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lundi, 06 août 2007

Une lecture burkinabè du discours de Dakar



San Finna N° 424 du 30 Juillet au 05 Août 2007 —
http://www.sanfinna.com/ARCHIVES/Archives424/CoalitionIra... :


par
VT :

« PREMIERE TOURNEE AFRICAINE DU PRESIDENT SARKOZY
UN AFFRONT A L’AFRIQUE ET UNE RUPTURE QUI FAIT "PSCHITT"

Le premier contact du candidat Sarkozy avec l’Afrique a été plutôt tumultueux. Mais en panachant -au contact des réalités- son discours sur l’immigration choisie avec une forte dose de rupture avec les réseaux et autres officines de la Françafrique, il avait su, à défaut de susciter l’engouement à son endroit, se faire concéder une sorte de bénéfice du doute. Mais sa sortie sur le continent en tant que président, qui devait donner l’occasion d’officialiser les principes de ce nouveau partenariat avec l’Afrique, n’a pas comblé tous les espoirs attendus.


L
e ton était déjà donné avec l’inscription de la Libye comme première étape de sa tournée.

Tripoli l’a confondu en mettant à nu son empressement à toucher des dividendes économiques d’une immixtion dans le dossier des soignants bulgares et à capitaliser indûment des plus-values de prestige diplomatique et médiatique. Pour ce faire, le président français n’aura pas hésité à avaler des couleuvres avec un Kadhafi qui n’a même pas daigné se déplacer à l’aéroport pour le recevoir et un accueil qui dans l’ensemble a été plutôt hautain et frisquet.

Pour ne pas arranger les choses, il retrouvera à son retour des opinions plutôt remontées contre lui car en passant contrat sur le nucléaire civil avec le fantasque Kadhafi, il est apparu aux yeux des écologistes et de certains partenaires comme un opportuniste qui joue avec le feu et qui est parti, dit-on déjà dans ces cercles, pour surclasser George Bush dans l’ aveuglement politique.

Au Sénégal, où l’on s’attendait à une espèce de discours sinon de Bayeux ou de Brazzaville, à tout le moins de La Baule, Nicolas Sarkozy, à part l’engagement à aider le Sénégal pour la tenue du procès Hissène Habré, n’a pas fait fort.


L’ INJURE MONUMENTALE A L’AFRIQUE


Il a choisi, dans une démarche inqualifiable, d’aller à Dakar pour blesser dans leur âme, les Africains, en mettant à la limite de l’eau au moulin au discours sur l’inégalité des races. Jugez-en par ses propos tenus à l’Université Cheick Anta Diop : « Le paysan africain ne connaît que l'éternel recommencement du temps, rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et de mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès". Mais, sous prétexte d’asséner des vérités en France comme en Afrique, il va incroyablement plus loin et verse dans l’injure : "Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. Jamais il ne s'élance vers l'avenir, jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin". C’est terrible. Même Jean-Marie Le Pen, au fond, n’est pas allé aussi loin. Si pour l’ universitaire gabonais A. Bissiélo, interviewé par RFI le 28 juillet dernier, le propos était « décalé, anachronique », à la limite du « négationnisme », Alpha Oumar Konaré pour sa part, aura, avec les mots tranchants qu’on lui connaît, fustigé cette appréciation outrageante sur les Africains et avoué avec tristesse, s’agissant des perceptions que Nicolas Sarkozy a de son nouveau partenariat avec l’Afrique, que ce n’est pas « exactement le genre de rupture qu’on aurait espéré ».

Avec un tel jugement définitif, que fait Sarkozy de la dynastie des Pharaons noirs qui, du 18 ème au 17 ème siècle avant Jésus Christ, a régné sur l’Egypte et la Nubie réunifiées ? Où met-il Musa, ce Sultan de l’empire malien qui, avant Christophe Colomb, a expédié une centaine de navires jusqu’aux Amériques ? Que dit-il de l’empire du Monomotapa ? Que fait-il de El hadj Omar, considéré à l’époque de ses pèlerinages à la Mecque, comme l’un des monarques les plus puissants du monde ? Que retient-il du rayonnement mondial de Tombouctou au Moyen-âge et quel jugement porte-t-il par rapport aux Chaka Zoulou, Samory Touré…. ? Tous ces hommes et tous ces témoignages de vitalité, d’imagination, de projection dans l’avenir, sont-ils le reflet d’une momification de l’esprit africain dans le rituel et le passé ? Il y a là de la part de ce « quinqua », né après la seconde guerre mondiale, plus qu’un manque de tact, une méconnaissance du temps qui passe et des réalités socio-économiques d’une Afrique fortement urbanisée et dont les fils, majoritairement de souche paysanne, se distinguent dans les filières de pointe au point de constituer un capital appréciable qui ne lui a pas échappé à travers sa politique d’immigration choisie.


LA PROFESSION NEGATIONNISTE


Nicolas Sarkozy était décidément en verve. Au sujet de la colonisation française, décomplexé, il dévalue le rôle de la France, se refuse à la repentance et demande au contraire d’admettre un partage de responsabilités entre la France et l’Afrique avant de tourner la page. Certes, on peut accepter que les rois nègres, à travers le commerce triangulaire et que certains valets, après la période coloniale, ont participé et continuent de participer à la curée du continent, à ses souffrances, mais sans perdre pour autant le sens du juste partage des responsabilités. Que fait en effet le président français de la perpétuation de l’exploitation du continent à travers le système néo-colonial, les réseaux de la Françafrique, comptables du pillage de l’Afrique et de ses meurtrissures par des coups d’Etat et autres rébellions ? Où a-t-il mis le rôle des multinationales comme Elf, Areva.., la participation suspectée de son pays au génocide rwandais, aux déstabilisations en RDC, au Congo… ? Quid des massacres de civils ivoiriens aux mains nues par l’armée française ?

Mais là où cependant, on peut être d’accord avec le président français, c’est lorsque, s’adressant aux jeunes d’Afrique, il les interpelle en ces termes : « Si vous voulez la liberté », la démocratie », si vous voulez sortir de "l'arbitraire", de "la corruption", de "la violence", du "parasitisme" et du "clientélisme", et mériter l’aide de la France, c'est à vous "de le décider". Ici, Nicolas Sarkozy met le doigt sur la nécessité qui revient aux peuples d’Afrique de battre en brèche ce cliché qui veut qu’ils soient des peuples mineurs, ayant vocation à se complaire dans l’assujettissement.

Mais pour être totalement cohérent avec son propos, il aurait dû éviter, dans le même temps qu’il met les jeunes africains au défi de prendre si ouvertement partie pour les dictateurs africains car de la Libye jusqu’au Gabon en passant par le Sénégal, c’est bien ce qu’il a fait, et parfois à la limite de la provocation gratuite.


LA RUPTURE RENIEE ?


A Tripoli, il est venu faire ses dévotions à Kadhafi qui l’ a remercié en le regardant de haut. A Dakar, pour flatter l’ « ego » de Wade, il s’est transformé en élève, allant jusqu’à accepter cette repentance qui l’horripile tant puisqu’il avoue son erreur par rapport à l’immigration choisie et rend grâce au président sénégalais de l’avoir ramener sur terre en l’éclairant.

Cette attitude louangeuse envers les chefs d’Etat qui sont loin de passer pour des parangons de vertu démocratique, il l’a également eue par rapport à Omar Bongo. A Libreville il n’a pas hésité à rendre hommage au « rôle du président » dont il rappelle qu’il est le « doyen des chefs d’Etats africains » et pour lequel il précise qu’ « en Afrique, le doyen, cela compte ». Mais là où les bras nous en tombent, c’est quand, revêtant sa robe d’avocat, il affirme, s’agissant du Gabon : «Je ne pense pas que ce soit le pays qui ait le plus à rougir du point de vue de la démocratie interne ».

Cette sortie africaine, pour dire vrai, a révélé un visage insoupçonné de Nicolas Sarkozy, et ses propos des plus vexatoires pour les Africains n’ ont pas encore fini de développer leur onde. Mais le comble dans tout cela, c’est que ses reniements, en renforçant inutilement des hommes comme Kadhafi, Wade et Bongo, ont pour conséquence de dresser contre lui des centaines de millions d’Africains. En prenant partie pour ces dirigeants prébendaires vissés au pouvoir et dévalués dans l’opinion, il s’est rapetissé.

Tout cela fait mal au cœur à tous ceux qui se sont mépris sur l’homme. La rupture a-t-elle fait long feu ? Il faut attendre de voir venir, opter de mettre sous le coup d’un faux pas, ces égarements en espérant qu’à l’occasion de sa seconde tournée en Afrique noire, prévue pour la rentrée, il rattrape le coup. Si alors cela ne se faisait pas, il aurait définitivement pris le parti de provoquer entre lui et l’Afrique utile, celle de la jeunesse et de l’avenir, une véritable rupture. »




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