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mercredi, 04 octobre 2006

Une interview de Mamadou Koulibaly, Président de l’Assemblée nationale ivoirienne (1)



L’Observateur (journal sénégalais) Vendredi 29 Sep 2006 — http://www.lobservateur.sn/articles/showit.php?id=9743&am...



Interview p


Mamadou Koulibaly Président de l’Assemblée nationale de Côte d’ivoire, No 2 du régime : «LE TEMPS DES NÉGOCIATIONS EST TERMINÉ »

Dans les milieux diplomatiques français ou proches des rebelles ou de l’opposition en Côte d’Ivoire, certains l’appellent « le Dioula de service » pour son intransigeance sur la question de l’indépendance et de la souveraineté nationale, son militantisme obstiné pour la réunification du pays et le retour à la paix, sa proximité, sa fidélité, sa loyauté au Bété au pouvoir , Laurent Gbagbo. Lui, le ressortissant du nord de ce vaste pays forestier composé de près de 75 ethnies. Un pays cassé depuis quatre ans en deux entités géographiques et politico-militaires. Entretien tous azimuts avec Mamadou Koulibaly, ce professeur d’économie à l’Université Cocody d’Abidjan. l’idéologue, le conseiller spécial du Président Laurent GBAGBO.

*

M. Coulibaly, un dioula dans l’entourage de Laurent Gbagbo, ce n’est pas étonnant, ça ?

Non, pas du tout ! parce que Laurent Gbagbo est le fondateur du Front populaire ivoirien, c’est un front qui s’est créé contre le parti unique, contre le manque de démocratie. C’est un front qui regroupe tous ceux qui sont pour la liberté, tous ceux qui sont pour le monopartisme, tous ceux qui sont contre le manque de démocratie et qui se battent ensemble. Donc, il n’y a pas de distinction, de différenciation ethnique ni religieuse.

L’opinion en général pense qu’il y a une chasse aux sorcières des ethnies du Nord par celles du Sud.

C’est de la propagande française utilisée par Alasane Ouattara et Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire. Comme à l’époque, on a utilisé cette propagande pour distinguer les Mandingues de Sierra Leone ou du Libéria pour justifier la guerre qui a eu lieu au Libéria. En réalité, il y a plus de 75 ethnies en côte d’Ivoire et les ethnies sont très mélangées. Les populations du nord sont les plus dispersées sur l’ensemble du territoire ivoirien. Les musulmans, on les trouve dans tous les groupes ethniques, de même que les Chrétiens. Les Dioulas, on les trouve dans tous les partis politiques, comme les non Dioulas. Mais idéologiquement, il est plus facile pour la conquête française de faire des distinctions fondées sur les ethnies pour justifier une rébellion et asseoir la chienlit en Côte d’ivoire, ni paix ni guerre jusque pour que les intérêts français soient défendus.

Vous démentez là formellement ces thèses avancées par Alasane Ouattara et la France, comme le pensent les militants du FPI ?

C’était juste pour les besoins de la cause. Ouattara, lui-même, il faut le savoir, n’est pas un musulman.

Ah bon !

Non, non! Il porte un nom musulman. Il s’est marié aux Etats-Unis comme protestant baptiste ou évangéliste, quelque chose de ce genre là. Mais pour les besoins de la propagande en Côte d’Ivoire, on l’a fait passer pour un musulman. Soro Guillaume qui est le patron du Mpci est un chrétien, Dacoury Tabley qui est l’adjoint de Soro Guillaume est un Bété du même village que Gbagbo Laurent. Henriette Diabaté, Sg du RDR Alassane Ouattara est une Chrétienne du Sud de Jacquesville. Alors, c’est totalement fallacieux. Bon idéologiquement c’était plus correct de dire qu’il y a avait le Nord musulman qui était brimé par le sud chrétien alors que les bourreaux se trouvent dans le Sud comme dans le Nord de même que les victimes.

Lors de votre meeting à Yopougon, vous avez beaucoup utilisé les mots comme liberté, indépendance vis-à-vis de la France.

Oui, parce que la France nous a fait une entourloupe à l’ensemble de tous les Etats francophones d’Afrique au moment de l’indépendance. Elle a fait signer à la veille de l’indépendance des accords de transfert de compétences qui permettaient simplement au chef de l’Etat de transférer certaines compétences constitutionnelles de 1958 autour de la Communauté française dans les pays africains. Et ce transfert là profitait aux dirigeants africains choisis par la France pour ces pays africains. Et ces documents disent que ces chefs d’Etats africains sont désignés par De Gaulle, par l’Elysée, que pour le travail qu’on leur affecterait en tant que délégués du pouvoir français en Afrique. Et puis juste après l’Indépendance, on a fait signer à tous ces pays africains des accords de coopération qui stipulent pour l’essentiel que le commerce entre les pays africains devrait se faire exclusivement ou en priorité avec la France. Et que toutes les matières premières découvertes ou à découvrir dans ces pays africains devraient automatiquement être la propriété de la France. Pour défendre ce type d’intérêt, la France n’hésite pas à créer des maquis, des rebellions, à faire des coups d’Etat, à renverser des régimes. Pour lutter contre ce type de comportement français, il faut demander l’Indépendance de nos Etats vis-à-vis de Paris, du pacte colonial qui est signé à l’époque, il faut demander la dignité des Africains parce que la période où nous devrions travailler pour la France où nous devrions nous armer pour aller défendre la France, payer des impôts à la France devrait normalement être terminée. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui surtout avec le système de la Banque centrale, nous déposons une bonne partie de nos avoirs extérieurs nets au trésor français. C’est tout à fait scandaleux. Et c’est ce que nous dénonçons depuis avant même notre arrivée en Côte d’Ivoire.

Vous avez aussi accusé la France de piller la Côte d’Ivoire avec la complicité des personnes qui sont autour du pouvoir en place comme Charles Konan Banny.

Banny est quand même le gouverneur de la Banque centrale et il est intéressant de lui poser la question de savoir comment les casses des banques centrales ont-ils bien avoir lieu dans des zones qui étaient sous contrôle de Licorne, la force d’occupation française en Côte d’Ivoire. Comment se fait-il que la France réassure tous ces prédateurs de la production du cacao des zones occupées de Côte d’Ivoire et réexportée au port de Lomé au vu et au su de l’ONU. Pourquoi Banny, Premier ministre n’utilise pas les pouvoirs qu’il a pour arrêter ce processus. Pourquoi, il se tait sur tout cela ? j’ai comme l’impression qu’il est fortement complice aussi bien dans le blanchiment de l’argent volé que dans les casses des banques centrales que dans son silence concernant le détournement des fonds du café, du Cacao ivoiriens par les rebelles et les Français sur Bobo Dioulasso, Lomé, koudougou...Ce qui est inacceptable.

Les principaux acteurs de la crise ivoirienne se sont réunis à New York autour de Koffi Annan, excepté Gbagbo. La rencontre a tourné court, qu’est-ce qui n’a pas marché, selon vous ?

Il y a une ambiance malsaine au sein des nations unies qui consiste pour Koffi Annan et pour Jacques Chirac de considérer que les Etats africains indépendants des années 60 d’expression française sont encore des territoires non autonomes. A ce titre là, il revient à la France ancienne puissance tutélaire d’exercer le droit international de ces pays-là, de rédiger, d’intervenir et d’exercer le droit international, de parler, de plaider, de se présenter comme le vrai propriétaire de ces pays-là. Pour la France, il ne s’agit que de lopins de terres reçus en héritage de leurs arrières arrières grands-parents. Ce qui fait que toute la crise ivoirienne n’est, en réalité, qu’un tissu de mensonges montés par Paris pour reprendre en main le contrôle de l’économie ivoirienne. Et c’est choquant que Chirac puisse convoquer tous les protagonistes de la crise ivoirienne à New York et que Koffi Annan puisse donner son accord, juste pour aller suspendre la Constitution ivoirienne et réagir comme si le peuple de Côte d’Ivoire n’existait pas, comme s’il n’y avait que du bétail en Côte d’Ivoire, propriété privée de Jacques Chirac. Ce que Laurent Gbagbo a contesté. Nous nous considérons comme un peuple, une Nation avec une Constitution et nous pensons bien exercer notre souveraineté dans le cadre de la charte des Nations Unies.

Mais si le Président Gbagbo dit : je peux discuter mais je ne négocie rien du tout. Est ce que vous pensez qu’il est possible de trouver une solution définitive à la crise en Côte d’Ivoire ?

Oui, oui, je pense. Le temps de la négociation est terminé. Parce qu’il y a eu un médiateur nommé par l’Ua qui a diagnostiqué la crise, qui a fait des propositions au comité de paix et de sécurité de l’Ua qui l’a transmis au conseil de sécurité des Nations unies sur la base desquelles on a rédigé une résolution qui demandait au Président Gbagbo de remplir un certain nombre de tâches de même que les rebelles. Thabo Mbeki a convaincu le Président Gbagbo de remplir sa part de charges. Ce qui a été fait grâce à quoi d’ailleurs aujourd’hui Ouattara peut se présenter à la présidentielle. Les opposants et les rebelles ont eu des ministres dans le gouvernement. Grâce à quoi Banny est là pour que, dans un an, les élections puissent se faire. Tout a été négocié, il ne suffisait que d’appliquer les résolutions. Mais lorsque Gbagbo finit d’appliquer sa part validée par le médiateur, par l’Union africaine, par l’Onu. Et que le médiateur se tourne vers les rebelles et les opposants pour leur signifier que c’était maintenant leur tour, les opposants ont hurlé en disant qu’ils ne veulent plus voir ce médiateur,qu’il était partial etc et qu’il devait être remplacé. Et que la France intervienne pour substituer au médiateur ce qu’il a appelé le groupe de médiation (la Cdeao, les Présidents Tandjan, Obansanjo et Thabo Mbéki) c’est en ce moment que les rebelles ont interdit l’accès aux territoires sous leur contrôle à Thabo Mbéki. Et personne dans la communauté internationale n’est intervenu pour condamner ou prendre des sanctions. Le Président Gbagbo juge cela injurieux, impertinent et il faut appliquer tout ce qui a été déjà négocié car il n’ya plus rien à négocier.


Quel est l’avenir de la Côte d’Ivoire avec le départ des Forces de la Licorne ? Est-ce que cela mettra automatiquement fin à la guerre ? Les différentes parties ne se sont quand même pas retrouvé jusque-là ?

Je pense que la Licorne, c’est le bouclier de la rébellion, l’agence d’assurances tous risques des rebelles. Une fois qu’elle aura plié bagages, les populations ivoiriennes qui sont prises en otage dans le Nord comme dans le Sud vont pouvoir se libérer.

Et le Schéma Banny ?

Banny a eu les pleins pouvoirs. Gbagbo n’a utilisé ses pouvoirs que pour dégager la voie afin qu’il puisse travailler en toute tranquiliité. Malheureusement, Banny n’a pas pu désarmer les rebelles et réunifier le pays, pour assurer la libre circulation des Ivoiriens et installer l’administration sur l’ensemble du territoire. En plus de cela, il demande encore plus de pouvoirs. Il ne peut pas faire finir la guerre. Parce qu’il qu’il s’inscrit toujours dans la logique du pacte colonial. Il ne peut servir que les intérêts de la France et de Chirac. C’est ça le problème. C’est de cette logique qu’il faut sortir. Même s’il a les pleins pouvoirs et qu’il les utilise pour cet objectif là, ce sera un fiasco complet et la crise va perdurer. Ce ne sont pas des pouvoirs supplémentaires qu’il faut à Banny. On a signé des accords négociés. On est dans la phase d’application de ces accords, Banny avait en charge de passer à la réunification du pays et à l’organisation des élections. Il n’a pas été capable. La résolution 1633 arrive à terme en octobre(le 31). Le contrat qui avait engagé Banny est achevé, maintenant il doit probablement en tirer les conséquences.



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