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lundi, 28 août 2006

La presse française évoquera-t-elle cela ?



«Trafic de "cacao de la guerre": les preuves qui accablent Bictogo et le RDR»



Le Courrier d’Abidjan Parution N° 798 du Vendredi 25 Aout 2006 — http://news.abidjan.net/presse/courrierabidjan.htm :

par
Théophile Kouamouo :


«Révélations – Adama Bictogo, «homme d’affaires» d’Alassane Ouattara, a été accusé par le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, d’être au centre d’un vaste trafic de cacao de contrebande passant par le Burkina Faso et le Togo. «Le Courrier d’Abidjan» révèle ici les détails de son «business de la honte».


Un meeting. Il a juste fallu un meeting du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Mamadou Koulibaly, au cours duquel il a fait des révélations sur l’implication d’Adama Bictogo, proche d’entre les proches d’Alassane Ouattara, dans le trafic du «cacao de la guerre» (de la zone rebelle au Togo en passant par le Burkina Faso) pour que la panique s’empare du concerné et de toute la nébuleuse RDR-MPCI.
Depuis dimanche dernier, date du meeting de Mamadou Koulibaly, Adama Bictogo se signale par un activisme médiatique sans précédent. Tout y passe. La santé mentale de Mamadou Koulibaly est mise en doute. Ses origines ethniques font l’objet de commentaires ambigus tendant à le présenter comme «traître à la cause». Son «irresponsabilité», son «inconstance», sa «misère morale» sont stigmatisées. Se considérant diffamé, Bictogo ne va pourtant pas jusqu’à annoncer clairement une plainte contre le président de l’Assemblée nationale. A la question du quotidien DNA, «quand est-ce que vous allez porter plainte ?», il répond de manière évasive : «Mon avocat est en train de voir les voies à suivre. Les dispositions vont être prises. Pour l’heure, je ne sais pas quand je le ferai. En tout cas je me réserve le droit de porter plainte contre lui.»
Adama Bictogo sait bien que porter la polémique sur le terrain judiciaire reviendrait, pour lui, à ouvrir une boîte de Pandore très compromettante pour lui.
En effet, son rôle central dans le trafic des «fèves du sang» est confirmé par de nombreuses sources au sein de la finance internationale, et par des documents ultra-confidentiels dont Le Courrier d’Abidjan a obtenu copie. Votre journal préféré est sur les traces du business honteux d’Adama Bictogo depuis plusieurs mois. Le 5 octobre 2005, nous avons publié les résultats de nos premières investigations et recoupements.

Un appartement de 300 millions dans une banlieue chic de Paris

Nous avons révélé, à l’époque, l’existence d’une filière d’exportation, en contrebande, du cacao cultivé en zone rebelle à travers le Burkina Faso et le port de Lomé et le rôle d’Adama Bictogo dans ce commerce crapuleux. «Adama Bictogo, proche d’entre les proches d’Alassane Ouattara, a toujours su combiner combat politico-militaire avec profits privés gigantesques. Le conseiller spécial du ministre de l’Agriculture ne vient-il pas d’entrer en possession, le 27 août 2005, d’un appartement de 3 millions de FF (300 millions de F CFA) à Courbevoie, en région parisienne, à l’adresse 1, square Henri Regnault ? En tout cas, son amour du risque profite à l’internationale de la guerre dont son maître à penser, Alassane Ouattara, et le «tuteur» Blaise Compaoré sont des actionnaires de référence : ses comptes à la banque d’affaires d’origine britannique HSBC en France ont été fermés en septembre 2002, étant jugés «préoccupants» et «indésirables», en raison d’un soupçon de trafic d’armes ou de blanchiment d’argent.
Quelques jours plus tôt, la guerre éclatait en Côte d’Ivoire… Quoi qu’il en soit, Adama Bictogo est un des «hommes d’affaires» du bloc rebelle, chargé de trouver des «bons filons» permettant de rémunérer de la meilleure manière le pillage systématique des zones acquises à la force de la kalach et désormais protégées de facto par l’armée française. Parmi ces zones, celles de Man, Danané, Vavoua, Bangolo, riches en cacao et en café. Comment exporter ces matières premières souvent extorquées sans aucune autre forme de procès aux paysans qui les exploitent ? La réponse est toute trouvée : transiter par le Burkina Faso, à partir du «port sec» de Fengolo, pour déboucher sur d’autres ports ouest-africains, notamment celui de Lomé. (…) Pour exporter de manière efficiente les «fèves de la guerre», Adama Bictogo écume les places financières européennes avec une carte de visite qui le présente comme le «conseiller spécial du ministre de l’Agriculture» ivoirien, Amadou Gon Coulibaly, qui est en vérité son associé dans ses activités crapuleuses, lui fournissant une «couverture». Une sorte de brevet de respectabilité (…) . A priori, les officiels d’un pays servent les intérêts de ce pays, dans le respect de la loi de ce pays… Dans ses pérégrinations, Adama Bictogo entre en contact avec la SOEXIMEX. C’est une entreprise de vente de produits alimentaires et agroalimentaires, ainsi que de distribution de pièces de rechanges et de vente de véhicules automobiles (marque COGEFO). Depuis sa création, elle est détenue par un actionnaire unique, une holding se trouvant au Luxembourg (COFIDA), elle-même détenue par la famille Dagher-Hayek. La SOEXIMEX exerce principalement en direction de l’Afrique et du Moyen-Orient, où elle bénéficie d’un réseau de relations qui se sont solidifiées au fil des années. Mais le début du XXIè siècle est difficile pour le groupe dont les bureaux en France se trouvent au 31/33 rue Pleyel, à Saint-Denis. D’un chiffre d’affaires de 117 millions d’euros en 2002 (un peu moins de 80 milliards de F CFA), la SOEXIMEX est passée à un chiffre d’affaires de 83 millions d’euros en 2003 (un peu plus de 50 milliards de FCFA), soit une chute de près de 30%. Les causes de cette anémie ? La parité euro-dollar, qui affaiblit la compétitivité des exportateurs européens, mais également les exportateurs de pièces détachées asiatiques, qui raflent des parts de marché en raison de leurs bas prix.
La déstabilisation de la Côte d’Ivoire et la création d’un marché sauvage dans le Nord du pays, sans fiscalité, sans entraves, constituent une aubaine pour la firme européenne. La concurrence est faible, les majors soucieuses de leur image ne se bousculant pas. Les marges sont bien plus importantes. Les relations avec les maîtres des lieux (notamment Adama Bictogo, qui est le seul interlocuteur de la firme, et a montré qu’il sait se faire respecter et obtenir le cacao en maintenant les profits maximum pour ses partenaires outre Méditerranée) facilitent les choses. Les fèves transitent par le Burkina Faso, les rebelles et l’armée burkinabé se mettant au garde-à-vous à la vue des camions de Bictogo. SOEXIMEX n’intervient qu’à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, où elle paie directement Adama Bictogo, lequel remplit ipso facto son compte dans ce qui fut «le pays des hommes intègres». Les bénéfices de Bictogo sont tellement grands qu’il est en train d’implanter une usine de conditionnement de cacao à Bobo-Dioulasso pouvant traiter 500 tonnes par jour (ce qui montre bien que la «nébuleuse» compte poursuivre la guerre et la partition de la Côte d’Ivoire pendant longtemps), dont le responsable, français, est bien connu des milieux spécialisés en Côte d’Ivoire : Jean-Luc Desverchère. (…) Après l’escale de Bobo-Dioulasso, le cacao est acheminé jusqu’au port de Lomé, en quatre jours environ. Il ne reste plus qu’à SDV, l’armateur détenu par la multinationale française Bolloré, liée par contrat d’exclusivité à SOEXIMEX, à acheminer les «fèves de la guerre» sur les marchés européens. Les jolies petites têtes blondes qui mangeront du chocolat à Noël auront-ils un souvenir pour les enfants soldats et déplacés de guerre qui sont la contrepartie de ce commerce de la honte ? Le business est aussi immoral que juteux. Il permet à SOEXIMEX de voir son chiffre d’affaires remonter à 116 millions d’euros, à peu près la performance de 2002, l’activité illégale en Côte d’Ivoire dopant littéralement les résultats. L’appétit vient en mangeant, d’autant plus que les promesses d’Adama Bictogo se font de plus en plus mirobolantes. En 2005, SOEXIMEX veut exporter 80 000 tonnes de cacao (14 000 tonnes ont déjà été sorties durant les premiers mois de l’année)», écrivions-nous.

Côte d’Ivoire Fruit : une entreprise basée… au Burkina Faso !

A ce stade de notre enquête, nous savions que la SOEXIMEX avait contacté une de ses banques traditionnelles, le Crédit lyonnais, pour le financement de la traite de cacao. Nous savions aussi que des fortes sommes, tournant autour de 50 milliards de FCFA, étaient mobilisées en France dans un but d’acheminement vers le compte de l’entreprise d’Adama Bictogo à Ecobank Burkina Faso. Dans le maquis complexe des montages financiers douteux, nous pensions que cette somme provenait uniquement de cet établissement financier français.
Nous en savons désormais plus tant sur les montages financiers permettant de faire «tourner» l’activité illégale d’Adama Bictogo que sur l’entreprise du «conseiller spécial» du ministre de l’Agriculture, Amadou Gon Coulibaly.
Nous sommes aujourd’hui en mesure d’affirmer que la banque d’affaires française Natexis Banques Populaires a financé, dans un premier temps, l’activité de SOEXIMEX et de Bictogo pour un montant d’au moins 10 millions d’euros (environ 6,5 milliards de F CFA). Nous pouvons aussi dire que SOEXIMEX – société de négoce fondée en 1963 dont le président du directoire s’appelle Joseph Dagher et le DG du secteur négoce Lucien Dagher – travaille principalement, pour toutes les affaires de négoce, avec la Société générale et Calyon (filiale du Crédit agricole, qui vient d’avaler le Crédit lyonnais, banque historique des Dagher).
Au sujet de l’activité d’Adama Bictogo, les choses sont aussi plus claires – et plus accablantes. En effet, il a une société enregistrée au Burkina Faso, qui s’appelle… Côte d’Ivoire Fruit. Cette entreprise s’occupe de la collecte du cacao en zone rebelle, de l’acheminement à Bobo-Dioulasso (au Burkina Faso) où se trouve une usine de conditionnement, puis du transport jusqu’au port de Lomé. Il faut noter qu’Adama Bictogo, en parfait opportuniste, a créé ANEMA, une société d’import-export à Abidjan (qu’il contrôle à 51%, le reste étant entre les mains de SOEXIMEX).

Un trafic garanti par une entreprise d’Etat en France !

Si Adama Bictogo est le président directeur général de Côte d’Ivoire Fruit, Jean-Luc Desverchère, un Français bien connu dans le milieu du négoce est directeur général adjoint. La société a «positionné» deux responsables des achats à Man et à Vavoua (Martial N’Cho et Luc Erhard Kouassi). Le responsable du convoyage des fonds et produits est Souleymane Bictogo quand le responsable de l’usine de Bobo Dioulasso se nomme Souley Ouédraogo. Par ailleurs, il est bon de savoir que pour camoufler le caractère contrebandier de leurs exportations, les promoteurs de Côte d’Ivoire Fruit et de SOEXIMEX ont attribué à leur marchandise une origine inconnue jusqu’à nos jours – il s’agit d’un cacao «West Africa», là où il est de coutume d’indiquer les pays de provenance des «commodities» (matières premières).
Une fois de plus, le scandale du «cacao de la guerre» montre à quel point la France est impliquée et se réjouit de la crise en Côte d’Ivoire. Si on peut arguer que les banques qui ont financé cette activité illégale sont privées, on est forcément ahuri de voir que la police d’assurance «risques politiques» est prise en charge par la Caisse centrale de Réassurance (CCR), entreprise détenue par l’Etat français, qui «se distingue de ses concurrents en proposant, avec la garantie de l’Etat, des couvertures illimitées pour des branches spécifiques telles que les catastrophes naturelles en France et les risques de guerre (60 % de son chiffre d’affaires)», selon son site Internet. Si ce n’est pas une manière d’encourager le commerce de contrebande et la fraude fiscale en contrebande, cela y ressemble fort. «Il est un fait constant et indéniable que la prospérité qu’avait connue la Côte d’Ivoire a pu aussi bénéficier à tous les autres pays de la sous-région. De même, depuis le déclenchement de la crise en Côte d’Ivoire, des biens tels que des voitures, des marchandises et d’autres produits fabriqués dans ce pays circulent dans les pays voisins. C’est le cas du café et même du cacao dont certains pays limitrophes tels que le Burkina Faso seraient devenus exportateurs (…) Les pays limitrophes qui, soit ne découragent pas, soit s’abstiennent de sanctionner tous ceux qui participent au commerce illicite des biens souvent volés ou acquis en violation des lois et règlements, devraient être considérés comme des complices. (…) La Commission estime que tous les pays ainsi que toutes les personnes qui participent aux actes de pillages ou de recels de produits ivoiriens, devraient porter une part de responsabilité car il y a là une activité illicite et criminelle qui devrait être découragée», écrivaient en octobre 2004 les rapports de la Commission d’enquête de l’ONU sur la Côte d’Ivoire. En garantissant ce type de business, la France officielle se fait complice d’une activité considérée comme «illicite et criminelle» par l’ONU. Qui va punir la France ?
Tels sont les faits, qui ne demandent qu’à être présentés publiquement à l’occasion du procès qu’Adama Bictogo promet à Mamadou Koulibaly.»

 

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«Un énorme trafic de cacao éclabousse le RDR, le Burkina et une grande banque française – Enquête»

Le Courrier d’Abidjan - mercredi 5 octobre 2005 — http://news.abidjan.net/article/?n=151886 :

«Comment les bras droits d’Alassane Ouattara, en complicité avec une firme européenne véreuse et un important établissement financier français – le Crédit Lyonnais – exportent frauduleusement le cacao ivoirien en passant par le Burkina Faso et le Togo. Où l’on se rend compte que les profits générés par la déstabilisation de la Côte d’Ivoire s’évaluent à plusieurs milliards de F CFA. Au cœur d’un scandale qui ne saurait rester sans suite.

Amadou Gon Coulibaly, Adama Bictogo, Koné Zakaria : un point commun caractérise ces trois membres assez connus du bloc rebelle. Ces dernières semaines, ils se font remarquer par un activisme et une pyromanie qui ne semble pas avoir de fin. Amadou Gon Coulibaly, ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture au sein du gouvernement de réconciliation nationale, clamait ainsi il y a dix jours aux transporteurs pro-Ouattara que «le 1er novembre, nous serons au Palais quand les refondateurs seront dans la rue». Quant à Adama Bictogo, il demandait à ses supporters à N’Douci de «descendre dans la rue le 31 octobre pour chasser Gbagbo.» Pendant ce temps, Koné Zakaria, sur «ses» terres de Vavoua, harcèle la population civile et menace les dignitaires religieux musulmans qui osent lui tenir tête, fait couper l’eau et l’électricité dans la ville pour punir les populations de leur tiédeur.
Outrances et violence habituelles de la coalition rebelle ? Pas seulement. Ces trois individus agissent, si l’on peut dire, en symbiose. Ils sont les artisans ivoiriens d’un énorme trafic international de cacao de contrebande, de «fèves de la guerre». L’instabilité et l’augmentation du risque Côte d’Ivoire étant une de leurs techniques pour «squeezer» le marché, faire paniquer la Bourse de New York et de Londres et augmenter les profits de la nébuleuse internationale dans laquelle ils s’insèrent, ils jouent leur rôle. Ils créent une ambiance…
En effet, nos sources au sein de la finance internationale, se fondant elles-mêmes sur des documents très précis et qui sont déjà connus des milieux politiques et diplomatiques africains, nous ont permis de remonter la filière d’une vaste opération de criminalité financière internationale, où sont impliqués des dignitaires du RDR (le parti d’Alassane Ouattara), le Burkina Faso de Blaise Compaoré, une firme de négoce basée au Luxembourg… et un grand établissement financier français !

50 milliards des caisses du Crédit lyonnais au compte d’Adama Bictogo

Les membres de cet attelage improbable sont impliqués dans un «business de la guerre» qui a permis, il y a quelques jours, le transfert, sur le compte d’Adama Bictogo à Ecobank Burkina Faso, d’une somme de 80 millions d’euros (c’est-à-dire 50 milliards de F CFA) sortie tout droit des caisses du Crédit Lyonnais de Saint-Denis, dans la région parisienne. Un pactole qui pourrait bien financer des armes supplémentaires pour la rébellion et la reprise de la guerre, étant donné que c’est le sang et les larmes des peuples d’Afrique qui a toujours nourri ce genre de trafics très juteux.
L’association Adama Bictogo – SOEXIMEX – Crédit lyonnais se fonde sur les intérêts bien compris des trois parties et des intérêts plus larges que chacune d’elles représente. Adama Bictogo, proche d’entre les proches d’Alassane Ouattara, a toujours su combiner combat politico-militaire avec profits privés gigantesques. Le conseiller spécial du ministre de l’Agriculture ne vient-il pas d’entrer en possession, le 27 août 2005, d’un appartement de 3 millions de F à Courbevoie, en région parisienne, à l’adresse 1, square Henri Regnault ? En tout cas, son amour du risque profite à l’internationale de la guerre dont son maître à penser, Alassane Ouattara, et le «tuteur» Blaise Compaoré sont des actionnaires de référence : ses comptes à la banque d’affaires d’origine britannique HSBC en France ont été fermés en septembre 2002, étant jugés «préoccupants» et «indésirables», en raison d’un soupçon de trafic d’armes ou de blanchiment d’argent. Quelques jours plus tôt, la guerre éclatait en Côte d’Ivoire… Quoi qu’il en soit, Adama Bictogo est un des «hommes d’affaires» du bloc rebelle, chargé de trouver des «bons filons» permettant de rémunérer de la meilleure manière le pillage systématique des zones acquises à la force de la kalach et désormais protégées de facto par l’armée française. Parmi ces zones, celles de Man, Danané, Vavoua, Bangolo, riches en cacao et en café. Comment exporter ces matières premières souvent extorquées sans aucune autre forme de procès aux paysans qui les exploitent ? La réponse est toute trouvée : transiter par le Burkina Faso, à partir du «port sec» de Fengolo, pour déboucher sur d’autres ports ouest-africains, notamment celui de Lomé. Ce trafic a été vivement critiqué par le pré-rapport de l’ONU (jamais publié officiellement par les services de Kofi Annan), et dont a fait état le président ivoirien Laurent Gbagbo dans son dernier discours à la Nation. Le rapport disait : «Il est un fait constant et indéniable que la prospérité qu’avait connue la Côte d’Ivoire a pu aussi bénéficier à tous les autres pays de la sous-région. De même, depuis le déclenchement de la crise en Côte d’Ivoire, des biens tels que des voitures, des marchandises et d’autres produits fabriqués dans ce pays circulent dans les pays voisins. C’est le cas du café et même du cacao dont certains pays limitrophes tels que le Burkina Faso seraient devenus exportateurs (…) Les pays limitrophes qui, soit ne découragent pas, soit s’abstiennent de sanctionner tous ceux qui participent au commerce illicite des biens souvent volés ou acquis en violation des lois et règlements, devraient être considérés comme des complices. (…) La Commission estime que tous les pays ainsi que toutes les personnes qui participent aux actes de pillages ou de recels de produits ivoiriens, devraient porter une part de responsabilité car il y a là une activité illicite et criminelle qui devrait être découragée.»
Pour exporter de manière efficiente les «fèves de la guerre», Adama Bictogo écume les places financières européennes avec une carte de visite qui le présente comme le «conseiller spécial du ministre de l’Agriculture» ivoirien, Amadou Gon Coulibaly, qui est en vérité son associé dans ses activités crapuleuses, lui fournissant une «couverture». Une sorte de brevet de respectabilité, car la race des serviteurs de l’Etat organisant le pillage sans vergogne de son économie n’est pas très répandue dans le monde. A priori, les officiels d’un pays servent les intérêts de ce pays, dans le respect de la loi de ce pays…

Une usine de traitement de cacao à… Bobo-Dioulasso

Dans ses pérégrinations, Adama Bictogo entre en contact avec la SOEXIMEX. C’est une entreprise de vente de produits alimentaires et agroalimentaires, ainsi que de distribution de pièces de rechanges et de vente de véhicules automobiles (marque COGEFO). Depuis sa création, elle est détenue par un actionnaire unique, une holding se trouvant au Luxembourg (COFIDA), elle-même détenue par la famille Dagher-Hayek. La SOEXIMEX exerce principalement en direction de l’Afrique et du Moyen-Orient, où elle bénéficie d’un réseau de relations qui se sont solidifiées au fil des années. Mais le début du XXIè siècle est difficile pour le groupe dont les bureaux en France se trouvent au 31/33 rue Pleyel, à Saint-Denis. D’un chiffre d’affaires de 117 millions d’euros en 2002 (un peu moins de 80 milliards de F CFA), la SOEXIMEX est passée à un chiffre d’affaires de 83 millions d’euros en 2003 (un peu plus de 50 milliards de FCFA), soit une chute de près de 30%. Les causes de cette anémie ? La parité euro-dollar, qui affaiblit la compétitivité des exportateurs européens, mais également les exportateurs de pièces détachées asiatiques, qui raflent des parts de marché en raison de leurs bas prix.
La déstabilisation de la Côte d’Ivoire et la création d’un marché sauvage dans le Nord du pays, sans fiscalité, sans entraves, constituent une aubaine pour la firme européenne. La concurrence est faible, les majors soucieuses de leur image ne se bousculant pas. Les marges sont bien plus importantes. Les relations avec les maîtres des lieux (notamment Adama Bictogo, qui est le seul interlocuteur de la firme, et a montré qu’il sait se faire respecter et obtenir le cacao en maintenant les profits maximum pour ses partenaires outre Méditerranée) facilitent les choses. Les fèves transitent par le Burkina Faso, les rebelles et l’armée burkinabé se mettant au garde-à-vous à la vue des camions de Bictogo. SOEXIMEX n’intervient qu’à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, où elle paie directement Adama Bictogo, lequel remplit ipso facto son compte dans ce qui fut «le pays des hommes intègres». Les bénéfices de Bictogo sont tellement grands qu’il est en train d’implanter une usine de conditionnement de cacao à Bobo-Dioulasso pouvant traiter 500 tonnes par jour (ce qui montre bien que la «nébuleuse» compte poursuivre la guerre et la partition de la Côte d’Ivoire pendant longtemps), dont le responsable, français, est bien connu des milieux spécialisés en Côte d’Ivoire : Jean-Luc Desverchère.

2000 rotations de camions de 33 tonnes

Après l’escale de Bobo-Dioulasso, le cacao est acheminé jusqu’au port de Lomé, en quatre jours environ. Il ne reste plus qu’à SDV, l’armateur détenu par la multinationale française Bolloré, liée par contrat d’exclusivité à SOEXIMEX, à acheminer les «fèves de la guerre» sur les marchés européens. Les jolies petites têtes blondes qui mangeront du chocolat à Noël auront-ils un souvenir pour les enfants soldats et déplacés de guerre qui sont la contrepartie de ce commerce de la honte ?
Le business est aussi immoral que juteux. Il permet à SOEXIMEX de voir son chiffre d’affaires remonter à 116 millions d’euros, à peu près la performance de 2002, l’activité illégale en Côte d’Ivoire dopant littéralement les résultats.
L’appétit vient en mangeant, d’autant plus que les promesses d’Adama Bictogo se font de plus en plus mirobolantes. En 2005, SOEXIMEX veut exporter 80 000 tonnes de cacao (14 000 tonnes ont déjà été sorties durant les premiers mois de l’année). La grande traite arrive à grands pas. L’entreprise contacte donc sa banque, le Crédit Lyonnais de Saint-Denis. Qui décaisse, la semaine dernière, 80 millions d’euros (50 milliards de F CFA environ), sur le compte du bras droit d’Alassane Ouattara à Ecobank, au Burkina Faso.
A la veille du sommet du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine à Addis-Abeba, les preuves de ce trafic de la honte sont sur la place publique internationale. Elles acculent un peu plus le RDR, qui montre sa part liée indiscutable avec une rébellion meurtrière qui refuse à l’Afrique de l’Ouest la paix dont elle a droit. Elles mettent encore plus en difficulté le Burkina Faso et Blaise Compaoré, qui ne pourra pas les rejeter du revers de la main – et qui devra expliquer comment 2000 rotations de camions de 33 tonnes entre la zone rebelle et son pays n’ont pas pu attirer la curiosité de ses services… Elles créeront à n’en point douter un séisme au Crédit Lyonnais, banque qui a longtemps alimenté la rubrique des scandales politiques en France, qui a été rachetée par le Crédit agricole et a investi des sommes mirobolantes dans une campagne de publicité où elle affichait son nouveau logotype… et sa nouvelle virginité. Le Crédit Lyonnais, obsédé par ses commissions, ne savait donc pas à qui il donnait de l’argent ? L’établissement financier n’a-t-il pas indirectement financé les achats d’armes de la rébellion, en lui fournissant du cash ?
En s’impliquant dans cette transaction sulfureuse, le Crédit Lyonnais ne met-il pas en danger les intérêts et la réputation de sa filiale ivoirienne, la SIB ? La France, en tant qu’Etat, déjà sur la sellette, acceptera-t-elle d’ouvrir une information judiciaire sur cette affaire, dès que la justice ivoirienne s’en saisira ? Cette histoire sans morale donne en tout cas de l’épaisseur à l’accusation de Thabo Mbeki accusant «certaines forces qui ont intérêt à perpétuer la déstabilisation de la région». C’est que la guerre en Côte d’Ivoire alimente des comptes en banque à Paris et à Ouagadougou. Entre autres…
Théophile Kouamouo »



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