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mardi, 01 août 2006
Politique française de l’immigration et effets imprévus du processus d’identification en Côte d’Ivoire
Un but inattendu chez des «nouveaux Ivoiriens» : accéder via les «audiences foraines» ivoiriennes à la régularisation... en France :
On sait que la politique française de l’immigration, et notamment, à l’heure actuelle, la politique chiraco-sarkozienne, favorise, de par sa radicalité restrictive, la recherche par les candidats à l’immigration des moyens des plus divers pour être régularisés.
Un des moyens qui semble n’avoir pas été prévu par les autorités françaises, c'est l’usage des «audiences foraines» ivoiriennes telles qu'elles sont organisées — suite à ce qui a été mis en place sous les auspices de la France à Marcoussis.
Un des points de Marcoussis, voulu par le pouvoir français et son représentant Pierre Mazeaud était l’octroi de la nationalité ivoirienne à trois millions d’immigrés sahéliens. L’équivalent, si cela était requis pour la France, de la régularisation de 12 millions de sans papiers environ…
On sait que la question de l’identification en Côte d’Ivoire traîne depuis le temps d’Houphouët avec son usage temporaire aux périodes d’élections, de carte de séjour (instaurée par Ouattara) en nationalité provisoire…
La mise en ordre de ce fichier étant effectivement une nécessité, la Côte d’Ivoire s’est attelée à cela depuis quelques années. Les parrains de Marcoussis ont vu en cela un intérêt non-négligeable — la pratique est courante en Afrique — : modifier le potentiel électoral en faveur des candidats préférés de la Françafrique.
Pour cela, il s’agit naturellement d’être peu regardant sur le contrôle légal du processus d’identification. C’est sur ce point que le processus d’identification, et les audiences foraines, viennent de coincer en Côte d’Ivoire.
Ce que nos médias ont pris soin de ne pas nous rappeler, c’est que le désarmement des rebelles devait avoir lieu avant le processus d’identification — afin que celui-ci se déroule de façon sereine. La rébellion, qui devait désarmer (selon Marcoussis) au lendemain de son accession au pouvoir ne l’a toujours pas fait près de quatre ans après. Devant son refus, la «communauté internationale» lui a accordé un désarmement «concomitant» à l’identification — pour finalement laisser procéder à l’identification sans aucun désarmement ! Identification en l’absence de représentants de l’État et des partis politiques, donc, mais à l’ombre des kalachnikovs.
Ce en quoi les patriotes ont dénoncé un risque de fraude, suscitant de ce fait la réprobation de Paris et de la «communauté internationale», et une étrange jubilation des médias français de voir que le refus des patriotes s’était soldé par des bagarres avec les partisans de la rébellion (les médias français semblant y voir la preuve de leur existence — et parvenant à faire l’identification politique des blessés et du jeune décédé).
Par ces manifestations, les patriotes ont toutefois pu obtenir un accord en vue d’une identification qui se fasse de manière transparente.
En attendant, un certain nombre d’ «identifications» ont déjà eu lieu. Et tandis que les immigrés burkinabés notamment ne s’y sont pas trompés — leurs représentants ont appelé à ne pas se prêter à cette mascarade françafricaine à fin électorales —, d’autres candidats à la nationalité ivoirienne n’ont pas manqué.
Et oh surprise ! effet inattendu : pour plusieurs d’entre eux, ce n’est pas tant la nationalité ivoirienne qui les intéresse, que le tremplin qu’ils y voient, en l’obtenant, pour accéder à la nationalité… française, ou au moins au territoire français, via le statut potentiel de réfugiés politiques ivoiriens…
Lire l’enquête ci-dessous, effectuée par Philippe Kouhon, correspondant permanent Europe du Matin d’Abidjan :
«FRAUDE SUR LA NATIONALITE IVOIRIENNE - Des faux extraits de naissance ivoiriens découverts à Paris
Le Matin d’Abidjan — Mardi 1 Aout 2006 — http://www.lematindabidjan.com/visual_article.php?num_act...
Depuis quelques jours, les autorités judiciaires officiant sur la place de Paris, singulièrement l'office français pour les réfugiés et apatrides (Ofpra), font face à plusieurs cas de faux extraits de naissance ivoiriens produits par des demandeurs d'asile politique. Une situation qui n'est pas sans rapport avec les audiences foraines qui ont cours actuellement en Côte d'Ivoire.
Ils sont des milliers à faire le rang, chaque jour, avec pour seul argument, la guerre en Côte d'Ivoire. Une situation qui nourrit, on le sait, le risque de persécution, comme le prévoit la convention de Genève sur le droit d'asile afin de bénéficier de la protection d'un pays tiers. Ces demandeurs d'asile politique n'ont pour unique pièce justificative, que l'extrait de naissance. Et ce sont les récents évènements de Bassam qui ont attiré l'attention des autorités françaises. Selon une source proche des services de l'immigration, des ressortissants guinéens et maliens, candidats à l'immigration en France, ont produit des extraits d'acte de naissance, établis à Bouaké. Mais pour leur malheur, ils seront confondus, lors du processus d'admission. C'est que, après l'introduction du dossier d'asile politique, un examen oral sanctionne la procédure. Occasion pour les requérants de prouver leur nationalité ivoirienne, à travers une connaissance solide du pays d'origine suite à un interrogatoire serré. Mais aussi et surtout, convaincre que l'on court le risque de persécution dans son pays d'origine, pour ses activités politiques ou encore son appartenance à une religion… De sources bien introduites, ils sont depuis quelques semaines, des centaines à se faire délivrer des extraits d'acte de naissance dans le quartier général de la rébellion, moyennant une contrepartie financière comprise entre 5 et 10 mille francs Cfa. A.C, 24 ans, originaire de la Guinée Conakry fait partie de ces faux Ivoiriens découverts par l'Ofpra. Il témoigne : " C'est un de mes oncles auquel j'avais expliqué mon projet d'émigrer en France qui m'a conseillé d'aller en Côte d'Ivoire et précisément à Bouaké pour acquérir un extrait de naissance ivoirien. Il m'a assuré que muni de ce document je pourrais aisément demander et obtenir l'asile politique ". Le cas des Guinéens est loin d'être isolé. Depuis l'ouverture du processus d'identification, Les services de l'immigration en Europe sont confrontés à ces ''néo Ivoiriens'', de plus en plus nombreux, qui prétendent fuir la guerre. Outre la France, l'on signale des demandes d'asile similaires dans plusieurs capitales européennes. Certes les mailles de la police se referment sur quelques uns mais ils sont tout aussi nombreux ceux qui arrivent à se sortir de la nasse. Moyennant finances, ces derniers s'appuient sur des Ivoiriens, qui les aident à passer avec brio, le " grand oral " en les instruisant au préalable sur les réalités ivoiriennes. Ainsi donc, munis de leurs papiers, ces faux Ivoiriens attendent sagement d'être sollicités pour les prochaines joutes électorales en Côte d'Ivoire.
Vers une élection Cedeao en Côte d'Ivoire
A en croire les recalés de l'Ofpra, le bradage massif de ces documents d'identité dans les zones assiégées, indique-t-on, se fait avec la complicité des chefs de guerre. Ce, en prévision des élections à venir. Ceci dit, cette pratique frauduleuse pourrait susciter la méfiance des représentations diplomatiques ivoiriennes, lors de l'établissement des cartes d'électeur. In fine, l'on court vers une sorte ''d'élection CEDEAO'' en Côte d'Ivoire. Ce triste constat pose avec acuité, la fiabilité des audiences foraines tenues sous leur forme actuelle, c'est-à-dire sans aucune garantie de transparence. C'est assurément un camouflet pour le premier ministre qui ne manque aucune occasion de clamer qu'il a pris des mesures nécessaires pour éviter que la nationalité ivoirienne ne soit bradée. Si Banny voulait des preuves, il les a désormais avec l'action de l'Office français pour les réfugiés et les apatrides (Ofpra). Reste à savoir ce que va donc décider le banquier venu de Dakar. Va-t-il continuer de laisser faire Soro et ses bandes armées ou au contraire mettre fin à cette vaste entreprise visant à modifier sensiblement le corps électoral dans notre pays ? Les prochains jours nous situeront sur la question. Mais il est bon de signaler que pour rallier à leur cause de nombreux étrangers, les responsables coalisés du Rdr et de la rébellion font miroiter aux uns, l'asile politique en Europe, et la suspension des frais de la carte de séjour délivrées aux étrangers vivant en Côte d'Ivoire. Suspendre les audiences foraines, désarmer et permettre le redéploiement de l'administration sur toute l'étendue du territoire ivoirien, avec le retour des sous-préfets et préfets, des tribunaux est le seul test crédible pour le retour à une paix durable en Côte d'Ivoire. Après un mépris souverain accordé aux revendications pourtant reconnues comme justes, du camp présidentiel, le premier ministre semble être aujourd'hui gagné par un début de lucidité, avec notamment la prise de nouvelles mesures, pour conduire les audiences foraines. Il n'est jamais tard pour bien faire dit l'adage. Il faut souhaiter que l'enfant de Morofè continue sur sa lancée correctrice. La paix en Côte d'Ivoire en dépend. Nécessairement.
Philippe Kouhon
Correspondant permanent Europe»
12:10 Publié dans Analyses & commentaires | Lien permanent | Commentaires (0)
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