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mercredi, 18 octobre 2006
Après la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'UA
«64E REUNION DU CONSEIL DE PAIX ET DE SECURITE DE L'UA, HIER Le coup d’Etat de Sassou Nguesso!»
Le Matin d’Abidjan — Mercredi 18 Octobre 2006 — http://www.lematindabidjan.com/visual_article.php?num_act... :
par William-Varlet ASIA, envoyé spécial à Addis Abeba (Ethiopie) :
«La 64è réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA, convoquée par le Président Gbagbo pour statuer sur la crise qui secoue la Côte d'Ivoire a eu lieu hier mardi à Addis Abeba. Le moins qu'on puisse en dire est que la Côte d'Ivoire n'est pas encore sortie de l'auberge, si l'on s'en tient aux actes honteux dont l'UA a fait preuve en dessaisissant le médiateur et en tentant de donner les pouvoirs de Gbagbo à Banny. Ce, au sortir de 10 heures de travaux.
Pour véritablement planter le décor de cette réunion, les audiences et autres lobbyings qui avaient pris le dessus la veille, ont refait surface ce mardi matin. Ainsi, le Président Gbagbo a-t-il pu recevoir en audience, tour à tour, et dès 10h30 GMT, le ministre angolais des Affaires étrangères et 15mn plus tard, son homologue du Rwanda. Toute chose qui laissait croire que les chefs d'Etat des pays cités se sont fait remplacer. D'ailleurs, le ministre d'Etat Paul Antoine Bohoun Bouabré le confirmera plus tard. Lui qui revenait la veille d'une tournée de lobbying du Rwanda et du Burundi où il a eu des entretiens fructueux avec les présidents Paul Kagamé et Bingo Wa Mutawarika, dans la perspective même de ce sommet du CPS. De ce qui précède, il est sûr que M. Bohoun y est allé demander un soutien ferme de ces deux pays membres du CPS. Pendant que le Président Gbagbo recevait l'hôte rwandais, le président et médiateur Thabo Mbeki, arrivé très tard la veille, sollicitait une audience. Vers 11h47 mns GMT, l'homme fort de Pretoria pointait au Hilton Addis avec ses plus proches collaborateurs. On note parmi eux, la présence de M. Patrick Lekota, ministre de la Défense, président de l'ANC et incontournable à Pretoria sur le dossier de la crise ivoirienne. C'est en ce moment qu'un élément de la sécurité du président Mbeki fait la révélation suivante: "le nom du ministre Lekota ne figurait pas sur la liste officielle de ceux devant accompagner Le Chief Mbeki. Même après enregistrement et jusqu'à lundi, il était appelé à d'autres obligations. Mais, l'importance du sujet a contraint le président à le rappeler”. Conséquence, ce changement de dernière minute est à la base de l'arrivée tardive du Président Mbeki à Addis. N'empêche. C'est à 11 h45 que le médiateur, logé au Sheraton Addis Abeba, prend pied au Hilton Hôtel. Après un long tête-à-tête avec Blaise Compaoré, il rejoint par l'escalier, et non l'ascenseur, la suite du Président Gbagbo. S'ensuit alors un autre tête-à-tête de 15mn, à l'issue duquel Mbeki, Lekota, Gwadiso et Sokupa regagnent leurs bases. Vers 12 heures locales, les chefs d'Etat, de même que les chefs de gouvernement et toutes les personnes et institutions impliquées dans le règlement de la crise ivoirienne arrivent les uns après les autres au siège de l'UA. Le président de la commission, le Malien Alpha Omar Konaré, ouvre le bal, suivi de Blaise Compaoré, de Bongo arrivé très tard ce mardi matin, de Sassou, de Banny et enfin du Président Gbagbo, souriant et plus serein que jamais. Dans la salle des plénières du centre de conférence de l'UA, Wade, Mbeki, le président malawite et bien d'autres chefs d'Etat et de gouvernement sont déjà sur place. 6 chefs d'Etat sur 15 sont là. Compaoré, Sassou, Bongo, Bingo Wa Mutarika, Wade, Mbeki et le premier ministre Meless Zenawi. Les autres, à savoir Obasanjo, Dos Santos, Kagamé, Moubarak, Bouteflika, Biya Kufuor (pour ne citer qu'eux) se sont excusés et se sont fait représenter par de très proches collaborateurs.
Aperçu de l'exposé de Gbagbo
Une fois les obligations relatives à l'accueil et au protocole terminées, les travaux ont été ouverts par une séance à huis clos, réservée uniquement aux membres du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'UA, dont la teneur a failli être trahie par un direct qui a duré 3mn. Heureusement, les services de l'UA s'en sont rendus compte et ont donc interrompu le passage télé qui faisait le direct du discours d'ouverture du président Sassou NGuesso. Après quoi, plus rien à se mettre sous la dent, excepté les bruits de couloirs généralement infondés. C'est finalement à 15h50 GMT que l'on aperçoit le Président Gbagbo. Ce dernier, de même que quelques collaborateurs s'engouffrent dans les différents véhicules de commandement. Destination : l'hôtel Hilton : "le chef a fini son exposé. Etant donné que la Côte d'Ivoire n'est pas membre du Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA, il prend donc congé de ses pairs qui vont procéder à la délibération", nous informe un diplomate ivoirien ayant pris part au huis cos. C'est alors que nous poussons un peu plus loin la curiosité. "Dans l'ensemble, le Président Gbagbo s'est très bien défendu. C'est un exposé encore plus fouillé que celui produit le 6 octobre dernier à Abuja devant les pays de la CEDEAO, qu'il a fait. Son volumineux rapport a passé au peigne fin tous les acquis, tous ses sacrifices à la demande du médiateur Mbeki qu'il a salué au passage. Le président a aussi identifié les blocages et ceux qui en sont responsables. Il a aussi fait part de sa volonté d'en finir avec cette crise qui n'a que trop duré, en demandant à l'UA de prendre des mesures courageuses pour aider la Côte d'Ivoire ou à tout le moins, de lui donner les moyens de former un gouvernement propre à lui, afin de relever le chalenge de la réunification. Au passage, le président a averti contre la volonté chez certaines personnes de biaiser dans les prises de décisions. Il a, pour finir, dit, dans la droite ligne de son exposé, que le débat sur le maintien ou non de la Constitution ivoirienne ne devrait même pas avoir lieu. La Constitution ivoirienne ne se négocie pas, a-t-il dit. De la même façon, il a trouvé ridicule l'arrangement qui voudrait que ses pouvoirs reviennent au Premier ministre Banny. Dans l'ensemble, ce fut un autre grand discours de rupture", relève notre interlocuteur. Qui ajoute en sus que l'exposé du Président Gbagbo était si dense et complet, avec des éléments nouveaux qui ont surpris plus d'un, que l'ensemble des pays anglophones et surtout ceux d'Afrique Australe, un peu loin du conflit ivoirien, ont sollicité une rallonge de sa séance d'exposé afin, disent-ils, de se faire une vraie idée de ce conflit plutôt que de se contenter de coupures de presse et de rapports de canaux d'informations occidentaux. C'est volontiers qu'il s'est prêté à cet exercice qui a satisfait les uns et les autres." En quittant le centre de conférence de l'UA, le Président Gbagbo a laissé en base arrière, quelques lieutenants dont Désiré Tagro, son porte-parole, Mme Sarata Touré et d'autres collaborateurs, chargés d'apprécier éventuellement le communiqué final et de lui faire cas, le plus rapidement, des zones d'ombres qu'il pourrait y avoir. Cependant, concède encore notre interlocuteur, la partie fut très serrée: "Selon l'ordre du jour, Ibn Chambas, secrétaire général de la CEDEAO, Pierre Schori, représentant spécial de Annan en Côte d'Ivoire, Gérard Stoudman, haut représentant chargé des élections, M. Banny et enfin le Président Gbagbo devaient faire chacun son exposé. Les trois premiers se sont acquittés de leur devoir avec la partialité qu'on leur connaît. En dernier ressort, au lieu d'inviter Banny à exposer, le Président Sassou fait plutôt appel au président Gbagbo au crachoir. Fin de non-recevoir. Le chef de l'Etat ivoirien estime que la civilité protocolaire devrait plutôt faire du Premier ministre le premier exposant. Réaction d'approbation dans la salle. Banny expose donc, tant bien que mal, en demandant un renforcement de pouvoirs pour mener à bien sa mission, avant de céder la place au Président Gbagbo pourl'exposé dont je vous ai donné les grandes lignes..."
Thabo Mbeki se retire
Le discours a donc fait son effet selon notre source. Plus tard, on apprendra officiellement que le président Gbagbo a fait 5 requêtes fondamentales dans son adresse. Il a appelé tour à tour à condamner la rébellion, à exiger son désarmement, à la suppression de la zone de confiance, à l'application pure et simple de la Constitution et des lois de Côte d'Ivoire et enfin au maintien à son poste du médiateur Thabo Mbeki. Le président Gbagbo a en outre demandé à former un gouvernement propre à lui avec un Premier ministre de son choix. Après cette séance d'information, s'en sont suivis les débats sous forme de questions-réponses, sanctionnés peu après par une pause. Plus tard les seuls présidents des pays membres du CPS ont été appelés pour la séance de délibérations. Le président Wade qui n'y trouvait certainement pas son compte a quitté la salle vers 7 heures locales. Destination, la Mecque, nous dit-on. Les délibérations ont duré jusqu'à 18h50, heures locales quand la salle des plénières a été ouverte au public. Là, le responsable communication de l'UA fait savoir que "le projet de communiqué final va être soumis à un comité restreint comprenant 4 pays. Ce sont, l'Afrique du Sud, en tant que membre permanent du CPS et assurant la médiation, le Congo pour le statut du président Sassou, un pays de la CEDEAO et un dernier pays, certainement de l'Afrique du Nord. Le travail consistera pour ce groupe-là, à apporter toutes les corrections possibles avant adoption en tant que communiqué final". On retient cependant et selon les premiers bruits qui ont couru que le médiateur Thabo Mbeki s'étant senti inutilement vilipendé par les uns et les autres, a décidé sagement de se dessaisir du dossier ivoirien. L'Ua arguera de ce que Mbeki a agi ainsi parce que son pays vient de se voir nommé depuis avant-hier membre du conseil de sécurité de l'ONU. Ce qui est faux. Tout compte fait, le communiqué final fait cas du maintien en l'état de la Constitution, du renforcement des pouvoirs de l'ONUCI et du GTI pour conduire le processus de sortie de crise, de pouvoirs renforcés pour Banny, qui a maintenant autorité et pouvoirs dits renforcés sur l'Armée dite "intégrée" suivis de possibilité de nommer dans la haute administration civile et militaire. Et la possibilité d'opérer par ordonnances et décrets en Conseil des ministres. Mais on retiendra que l'UA a mis 2 heures pour pondre un communiqué qu'il avait du mal à rendre public. Simplement parce qu'à chaque fois et par un simple jeu de combines, il fallait barrer tel paragraphe ou ajouter un terme comme "intégré" pour la soi-disant nouvelle armée. En outre, si la version anglaise du communiqué final ne dit rien en son point 13 sur le cas Mbeki, la troisième mouture de la version française fait cas de son dessaisissement du dossier ivoirien. Comment dans un tel contexte peut-on faire confiance aux Africains eux-mêmes dans la résolution des crises qui les frappent? Un ministre burkinabé, membre de la délégation du président Compaoré, pouvait même s'en délecter, puisqu'il annonçait à un confrère de l'opposition, que "Tout ce que Gbagbo a demandé, on ne lui a pas donné". Après plusieurs heures de tergiversations, c'est finalement Sassou Nguesso, lui-même, qui est venu faire sa conférence de presse. Il dira en substance que la période de transition remise en selle ne devra pas excéder 12 mois et de finir par un "Nous pensons que tout sera mis en œuvre pour qu'il nous soit possible d'organiser les élections en Côte d'Ivoire...nous devons prendre le contre-pied des blocages...il est bien entendu que nous n'irons pas de report en report" Et vlan ! Aux yeux de la Côte d'Ivoire républicaine. Rodolphe Adada qui suivait de près son maître, peut enfin tomber dans les bras de Pierre Schori, en criant, "We did it !", "Nous avons réussi'', notre mission, semblait -il dire. A Gbagbo de jouer maintenant sa partition. Le voici reine d'Angleterre s'il le veut bien. La vraie lutte ne fait que commencer.
Comment la CEDEAO sacrifie Mbeki et la paix
La CEDEAO a montré hier qu'elle n'est pas favorable à la paix en Côte d'Ivoire. Le 06 octobre dernier, elle a produit un premier communiqué officiel publié partout dans la presse avant de se rebiffer pour en envoyer un autre, faisant office de recommandations à l'UA, mais jamais publié. C'est à ce même jeu qu'elle s'est adonnée hier à Addis Abeba. Revenons cependant sur le point focal de ce communiqué secondaire d'Abuja, jamais formalisé et transmis à l'UA par des canaux non moins officiels. L'un des paragraphes de ce prétendu communiqué écrit au noir, décide de mettre en chantier les volontés de la Françafrique, sans tenir compte des recommandations, ni des obligations du dernier sommet de Yamoussoukro avec Annan, ni même de la qualité de la médiation Mbeki encore moins des sacrifices consentis par le Président Gbagbo. Ce paragraphe dont nous avons pu obtenir copie dit ceci: "Les chefs d'Etat et de gouvernement ont exprimé le besoin d'éviter les médiations multiples et parallèles dans le cadre du règlement de la crise en Côte d'Ivoire et ont convenu que le président de l'Union africaine et son homologue de la CEDEAO devraient conduire les efforts de médiation, pendant que le GTI entreprendrait une espèce de suivi et de médiation journalière du processus tout en servant de conduit pour toute contribution extérieure devant s'insérer dans ce nouveau processus de médiation. Dès lors, on comprend aisément pourquoi à sa sortie de l'Elysée le week-end dernier, le président Sassou Nguesso faisait allusion à "des décisions d'envergure" qui devraient être prises dans la capitale éthiopienne, pour régler la crise ivoirienne. A la vérité, pour un Sassou Nguesso conditionné par Chirac, ces décisions ne devraient valoir que parce qu'elles doivent écarter le médiateur Mbeki dans le règlement de la crise ivoirienne, C'était donc cela le sens de l'allégeance à Chirac. Le sens du grand boucan de Sassou sur le perron de l'Elysée. Mais surtout la manifestation du forcing de la CEDEAO qui est passé outre les obligations démocratiques et républicaines pour faire adopter enfin son noir schéma.
Pourquoi Mbeki a décidé de se retirer
Ce n'est pas tant parce que sa démarche est imparable, qu'elle gêne énormément Paris. Ce n'est pas tant parce qu'il est intraitable que le président Mbeki s'attire les foudres de la CEDEAO par Chirac interposé. Depuis avant-hier, le sommet d'Addis a permis une autre révélation. L'Afrique du Sud vient de décrocher au Conseil de Sécurité de l'Onu un poste dévolu à l'Afrique. L'information qui court encore les couloirs feutrés du siège de l'Onu devra être officialisée dans 2 mois. Mais déjà, elle n'est pas du goût de Chirac qui estime sa chère Françafrique doublée au profit du nouvel ogre sud-africain. Il faut donc empêcher Mbeki de gagner sur cet autre terrain. Certains grands pays d'Afrique sont donc invités à comploter contre Mbeki. La sanction et l'humiliation suprême, le faire donc partir de la tête de la médiation dans la crise ivoirienne. Pendant longtemps, Sassou et ses sbires ont manqué de courage pour le dire haut et fort. Hier, avec la complicité de la CEDEAO, la Françafrique a atteint son but. Mais pour combien de temps quand l'on sait qu'assis au Conseil de Sécurité de l'ONU, Mbeki sera encore plus fort, en ce sens que l'Afrique du Sud aura toute latitude de bloquer les résolutions farfelues de la France dans le cadre du règlement de la même crise ivoirienne. Chirac est-il vraiment sorti de l'auberge? Que non, car il n'a fait que déplacer, sans résoudre, le problème ivoirien. De l'avis des observateurs, "il est plus intéressant que Mbeki soit sorti des griffes de la CEDEAO. Dans sa position actuelle, il sera plus redoutable que jamais. En fait, ce sommet n'a fait que complexifier la crise ivoirienne". Et les pays de l'Afrique digne qui ont bien vite compris le sens de la volonté de la CEDEAO ont donc refusé de cautionner la mascarade, en boycottant cette réunion. C'est le président malawite qui a d' ailleurs bien posé le problème, lors de son intervention: "Je ne comprends pas comment est-ce qu'on peut donner les pouvoirs du président à un Premier ministre. Nous-mêmes assis ici ne l'accepterons jamais, c'est pourquoi, je voudrais qu'il ne soit pas donné de suite à cette requête. Même Bongo l'a approuvé. Tard dans la nuit pourtant, Sassou Nguesso et ses sbires donnaient mandat à Banny pour prendre la République. Ainsi va l'Afrique.»
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