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samedi, 26 août 2006

Quand Tiken Jah tente de se justifier : laborieux et édifiant



Lecture de l’interview de Tiken Jah Fakoly par L'intelligent d'Abidjan 25/08/06 — http://news.abidjan.net/h/209108.html


(CENSURÉ SUR blogs.nouvelobs.com)

«{…} Gbagbo, tout le monde est conscient de sa lutte. La liberté de la presse est de son combat. Il méritait de gouverner la Côte d'Ivoire. Mais, il n'a pas eu la chance de rentrer par la grande porte. {…}»


C’est Tiken Jah Fakoly qui dit cela ! Bonne nouvelle il a enfin compris, pourrait-on penser… D’autant qu’à la question de Firmin Koto, qui l’interviewe,

«Que penses-tu de la politique extérieure par rapport à la Côte d'Ivoire?»

il va carrément répondre :

«Je pense que la politique extérieure a un impact négatif dans ce qui arrive à la Côte d'Ivoire. C'est clairement une guerre économique entre le colonisateur et notre pays. Le paradoxe c'est que l'Afrique est le continent qui a le plus de ressources au monde. J'ai lu récemment que les ressources minières représentent 75% dans le monde. Il est donc clair que l'Afrique est convoitée par les Occidentaux. C'est pourquoi, il faut que les dirigeants africains parlent d'une seule voix pour défendre les intérêts de l'Afrique. C'est vrai que la France pourrait soutenir une opposition ou une rébellion contre un pouvoir qui n'est pas en accord avec elle. J'ai l'habitude de dire que si nous sommes unis, ça va faire mal. Si les Ivoiriens étaient unis et qu'ils avaient mis en place une bonne démocratie, transparence, justice et égalité il n'y aurait pas cette guerre aujourd'hui.»

«Penses-tu à un réel retour de la paix en Côte d'Ivoire?»

«Oui mais à condition que tout le monde soit conscient de l'intérêt de la nation. {…}»



[Sur blogs.nouvelobs.com l'article censuré, intitulé "Tiken Jah va-t-il rejoindre la République ?", se terminait ici en ces termes : La bonne nouvelle se confirmerait-elle ? Tiken Jah va-t-il rejoindre le camp républicain ?
Pas si simple… La suite sur http://unevingtaine.hautetfort.com/]



Quand il vient de dire, un peu plus haut :

«{…} Gbagbo, tout le monde est conscient de sa lutte. La liberté de la presse est de son combat. Il méritait de gouverner la Côte d'Ivoire. Mais, il n'a pas eu la chance de rentrer par la grande porte. Après son élection dans des conditions calamiteuses, la première chose qu'il aurait dû faire était de prononcer un message d'unité. Ceci en promettant qu'après son mandat tous les partis allaient se présenter pour qu'enfin il y ait des élections justes et transparentes en Côte d'Ivoire.»


Sachant, comme le lui dit Firmin Koto, que Gbagbo n'a jamais terminé ce mandat en bonne et due forme — quand Tiken Jah vient de dire cela, on se dit : bon, tout va bien, il a enfin compris, il va donc pouvoir prendre son courage à deux mains, franchir le pas et dire qu’il s’est fait avoir et qu’il rejoint à présent le combat des patriotes.

Mais non, ce pas, il ne le franchit pas. Il a compris, mais ne l’a dit qu’au conditionnel : «C'est vrai que la France pourrait soutenir une opposition ou une rébellion contre un pouvoir qui n'est pas en accord avec elle».

Ce qui lui permet de se contorsionner tout au long de l’interview et de ne pas aller au-delà d’une réponse agacée à la question :

«Peux-tu dire franchement quelle est ta position par rapport à la rébellion?»

«{…}
Une fois pour de bon, j'aimerais dire que je n'ai aucun lien avec la rébellion. Mais, je comprends leur combat. {…}»

Et, en regard des trois années passées, c’est le moins qu’on puisse dire en effet : «il comprend leur combat» dont il a fait la promotion sur tous les continents, ce qui, disent les mauvaises langues — comme Alpha Blondy, rappelle-t-il —, lui a valu comme récompense au goût néo-colonial, le trophée des «victoires de la musique».

Voilà ce qu’il faut donc justifier, et qu’il est si difficile à présent de justifier. C’est ainsi que lorsque à sa remarque selon laquelle — en substance — Gbagbo aurait dû l’écouter (sic) et faire en sorte «qu'après son mandat tous les partis allaient se présenter pour qu'enfin il y ait des élections justes et transparentes en Côte d'Ivoire», Firmin Koto lui rétorque :

«Gbagbo n'a jamais terminé ce mandat en bonne et due forme…»

Tiken Jah bredouille, en guise de justification, cette étrange réponse :

«Oui, mais les dés étaient pipés au départ avec le forum de la réconciliation que j'appelle le forum de la distraction. Et c'est de là qu'est parti tout ce malaise. Au cours du forum de la réconciliation nationale, tous les partis et les couches sociales étaient représentés. Malheureusement, Laurent Gbagbo a refusé d'appliquer les résolutions de ce forum. C'est pas sérieux. La réalité est là. C'est pour cela que je dis que je comprends le problème des rebelles. Ce qu'on aurait pu obtenir par les revendications musicales a été finalement mais malheureusement obtenu par les armes. Toutes les avances en passant par l'acceptation de la candidature d'Ado. Nous avons chanté, Alpha, Fadal, moi et bien d'autres, mais personne n'a voulu nous écouter.»

Ah bon Gbagbo n’a pas appliqué les résolutions du forum ? — alors qu’il a fait entrer au gouvernement, et pas à des postes de figurants, des représentants de tous les partis, y compris celui d’ADO pour lequel la rébellion prendra les armes !

Ultime tentative d’auto-justification de Tiken Jah qui a aussi parlé de son exil au Mali parce que sa sécurité ne serait pas assurée en Côte d’Ivoire — renvoyant pour cela à Camara H, dont le public français se souvient du cadavre passé en boucle en 2003 dans tous les journaux télévisés pour contrer les manifestations pro-Gabgbo au lendemain de la tentative de coup d’État de Marcoussis. Allusion donc, mais sans précision supplémentaire de Tiken Jah, aux fameux «escadrons de la mort» que Le Monde avait envoyés alors dans les pattes de Gbagbo. Pas de précision supplémentaire parce que Tiken Jah sait très bien que, depuis, Le Monde a été condamné pour cela. Et Tiken Jah sait vraisemblablement que cela n’avait aucun sens pour les partisans de Gbagbo, d’aller casser un possible impact médiatique mondial des manifestations monstres en sa faveur en tuant un opposant et en exposant son cadavre sur le terre-plein central d’une route archi-fréquentée !

Tandis que Tiken Jah a oublié de dire que ça c’était dégradé pour Gbagbo bien avant le forum de réconciliation, en fait au jour même de son intronisation — avec le fameux charnier de Youpougon, dont éclate aujourd’hui que c’était un montage, comme les fameux «escadrons de la mort».

Tiken Jah le sent bien : il s’est fait avoir en prenant parti pour la rébellion, ou, selon ses termes, «en la comprenant». Mais que ne le dit-il pas clairement ?!




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