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lundi, 27 novembre 2006

«L’étoile de Kigali»



Le Matin d’Abidjan
— lundi 27 novembre 2006 — http://www.lematindabidjan.com/visual_editorial.php?num_editorial=331

par Yves De Séry :

«
Depuis le week-end dernier, les relations franco-rwandaises ont viré au vinaigre. Elles n'étaient d'ailleurs déjà pas bonnes depuis l'accession au pouvoir de Paul Kagamé, mais elles avaient quand même le mérite d'exister. A Paris, on espérait qu'à la longue, ce service minimum entre les deux pays se transformerait en une activité normale, le temps certainement que le premier citoyen de Kigali se montre davantage souple avec les autorités de France. Un objectif auquel travaillait l'ambassadeur de France au Rwanda. Et comme les résultats escomptés tardaient à se faire sentir,-Kagamé étant toujours d'une rare inflexibilité-, la France a alors décidé de sortir son joker, en la personne du juge d'instruction Jean-Louis Bruguière, chargé de déclencher une procédure devant conduire à terme le premier citoyen rwandais devant le Tribunal pénal international (Tpi). Une manœuvre à laquelle Kagamé n'a pas voulu se prêter, ce d'autant plus qu'il est conscient que celle-ci vise en réalité à neutraliser “un empêcheur de tourner en rond” au Congo- Kinshasa voisin, où un jeune loup de l'écurie parisienne vient d'accéder au pouvoir. Et comme le président rwandais n'est pas homme à se laisser distraire, ou encore à s'accommoder de la fourberie française, il a franchi le pas. Rappel de son ambassadeur à Paris, suivi le même jour de la rupture des relations diplomatiques avec la France. Un coup d'éclat à la vitesse de l'éclair qui a surpris plus d'un, à commencer par les autorités françaises qui n'avaient certainement pas pensé à une telle réaction de la part d'un pays africain. Car jusque là, rarement une crise diplomatique entre Paris et un pays du continent noir n'avait encore atteint pareil pic. Déroutés, les Français ont d'abord tenté de calmer les choses en indexant une initiative privée du juge Bruguière " qui n'engage pas la France ", avant de se résoudre finalement à fermer, sous la pression rwandaise, leur administration de Kigali. Depuis samedi dernier, c'est chose faite avec le départ inattendu de l'ambassadeur Dominique Decherf, poussé à la porte par la politique hasardeuse de ses grands patrons. En même temps que lui, toutes les institutions françaises au Rwanda, y compris l'école internationale française Saint-Exupéry et le centre culturel ont baissé pavillon. Conséquence immédiate de cet état des choses, il faut redéployer ailleurs tout le personnel chargé de l'animation de ces institutions et recaser dans les meilleurs délais les élèves de " Saint-Exupéry ". Une situation bien complexe pour Paris qui devra accueillir les nouveaux venus alors que depuis deux ans, elle peine à assurer l'intégration des rapatriés de Côte d'Ivoire. Mais là n'est franchement pas notre problème. Car Chirac et les siens ont bien cherché cette baffe rwandaise, du reste bien ajustée. D'ailleurs, que croyaient-ils ? Qu'ils pouvaient continuer de noircir un pouvoir tout en maintenant des relations hypocrites avec celui-ci, comme c'est le cas en Côte d'Ivoire et dans bien d'autres pays africains ? Qu'ils s'adonneraient à leur perfidie habituelle sans courir le risque de se faire démasquer un jour ? Qu'est ce qu'il faut encore à la France pour qu'elle comprenne que les temps ont changé et qu'elle n'est plus le méchant tigre qui, autrefois, imposait crainte et respect ? Et pourtant, les signes ne cessent de se multiplier : novembre 2004 en Côte d'Ivoire, vote de la résolution 1721 au Conseil de sécurité de l'ONU et aujourd'hui expulsion de son ambassadeur à Kigali. Des signes fort parlants tout comme la progression des rebelles vers N'djamena, malgré la présence de l'armée française dans ce pays. Même décor en République centrafricaine, où malgré le soutien de Paris, le pouvoir de Bozizé est à la portée de la rébellion. Le message de Kagamé à l'Afrique et au monde entier est clair : " On peut être un petit pays et rompre les liens avec une puissance mondiale sans que le ciel ne nous tombe sur la tête ". Un acte historique qui, depuis le week-end dernier, fait chavirer de bonheur les partisans de l'Afrique digne. Qui voudraient voir ce genre d'initiatives se multiplier sur le continent. A commencer par la Côte d'Ivoire où un autre fils du continent est en lutte contre la mafia de la françafrique. C'est vrai que contrairement à Kagamé, Laurent Gbagbo n'a plus en mains tous les leviers de son pouvoir, piégé qu'il a été par Paris. Et que de ce fait, on ne peut raisonnablement lui demander de faire comme les autorités rwandaises. Mais il peut, à tout le moins, marquer son territoire en refusant de marcher dans le moule français. Cela passe nécessairement par des décisions fortes devant relancer le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire. Peu importe qu'elles aient la bénédiction de Paris ou non. La France ne pourra rien faire en dehors des habituelles condamnations de principe. La diplomatie, " c'est comme ça, y a rien, ça'a aller ", comme dirait " Garba 50 ", le groupe de rap qui fait actuellement fureur à Abidjan. A l'instar des tirailleurs sénégalais qui, à la guerre, ont découvert la vulnérabilité de l'homme blanc, l'Afrique entière réalise aujourd'hui, avec Kagamé, " l'étoile de Kigali ", qu'un petit Etat souverain peut traiter d'égal à égal avec une grande puissance et même se faire respecter d'elle. Tranquillement. Que les temps ont changé ! Assurément, il n'y avait pas meilleur hommage aux combattants de la liberté que sont les Um Nyobé, N'krumah, Lumumba, Sankara, Dignan Bailly et autres Kragbé Gnagbé, tous emportés par le système pour leurs idées. Et si le " Non " retentissant de Kigali sonnait le réveil de l'Afrique tant attendu ?
Wait and see !»




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