc., etc. Mais qui veut savoir tout cela ? Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage !

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* Annexe

AFP - 06/11/2004 10:03:08 :
«Les militaires français ont détruit samedi au sol sur l`aéroport de Yamoussoukro (centre de la Côte d`Ivoire) deux chasseurs-bombardiers Sukhoï de l`armée ivoirienne, a annoncé à l`AFP le colonel Philipe Mangou, du commandement ivoirien du théâtre des opérations militaires.
"Les militaires français ont détruit nos Sukhoï au sol", a indiqué le colonel Mangou sans préciser les raisons de cette action.
Celle-ci est intervenue "en rétorsion" d`un bombardement de l`aviation ivoirienne en début d`après-midi sur un cantonnement de soldats français à Bouaké (centre), le fief des rebelles, a appris l`AFP de bonne source.
Ce bombardement aurait fait "plusieurs victimes" dans les rangs français, selon cette source qui n`a pas donné plus de détails.»

Reuters - 06/11/2004 10:26:51 :
«Deux avions gouvernementaux ivoiriens ont été abattus samedi par l`armée française après avoir bombardé une position française à Bouaké, dans le nord du pays, faisant huit morts et 23 blessés parmi les militaires français, a-t-on appris auprès d`une source onusienne.
"Des sources militaires au sein des Nations unies ont dit que deux Soukhoï (des avions militaires) appartenant à l`armée ivoirienne venaient d`être détruits après que ces appareils eurent visé une cible française", a déclaré Jean-Victor Nkolo, porte-parole de la mission des Nations unies en Côte d`Ivoire.
"Huit personnes ont été tuées et 23 autres blessées. Tous étaient des soldats français" a-t-il ajouté.»