« À l’heure où l’on tait les enquêtes de la presse ivoirienne sur le trafic de cacao depuis la zone rebelle via la Burkina vers le port de Lomé… | Page d'accueil | Déchets toxiques à Abidjan – Un début d’explication du silence des médias français ? »
mardi, 05 septembre 2006
Pollution chimique à Abidjan et tirs à balles réelles de policiers sur des étudiants.
Silence impressionnant de nos médias. Qui fait se demander : comment fonctionnent-ils ?
Deux affaires très graves ont secoué la Côte d’Ivoire au moment où l’on nous resservait à satiété en France des conditionnels à peine modifiés depuis deux ans sur l’affaire Kieffer… Rien de bien nouveau. Rien de suffisamment significatif en tout cas, on a pu le constater, pour mobiliser de la sorte les grands quotidiens et les titres des journaux télévisés français.
En même temps, deux affaires tragiques — pollution chimique à Abidjan (ayant déjà tué) et tirs à balles réelles (faisant aussi des morts) de policiers sur des étudiants — ; deux affaires tragiques dont les échos sont affaiblis au point qu’on ne les a pas entendus…
Au moment où on a beaucoup ré-entendu parler d’une affaire connue. Comprenons-nous bien : un homme a disparu, il est bon qu’on ne l’oublie pas.
Mais pourquoi nous resservir ces nouveautés qui n’en sont pas vraiment, précisément ces-jours-ci ? À quelques semaines d’échéances importantes pour la Côte d’Ivoire. Ce qui ne peut que poser des questions, quand nos médias nous ont habitués à soulever de façon récurrente ce genre de lièvres à ces périodes, donnant l’impression — aux esprits mal tournés ! — de vouloir influencer les décideurs onusiens…
Et voilà que ressort à ce moment-là cette triste affaire dont on ne sait rien de précis, évoquant des questions de cacao. La voilà qui s’accompagne du vœu explicite, dans un grand quotidien français (Libération), de voir Gbagbo «passer la main de gré ou de force» ! Tout cela sans que l’on mentionne le trafic de cacao bien établi, celui-là, depuis la zone rebelle et exfiltré par le port du Togo dont on reçoit le chef dynastique — dans le silence de nos médias — ; trafic dénoncé par le président de l’assemblée nationale ivoirienne, et objet d’une enquête fournie, et pas réfutée, du Courrier d’Abidjan.
Au même moment, deux affaires chargées de nouveauté celles-là, hélas ; deux affaires très graves, sont passées sous silence ! À ma connaissance en tout cas, on n’en a à ce jour, pas eu écho en France :
Le déversement de déchets toxiques en grande quantité au port d’Abidjan — pollution chimique qui a déjà fait des morts et de nombreux blessés ;
Et les tirs à balle réelle par des policiers sur des étudiants, faisant de nombreux morts et blessés, cela accompagné de viols, en présence du directeur de l’école nationale de police — comme le montre un film signalé ce jour par Le Courrier d’Abidjan.
Pourquoi un tel silence ?
Développements sur les deux affaires selon deux journaux ivoiriens :
LE SCANDALE DES DÉCHETS TOXIQUES
• Deux enfants décédés
• Le désarroi des populations
Fraternité Matin — mardi 5 septembre 2006 — http://www.fratmat.net/content/detail.php?cid=M8GD1WbWD5L :
L’HISTOIRE D’UN BATEAU QUI TRAUMATISE
par Jean-Rock K-KIRINE :
« Plus de 528 m3 principalement d’hydrogène sulfuré (H2S), de la soude (NaOH) et du mercaptan, des produits très toxiques pouvant entraîner la mort, ont été déversés sur 7 sites répertoriés pour le moment à travers la ville d’Abidjan depuis le 19 août 2006. Ce sont la décharge d’Akouédo, le Plateau Dokui, Vridi canal, N’Dotré, proche du Banco, route d’Allépé après le corridor de la Gesco, et le bas-fond vers l’école de police.
Arrivée au Port autonome d’Abidjan (PAA), le vendredi 18 août 2006, au quai de la Pétroci, le navire russe battant pavillon panaméen, le «Probo Koala» a, durant plus de 30 heures, déchargé son contenu qu’il a dénommé «Slops» (eaux usées, contenant un peu de pétrole). Or, d’après les analyses réalisées par les laboratoires de la SIR pour le compte du CIAPOL, il s’agit bien d’hydrogène sulfuré, de soude et du mercaptan.
Le courrier électronique envoyé le 17 août 2006 au Capitaine N’Zi Kablan, donne quelques éléments de réponses quant au contenu du navire. Dans ce courrier, M. Jorge Marrero de la société Trafigura LTD, qui a affrété le navire, basée en Espagne, a précisé qu’il s’agissait de produits chimiques (Chimicals Slops). Il demandait par ailleurs au capitaine de prendre toutes les dispositions afin d’éviter tout problème environnemental.
L’affaire fait grand bruit aujourd’hui à tel point que M. Jean-Pierre Valentini, un des directeurs de la société Trafigura devrait fouler le sol ivoirien dans les toutes prochaines heures.
Le Centre ivoirien antipollution (CIAPOL) qui a pris connaissance de ce document a géré le transport des déchets. Un des plus proches collaborateurs de M. Doh André, directeur de ce centre, M. Bayé Etienne, inspecteur des installations classées, a assisté aux rotations des camions, le mercredi 23 août 2006, de 22 H à 3 H du matin. Et ce, malgré les réunions tenues au sein du CIAPOL, sur le déversement du produit toxique à travers la capitale économique. Le directeur du CIAPOL affirme n’avoir pas été, lors des réunions, informé de la teneur des produits disséminés à travers la ville. Or le 21 août 2006, M. Doh transmet par courrier N° 00261/MINEF/CIAPOL/DIR/Ads, «une mise en demeure» au commandant du navire «PROBO KOALA» lui demandant de rester à quai pour que ses services procèdent aux différents contrôles et examens du produit. A cette date, il reçoit les résultats d’analyse d’échantillon qui ont été prélevés à la décharge d’Akouédo, en provenance du navire. D’un côté, le CIAPOL joue la carte du protecteur et de l’autre il supervise les opérations de déversement à travers la ville, avec la société Tommy. Cette structure spécialisée dans le vidange des eaux usées des navires, détient un agrément probatoire délivré par le ministère des Transports, N° 169/MT/DGAMP/DTMSL du 12 juillet 2006 valable pour un an.
Le 21 août 2006, la société Tommy, par le biais des transporteurs qu’elle a sous-traité pour l’aider dans sa tâche s’est présenté à la décharge d’Akouédo avec un produit industriel, en provenance de Vridi. Et pour 500 000 F cfa, en fonction du tonnage, elle a déversé sa cargaison.
Bien qu’ayant reçu des informations sur les déchets toxiques, le district d’Abidjan a délivré des autorisations de déversement de ces types de produits à la décharge.
Selon un des transporteurs, M. Bayé Etienne, un autre responsable du CIAPOL, lui aurait demandé de verser du Grésil sur les lieux du déversement pour atténuer les odeurs. Le navire, le PROBO KOALA, aurait été refoulé avec son chargement dans cinq pays africains. Dont le dernier en date est le Nigeria. Après s’être débarrassé de sa cargaison en Côte d’Ivoire, il est en partance pour l’Estonie.
De sources informées, le navire aurait cherché pendant plus de huit mois un pays pour l’accueillir.
Le PAA, plus précisément la capitainerie, est garante des installations portuaires de la société WAIBS, consignataire du PROBO KOALA. C’est la capitainerie également qui autorise l’accostage et l’appareillage des navires. Le commandant du port, M. Bombo, qui a été entendu par la police, n’a pas plus été inquiété, même après avoir donné l’autorisation au navire de quitter le port. Malgré les courriers soupçonnant le navire d’avoir transporté des produits autres que des Slops (eaux usées).
Il faut savoir que dans le secteur industriel, l’hydrogène sulfuré intervient dans différents processus de production. Notamment dans la fabrication de fibres synthétiques ainsi que dans les cokeries et raffineries. L’hydrogène sulfuré obtenu lors du raffinage du gaz naturel est le plus souvent transformé immédiatement en soufre.
Sur le plan pathologique et toxicologique, surtout chez les hommes et les mammifères, le H2S est une substance irritante et un poison nerveux et cellulaire. Il provoque l’irritation des yeux ainsi que des organes respiratoires. L’inhalation prolongée de sulfure d’hydrogène peut causer la dégénérescence du nerf olfactif (rendant la détection du gaz impossible). L’inhalation du gaz, même en relativement faible quantité, peut entraîner une perte de connaissance. Des lésions au niveau des bronches, des nausées et, en forte concentration, des lésions des nerfs olfactifs, des convulsions, des engourdissements et finalement la mort par apnée. En général, les personnes atteintes sont par la suite allergiques au H2S. Les affections provoquées par le H2S font partie des maladies professionnelles à déclaration obligatoire dans les pays occidentaux. Chez les végétaux, les dommages sont peu importants. Les plantes utiles les plus sensibles à cette substance sont le navet, la tomate, le concombre et le soja.
Selon des études réalisées à la demande du ministère de la Santé français en 1981, et disponibles sur l’Internet «effets de l’hydrogène sulfuré sur l’homme (OMS 1981)», il existe deux seuils de toxicité des “seuils des effets létaux ” (S.E.L.) et des “seuils des effets irréversibles ”
Les résultats d’analyse montrent que les effets sont 8 à 10 fois supérieurs au seuil autorisé dans les deux cas.
Selon, les informations communiquées par le ministre de la Santé, il y a deux morts. Deux enfants d’une dizaine d’années.
D’un autre côté, il a fallu attendre cette catastrophe pour que la Société ivoirienne de raffinage (SIR) mette en place une nouvelle procédure d’enlèvement de Slops au quai PETROCI Holding. A savoir : la demande d’autorisation douanière comprenant une escorte douanière pour l’enlèvement des slops, le certificat d’origine du produit à enlever, le certificat de quantité délivré par un organisme agréé en Côte d’Ivoire. Et enfin, un document certifiant la destination finale des Slops et indiquant le nom de la société pour le compte de qui l’opération s’effectue.
Repères
Riposte. Dès les premiers instants, le Premier ministre a décidé de la mise en place d’un Comité interministériel qui s’est réuni le mercredi 30 août à la Primature sous la présidence du ministre d’Etat, ministre du Plan et du Développement, M. Paul-Antoine Bohoun Bouabré.
Interpellations. Une enquête judiciaire a déjà permis l’interpellation de six personnes. Ces objectifs sont de déterminer clairement les responsabilités.
Soins. Des dispositions sanitaires ont été prises pour accueillir les populations touchées dans les principaux centres de santé que sont le CHU de Treichville et le CHU de Cocody pour la prise en charge médicale des malades. »
Quand les policiers font le lit de la rébellion à Abidjan
Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 806 du Lundi 4 Septembre 2006 — http://www.lecourrierdabidjan.info/page_article.php?id=14... :
par Anassé Anassé :
« Danger – Le comportement irresponsable des policiers, qui ont attaqué le Campus jeudi et vendredi derniers, montre à quel point ce corps constitué chargé de maintenir l’ordre public est un bras séculier de la rébellion en zone gouvernementale.
Passée la vive émotion suscitée par la double barbarie policière sur le Campus, en fin de semaine dernière, l’on s’interroge encore sur les motivations réelles de tels agissements ; indignes d’un corps constitué chargé de maintenir l’ordre public.
Le jeudi 31 août 2006, une escouade d’élèves-policiers armés jusqu’aux dents, prenant prétexte de ce qu’un des leurs a été molesté lundi à la gare Sotra d’Adjamé par des étudiants, fait irruption sur le Campus universitaire de Cocody, pour se rendre justice. Pendant plus de quatre heures, ces élèves sous-officiers pensionnaires de l’Ecole nationale de Police, sise à moins de 50 mètres de l’Université de Cocody, violent les franchises universitaires. Ils saccagent tout sur leur passage, tirent à balles réelles et à bout portant sur des étudiants en pleins examens ; pourchassent - kalachs, revolvers et pistolets aux poings - tous ceux qu’ils rencontrent sur le Campus. Des cas de viols d’étudiantes sont même signalés. On se croirait dans le Far West américain, ou dans une série policière digne de «24 Heures Chrono»… Le bilan est lourd : un étudiant, répondant au nom de Assé Konan Olivier, inscrit en CBG 2ème année (Biosciences), après avoir reçu une balle dans la tête, a succombé des suites de ses blessures. Ce rodéo des policiers sur le Campus a également fait plus d’une vingtaine de blessés par balles, dont certains très graves.
Le lendemain vendredi, 1er septembre 2006, le président de la République Laurent Gbagbo reçoit dans la matinée – séparément – à son domicile, les responsables de la police, avec à leur tête, le ministre de l’Intérieur Joseph Dja Blé ; et le bureau national de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), conduit par son secrétaire général, Koffi Serges. Après plusieurs heures d’entretiens croisés – sans doute houleux -, le ministre de l’Intérieur annonce l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités et sanctionner les coupables. On croyait alors l’incident clos pour de bon, et le calme revenu sur le Campus, victime d’une vindicte policière hors norme. Mais, c’était mal connaître la nouvelle race de «famille kaki». Ce même vendredi en fin d’après-midi, rebelote. Les élèves sous-off refont une nouvelle descente musclée sur le Campus et dans d’autres résidences universitaires, notamment à la Cité Mermoz. En réaction à un autre accrochage survenu entre deux policiers et des étudiants, au parking de l’Université.
Depuis, des interrogations fusent de partout. Comment des élèves-policiers encore en formation peuvent-ils braver l’autorité de l’Etat, surtout après l’appel au calme lancé par leur ministre de tutelle ? Pourquoi des élèves-policiers peuvent-ils faire fi des injonctions du président de la République, chef suprême des Armées, et retourner sur le Campus pour faire régner leur loi : l’arbitraire ? Comment les élèves-policiers ont-ils pu avoir accès aussi facilement à la poudrière de leur école pour se procurer des armes de guerre, et les utiliser à deux reprises contre des civils sans être nullement inquiétés ?
De deux choses, l’une. Soit cette double expédition punitive des policiers sur le Campus démontre de la faiblesse de l’Etat et de ses institutions, à telle enseigne que le plus petit «garde floko» se croit permis de faire «sa» loi. Ou alors, ces élèves-policiers, bénéficiant de soutiens obscurs et de complicités internes, voulaient par de tels agissements, provoquer des émeutes et une insurrection à Abidjan, à l’approche du 31 octobre. Chose rêvée par le G7 pour transporter la rébellion en zone gouvernementale. L’histoire est un témoignage. Avant le 19 septembre 2002, une série d’incidents provoqués par des policiers - ils tiraient sur des chauffeurs de taxis et de gbakas pour 500 Fcfa - avait amené le gouvernement à lever les barrages sur les routes. Les assaillants en ont profité pour acheminer des armes de guerre à Abidjan, et constituer un commando pour attaquer la République. Les élèves-policiers de la présente promotion voulaient certainement rééditer l’exploit de leurs devanciers, en créant la chienlit à Abidjan pour faire le lit de la rébellion.
Certes, le directeur de l’Ecole de Police, le général Lago Daléba, a été relevé de ses fonctions. Mais le président de la République doit encore sévir. A défaut de destituer le ministre de l’Intérieur, le commissaire Joseph Dja Blé ou limoger Yapo Kouassi, le directeur général de la Police, les élèves-policiers de la présente promotion doivent être purement et simplement radiés. Car ces crimes crapuleux commis sur des étudiants aux mains nues ne sauraient rester impunis. »
18:30 Publié dans Articles de presse | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
une question sans doute stupide: qui forme les policiers en Côte d'Ivoire?
Écrit par : brigitte | mardi, 05 septembre 2006
Chère Brigitte, j'ai soumis votre question au Professeur Gnagne (l'auteur de la lettre à Bernard Debré), qui m'a autorisé à publier sa réponse :
"Merci pour ta question aussi précise que laconique.
La question mériterait effectivement qu'on se la pose. Mais vois-tu mon beau! C'est justement parce que nous voulons reformer cette société pourrie jusqu'à la racine que nous subissons cette guerre, de la part de ceux qui avaient un intérêt à ce qu'elle soit telle que vous la découvrez par cette action inacceptable et incompréhensible des jeunes policiers en formation. En effet, cette police est le produit de quarante années de prévarication et de crapulerie qui ont mis la Côte d'Ivoire dans la situation que nous vivons. Mais nous avons confiance! Autant un peuple ne peut disparaître parce qu'il y aura des justes pour le ressusciter, autant nous savons que cette action est la dernière manifestation d'un monstre (l'ordre national ancien, clientéliste et apologiste de la médiocrité) atteint au plus profond de son être et qui manifeste ses dernières réactions de trépas. Retenons seulement que l'élan révolutionnaire que nous avons imprimé à la nation ivoirienne s'est brusquement arrêté avec l'agression du 19 septembre 2002: rappelle-toi la mort de Boga Doudou. Nous reprendrons ces reformes dès qu'on aura franchi "la mer rouge". Et la République sera refondée avec une police républicaine et vertueuse."
Prof. Gnagne
Écrit par : Delugio | mercredi, 06 septembre 2006
Les commentaires sont fermés.