« «Déstabilisation, néocolonialisme - Les jeunesses africaines chargent la France et l’ONU» | Page d'accueil | Apres les propositions du Chef d’Etat - La rébellion dans l’embarras »
mardi, 19 décembre 2006
Message à la Nation - Le discours intégral du Président Laurent Gbagbo
Discours du Président Laurent Gbagbo - mardi 19 décembre 2006 - Par Présidence
«Ivoiriennes,
Ivoiriens,
Mes chers compatriotes,
Chers amis de la Côte d’Ivoire
Le 2 novembre dernier j’ai dit qu’au-delà de toutes les résolutions adoptées sur la Côte d’Ivoire, c’est à nous, Ivoiriens, qu’il revenait de sortir notre pays de la crise...
Et j’avais promis de tracer avec vous un cadre de règlement de la crise ivoirienne.
Pendant deux semaines, du 07 au 21 novembre, vous m’avez fait des propositions. Je voudrais profiter de mon propos de ce jour pour remercier l’ensemble du corps diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire. Je remercie toutes les organisations de la société civile ivoirienne, les confessions religieuses, les chefs traditionnels, les dix neuf régions de notre pays et les communautés étrangères vivant en Côte d’ivoire, qui sont venus au Palais de la présidence de la République pour s’exprimer sur la crise et faire leurs propositions.
Le secrétariat chargé de faire le point de ces rencontres a enregistré 75 discours et 202 textes, sous forme de contributions collectives ou individuelles. Soit au total 277 documents recueillis, contenant 1 478 propositions. Ces propositions concernent le Désarmement, le Gouvernement, les relations extérieures de la Côte d’Ivoire, le processus électoral, l’appropriation du processus de paix par les Ivoiriens, la Réunification du pays, le redéploiement de l’administration et bien d’autres propositions se rapportant notamment à la reconstruction de la Côte d’Ivoire.
Je vous ai écoutés. Le plan que je propose aujourd’hui résulte de ces concertations. Mais il résulte aussi de mon expérience personnelle de ces quatre dernières années de crise. Vos préoccupations sont toutes légitimes. Je les partage entièrement. Les propositions qu’elles contiennent constitueront désormais l’horizon de nos réflexions et de notre action, y compris la nécessité de la formation d’un nouveau gouvernement, pour mener à bien les affaires de l’Etat.
Mais dans un Etat en crise, il n’est pas bon de faire tout en même temps. Nous allons faire aujourd’hui, ce qu’il faut faire maintenant pour avancer, pour la paix, pour la réunification du pays et pour les élections. C’est l’objet de mon message. J’invite chacun de nous, à prendre conscience de la situation de notre pays. J’invite chacun à l’ouverture d’esprit, à la tolérance envers les autres et à la détermination à obtenir la paix pour la Côte d’Ivoire.
Notre pays a été l’objet, depuis que dure cette crise, d’un grand nombre de réunions, sommets de Chefs d’Etat, communiqués, résolutions et accords. Tous ceux qui se sont ainsi penché sur le sort de la Côte d’Ivoire ont proposé des solutions et mis en place des organes pour appliquer ces solutions.
Aujourd’hui, 4 ans et 3 mois après le début de la guerre, aucune des solutions adoptées n’a pu ramener la paix. Ceux qui ont conçu ces solutions ont sûrement voulu bien faire. Ni leur engagement, ni leur compétence ne sont en cause. Ce qui est en cause, à mon avis, c’est le diagnostic. Maintenant, il nous faut aller, nous-mêmes au cœur de nos problèmes, pour trouver les remèdes adéquats.
Ivoiriennes, Ivoiriens,
Tous ceux qui nous ont aidés : Puissances étrangères, Etats amis, Organisations internationales, Personnalités de tout rang, ont fait ce qu’ils pouvaient pour nous sortir de la crise. Nous ne devons pas leur en vouloir de ne pas avoir réussi.
Mais, étant les principaux bénéficiaires de tous ces efforts de paix, nous, Ivoiriens, avons le devoir envers nous-mêmes de parvenir aux solutions définitives, en ayant posé le juste diagnostic de nos difficultés. Devant l’impasse des solutions extérieures, il est temps que les Ivoiriens s’approprient eux-mêmes complètement, le processus de paix.
C’est une vérité simple que chacun a le droit de rechercher pour lui-même son bonheur. Personne, surtout s’il ne propose mieux que nous, ne peut nous contester le droit de rechercher pour nous-mêmes ce qui est bien, c’est-à-dire la paix et la réunification de notre pays.
C’est pourquoi, au nom de l’Etat de Côte d’Ivoire, je propose aux Ivoiriens, mais aussi à la Communauté Internationale, une nouvelle approche.
Ma première proposition est l’instauration d’un dialogue direct avec la rébellion en vue du désarmement et de la réunification du pays.
Les rebelles ont déjà dit, à maintes reprises, pourquoi ils ont pris les armes. Après les différents accords, la Côte d’ivoire a satisfait à toutes leurs demandes. Mais ils n’ont toujours pas dit pourquoi ils n’ont pas encore déposé les armes. Pour nous, tous les accords et toutes les résolutions qui ont été adoptées ne visaient qu’une chose : le désarmement. Tout ce que ces accords et résolutions ont mis à la charge de l’Etat de Côte d’Ivoire pour obtenir le désarmement, nous l’avons fait.
J’entends, au cours de ce dialogue, demander directement à ceux qui ont pris les armes contre leur propre pays de les déposer et de libérer le pays. La nation leur tend une fois encore la main.
Je suis prêt, dès ce soir même, à discuter avec eux. Du reste, s’il ne tenait qu’à moi, ces discussions devraient avoir commencé depuis la semaine dernière. J’avais entamé les démarches en ce sens. Je souhaite que d’ici fin janvier 2007 au plus tard, les discussions soient achevées et qu’elles aboutissent au désarmement, pour que, enfin les élections prévues puissent se tenir.
C’est en vue de cet objectif que je fais d’autres propositions pour avancer.
Ma deuxième proposition c’est la suppression de la zone de confiance.
Au début du conflit en Côte d’Ivoire, il a été instauré, par les forces internationales, une ligne dite de non franchissement allant d’Est en Ouest. Elle était censée, à l’époque, constituer une zone tampon, empêchant les affrontements militaires. Cette ligne de non franchissement, baptisée zone de confiance, est devenue, à la pratique, une frontière intérieure consacrant la partition du pays en deux. Aujourd’hui elle n’a plus sa raison d’être. Les affrontements militaires ont cessé. De part et d’autre, la volonté d’une reprise des hostilités n’existe plus. Les Ivoiriens sont fatigués de la guerre. Ils veulent reprendre une vie normale, circuler librement sur toute l’étendue du territoire.
Il faut donc supprimer la zone de confiance parce qu’elle pose plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions. Elle constitue à l’évidence un obstacle physique à la réunification du pays, à la libre circulation des personnes et des biens et au retour des déplacés. Elle constitue également un obstacle à la reprise normale des activités économiques dans les zones actuellement sous contrôle de la rébellion, à la préparation des élections alors surtout que la possibilité de reprise des hostilités militaires est, je le répète, inexistante.
Les craintes ne sont donc plus justifiées et il faut simplement instaurer la confiance dans tout le pays.
Ma troisième proposition c’est la création d’un Service Civique National.
Je reste convaincu que la crise que nous vivons est aussi, et en grande partie, une crise de l’emploi et de la formation. Elle est également une crise de conscience. La jeunesse ivoirienne a besoin de reconquérir le sens du civisme, du respect de la République et des institutions qui l’incarnent. L’idée d’un service civique national vient donc combler les attentes de ceux de nos jeunes qui, faute de formation et d’emploi, faute d’une haute idée de la République, sont exposés à toutes les tentations, même les plus suicidaires.
Il s’agit de créer un organisme national pour recruter, former, employer ou faire employer toute cette jeunesse souvent désorientée et qui se croit, à tort, laissée pour compte. Personne ne sera exclu. L’opération prendra en compte tous les jeunes de Côte d’Ivoire. Elle concerne bien sûr ceux qui n’ont pas pris les armes mais aussi ceux qui sont actuellement dans la rébellion. Les jeunes filles comme les jeunes gens de toutes les régions sont concernés.
Le Service civique national, dont la mise en œuvre dépend du seul Etat ivoirien peut démarrer immédiatement. Parce que cela dépend uniquement du Président de la République et du gouvernement, nous allons commencer dès à présent là où c’est possible et continuer partout où les conditions seront réunies jusqu’à couvrir tout le territoire national.
J’entends installer un camp de service civique dans chaque région. Les moyens pour y parvenir sont déjà disponibles. Dès la fin du mois de février 2007, nous serons en mesure d’encadrer 40 000 jeunes. Chaque jeune engagé recevra une formation. Il percevra un pécule mensuel, en même temps que son séjour sera pris en charge par l’Etat. Au terme de son service civique, qui va durer 18 mois, il pourra trouver un emploi dans le public, dans le privé ou créer sa propre entreprise. C’est une voie d’insertion des jeunes dans le tissu social. C’est une voie de développement. C’est une voie de la paix.
J’invite donc tous les jeunes ivoiriens qui se sentent concernés à s’inscrire dans les bureaux qui seront ouverts à cet effet.
Ma quatrième proposition est une amnistie générale.
L’amnistie c’est le pardon que, pour retrouver une société plus soudée et plus solidaire, nous sommes obligés de nous accorder. La loi d’amnistie votée en 2003 est aujourd’hui caduque. Il faut une nouvelle loi d’amnistie qui concernera toutes les personnes impliquées. Je vais donc soumettre à l’Assemblée Nationale dans les jours à venir, un projet de loi d’amnistie. Cette loi, comme la précédente, ne couvrira pas les crimes contre l’humanité et les crimes économiques. Nous voulons la paix mais nous ne voulons pas donner une prime à l’impunité. C’est à cette condition que nous pourrons demeurer une nation moderne.
Ma cinquième proposition est la mise en place d’un programme d’aide au retour des déplacés de guerre.
Durant la guerre, de nombreuses familles ont dû tout abandonner pour se retrouver, parfois dépourvues de tout, loin de chez elles. Depuis quatre ans, aucun plan de sortie de crise ne s’est attaqué véritablement à cette question qui ronge notre société. Je propose ce programme comme un préalable au pardon auquel j’invite chacun de nous. C’est un devoir de solidarité que nous avons vis-à-vis de nos compatriotes qui vivent une situation que nul n’a voulu.
Ivoiriennes, Ivoiriens,
Mes chers compatriotes,
Telles sont mes propositions pour sortir notre pays de la crise. Il n’y a pas un ordre dans leur mise en œuvre. Pour chaque point, nous agirons dès que les conditions seront réunies.
L’objectif de l’ensemble de ces propositions, c’est la sortie de la crise par les élections. Je souhaite vivement que les élections aient lieu le plus rapidement possible. Et ce n’est pas un vœu purement personnel :
- D’abord c’est une nécessité pour la modernisation de la vie politique de notre pays. La Côte d’Ivoire ambitionne d’être un Etat moderne .Et dans les Etat modernes, les élections constituent le moyen de régulation des pouvoirs publics. Il n’y a que les élections pour décider de la conquête et de l’exercice du pouvoir d’Etat. Tous autres moyens non démocratiques, comme le recours à la violence sont proscrits.
- Ensuite, c’est une nécessité pour notre économie. La situation de crise que nous vivons aujourd’hui effraie les investisseurs. Tous les investisseurs qui frappent aujourd’hui à nos portes n’attendent que les élections pour s’engager à nos côtés dans le développement de notre pays. Nous devons donc absolument organiser ces élections et les réussir pour donner confiance aux opérateurs économiques d’ici et d’ailleurs.
- C’est également une nécessité pour la stabilité de notre pays et de la sous région. Au niveau intérieur, la crise a entraîné l’impossibilité de libre circulation des personnes et des biens, et une instabilité généralisée de tout le corps social. Il va sans dire que la persistance de cette crise risque de produire des catastrophes sociales plus graves. C’est pourquoi il convient d’y mettre rapidement fin par des élections justes et transparentes.
- Enfin, c’est une nécessité constitutionnelle. Dès lors que les délais constitutionnels pour les élections sont passés, les institutions de la République ne fonctionnent plus qu’en vue des élections. Dans notre système constitutionnel, lorsqu’il est impossible d’organiser les élections à la fin du mandat du Président de la République, les articles 38 et 39 de ladite constitution permettent la continuation du mandat du Président de la République. Afin d’assurer la continuité de l’Etat, le Conseil constitutionnel a déjà étendu ce principe aux autres institutions de l’Etat. Mais, comme le prévoit également la constitution, toutes les institutions ne fonctionnent plus qu’en vue des élections. Nous avons besoin, pour mettre fin à cette situation exceptionnelle, d’organiser les élections.
Nous pouvons organiser l’élection présidentielle dès le mois de juillet 2007.
Je le dis et je le répète, je suis un enfant des élections. Je n’ai pas reçu le pouvoir en héritage. Je récuse tout recours à la force et à la violence pour conquérir le pouvoir politique. J’invite toute la classe politique à abandonner la voie des coups d’Etat et à s’engager sur la voie des élections ; la voie de la démocratie.
La paix est à notre portée. Saisissons-là.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !»
23:12 Publié dans Articles de presse | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Un p'tit truc sur la bit de Sevran. Tu vas adorer mes chéris: http://www.blogg.org/blog-50803-billet-500907.html
Écrit par : Andy Verol | mardi, 19 décembre 2006
Les commentaires sont fermés.