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vendredi, 21 juillet 2006

CENSURÉ SUR blogs.nouvelobs.com : pourquoi la guerre perdure en Côte d’Ivoire



Une analyse de Mamadou Koulibaly

(Article CENSURÉ SUR blogs.nouvelobs.com)

Fraternité Matin
, «Mali, Burkina, Niger - comment la guerre a boosté leur croissance» - 20/7/2006 8:58:49 PM — http://news.abidjan.net/h/202781.html :


« La Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a publié en février 2006 un rapport conçu pour être “ un instrument d’analyse prospective de la trajectoire des éléments clés de l’environnement international et formule des recommandations de politiques économiques ”. Ce rapport fait le bilan de l’activité économique dans les pays membres de l’UEMOA. Dans le contexte de crise de la Côte d’ivoire, il est fort intéressant de parcourir ce rapport. On y découvre une permanence du rôle de leader de la Côte d’Ivoire dans l’Union. Cependant ce pays est malmené par ses partenaires.

La Côte d’Ivoire et le poids de son leadership
Selon les agrégats macroéconomiques si nous mesurons le niveau de l’activité d’un pays par le Produit Intérieur Brut (PIB) réel il se révèle clairement que, depuis toujours dans l’Union, l’évolution du taux de croissance des pays et celle de l’ensemble s’est alignée sur celle de la Côte d’Ivoire. Dans l’ensemble des pays de la zone ce taux varie entre -5% et 9% et le lissage est plus net et colle plus à l’évolution de l’activité en Côte d’Ivoire qui a une tendance quasi similaire à celle de l’Union. Ce constat peut justifier la thèse de la Côte d’Ivoire leader de l’Union.
A partir d’un tel constat, il se pose des questions. Quels sont les mécanismes de transmission des effets de la croissance globale ? Peut-on attribuer les performances des pays de l’UEMOA uniquement au fait qu’ils appartiennent au même espace commun ? De quelle manière la croissance globale enregistrée dans l’Union influence-t-elle précisément la performance des Etats pris individuellement ? Et vice versa. Une bonne analyse des mécanismes de transmission des effets de la croissance nous aurait aidé à comprendre comment les pays profitent les uns des autres et comment certains profitent plus que d’autres ? Malheureusement ces questions ne sont pas traitées par le rapport de la BCEAO dont le titre est pourtant “ perspective Economique des Etats de l’UEMOA en 2006 ”. Comment accélérer les progrès économiques et sociaux si les mécanismes par lesquels les pays de l’Union s’influencent les uns les autres ne sont pas explicitement pris en compte?

Le libre échange fait bouger le monde
Le commerce est l’un des moyens privilégiés par lesquels la croissance est susceptible de se diffuser entre les pays. Et selon les données de l’organisation mondiale du commerce (OMC) le monde bouge et la crise économique est oubliée dans plusieurs pays du monde. Le commerce mondial est en croissance constante depuis quelques années. En 2005 il s’est accru de 6% pour se situer à plus de 12.400 milliards de dollars dont 10.000 pour les biens et 2.400 pour les services.
Cette évolution du commerce international est le résultat de la mondialisation dont les effets bénéfiques stimulent les exportations et importations entre les économies qui y participent. En terme réel, c’est-à-dire hors inflation, la croissance du commerce mondial reste soutenue. Cette croissance des échanges est beaucoup plus forte que la croissance économique. L’explication de ceci est que chaque pays vend et achète au reste du monde une part croissante de son produit intérieur brut. Avec la mondialisation les économies s’influencent plus que d’ordinaire et cela dépend du degré de liberté que chaque économie se donne. C’est l’accélération du commerce libre, la réduction des barrières protectionnistes, et la liberté économique qui expliquent cette poussée du commerce des biens et des services. En 2006 l’OMC prévoit de nouvelles hausses de 7%. Le monde bouge, et dans cette dynamique l’Allemagne et les Etats Unies sont en tête avant la Chine et le Japon. La France arrive en cinquième position avec 4,4%. Alors que l’Allemagne est à 9, 3% du commerce mondial et les Etats Unies à 8,7% les pays de l’UEMOA subissent le diktat protectionniste de la France qui déteste le libre échange.
En Asie l’acceptation des règles du libre échange est fortement corrélée au développement du commerce international des pays du Sud-Est asiatique. Les économistes qui ont étudié la question du “ miracle ” des dragons montrent que le principal moteur de la croissance de ces pays est l’accumulation du capital humain par l’éducation, la connaissance. Ils démontrent que le rôle du capital physique reste subsidiaire comparé à celui du capital humain. La connaissance de son environnement, celle du monde, la liberté de penser et de pensée, de s’exprimer, de contracter sont les ferments de ce capital humain.
En 2006, le taux de croissance du PIB sera dans la région asiatique de près de 10% et sera tiré par la Chine (9,5%) et l’Inde (7,6%). Selon l’OMC, les pays protectionnistes d’Afrique connaissent et maintiendront une croissance économique moindre. Sans la liberté des échanges jamais les pays d’Asie n’auraient connu un développement aussi spectaculaire. L’UEMOA quant à elle étouffe la croissance du commerce et des affaires. Le rapport de la BCEAO ne permet pas de conclure le contraire puisqu’il n’analyse pas les mécanismes essentiels de transmission.

Les statistiques officielles sont incomplètes
Avant la tentative de coup d’Etat des houphouëtistes, aidés en cela par la France, contre Laurent Gbagbo, les performances économiques des pays de l’UEMOA suivaient, avec un retard plus ou moins marqué, les performances de la Côte d’Ivoire qui traçaient alors la tendance globale de l’Union. La Côte d’Ivoire était donc leader mais depuis le début de la rébellion armée, qui occupe une partie de notre pays, les tendances sont plus contrastées. Certains pays de l’UEMOA comme le Mali, le Burkina, le Sénégal et le Niger obtiennent des taux de croissance record en 2003 par exemple, au plus fort de la crise ivoirienne, avec respectivement 7,6 % ; 8 % ; 6,5 % et 3,3% là où la Côte d’Ivoire affiche des taux négatifs de -1,6 % en 2002 et -1,5 % en 2003.
La plupart des Pays limitrophes de la Côte d’Ivoire qu’elle influençait par sa croissance économique ont pris leur envol en solitaires depuis que ce pays fait de la croissance faible ou négative. Ils croissent en PIB réel alors que la Côte d’Ivoire décline. Ces pays ne font ils pas de la croissance aux dépens de la Côte d’Ivoire ? Ce phénomène est encore plus marqué lorsque l’on raisonne en terme de PIB réel par tête. Alors, depuis qu’en 2002 la production par tête d’habitant en Côte d’Ivoire ne connaît que des évolutions négatives passant de -4,7 % à -2,2 % en 2005, cette variable, en ce qui concerne le Mali, le Burkina, le Sénégal et le Niger reste positive et significativement différente de 1. Les tendances pour l’UEMOA, entre 2002 et 2005, se détachent un peu de la convergence avec les variations de l’activité économique en Côte d’Ivoire. En clair, les pays voisins de la Côte d’Ivoire, et qui font de larges frontières avec elle profitent fortement de la crise ivoirienne. Il y a déplacement d’activités et déplacement de productions des zones occupées de la Côte d’Ivoire par les rebelles au profit des pays frontaliers. Nos malheurs leur profitent et leurs perspectives de croissance sont basées sur des hypothèses de durabilité des données actuelles de la Côte d’Ivoire.
L’UEMOA ne suit plus aussi systématiquement, positivement ou négativement, la Côte d’Ivoire. Elle suit maintenant les nouveaux leaders qui exportent une partie de la production ivoirienne et la comptabilise à leur propre profit. La Côte d’Ivoire fait figure de leader détesté alors qu’elle est la plus riche, la plus ouverte et la plus généreuse de tous les pays de l’Union. Le leadership ivoirien est devenu contestable avec la crise même si par ailleurs en terme de taux d’épargne intérieur le poids de la Côte d’ivoire n’a pas changé. La relance pourrait donc être très facile lorsque la France aura décidé de nous libérer.
Par quels mécanismes de transmission ce déplacement d’activités et de productions opère-t-il ? Le rapport de la BCEAO n’en parle pas. Les contributions sectorielles à la formation du PIB réel gardent, dans chacun des pays, les mêmes tendances avant et après le déclenchement de la rébellion. Les statistiques officielles sont incomplètes. Il serait important que l’on confronte les données du rapport aux les tendances des exportations et des importations des biens et des services entre les pays de l’Union avant et après 2002.
A défaut, et dans les faits, nous sommes obligés d’admettre que la rébellion, par le pillage et la contrebande des productions réalisées dans les zones occupées contribue à l’appauvrissement de la Côte d’Ivoire et des ivoiriens au profit de certains pays membres de l’Union. Le résultat global est que la croissance des pays frontaliers s’accentue au moment où celle de Côte d’Ivoire s’étrangle. L’or, le diamant, le cacao, le café et bien d’autres productions telles que le coton, l’anacarde, le bois qui font l’objet de pillage et d’économie de guerre laissent des traces que les statistiques officielles tentent d’éluder.
En outre, en terme de niveau de vie, les données du rapport montrent que seulement en Côte d’Ivoire la moyenne du taux d’inflation est positive. Les ivoiriens ont plus perdu en pouvoir d’achat que leurs voisins qui ont des évolutions négatives. Le Mali, le Niger, le Sénégal et le Burkina ont donc moins souffert de l’inflation que la Côte d’Ivoire. La hausse de leur production réelle pour une demande intérieure qui n’a pas significativement variée permet d’obtenir des baisses de prix à la consommation dans les pays voisins membres de l’Union. Les Etats et les populations de pays voisins tirent profit de la crise ivoirienne puisse que le coût de la vie y baisse plus vite qu’en Côte d’Ivoire.
L’absence de données détaillées sur le niveau de croissance record de certains pays de la zone UEMOA sur la période 2002-2006 laisse planer des doutes sur les sources de cette croissance. Une bonne connaissance des mesures de politiques budgétaires, monétaires et commerciales des pays de l’Union aurait été nécessaire pour préciser ce qui ressort de l’économie de guerre et ce qui est à attribuer à l’économie marchande normale. La crise en Côte d’Ivoire a développé, plus que de proportion, une gigantesque économie souterraine qui profite aux sanctuaires de la rébellion membres de l’UEMOA. Une maffia s’est installée. Comment la déloger surtout qu’elle inscrit son occupation de territoire ivoirien dans la durée et que la France l’y encourage ?

La solution chiraquienne est notre perte
Ce sont ces structures qui définissent le nouveau leadership dans l’UEMOA. L’économie de pillage, l’économie de prébende, l’économie de contrebande sont devenues les axes majeurs de comportement des individus et des Etats. Le marché ouvert, le libre contrat, le libre commerce sont traqués et liquidés au nom d’une certaine philosophie de la coopération et du bon voisinage dans l’Union. Les grandes lignes de cette philosophie ont été présentées par J. Chirac, le lider maximo installé au Palais de l’Elysée, lors du sommet France-Afrique de Bamako en fin d’année 2005. A ce propos écoutons Hervé Duray ( en décembre 2005) commentant les trois idées fortes du sommet telles qu’imposées par Chirac. Néo- colonialisme dit il.
“ Premièrement un brain-drain : pour remplacer les cerveaux français qui partent à l’étranger, on importera ceux d’Afrique. La France facilitera la délivrance de visas de longue durée à entrées multiples pour les entrepreneurs, cadres, chercheurs, professeurs et artistes africains, a annoncé samedi à Bamako le Président Français.
Deuxièmement le commerce libre ? Non, pas de ça chez nous ! On sait très bien qu’échanger c’est s’appauvrir !
“ Nous avons tous mis en garde contre certaines évolutions trop libérales qui risquent de nous conduire à une satisfaction donnée aux pays riches et aux pays émergents, en matière commerciale et notamment agricole, au détriment des pays les plus pauvres ” a expliqué Monsieur Chirac.
Troisièmement si le commerce libre est un fiasco garanti, l’aide au développement a prouvé son efficacité, il faut donc encore l’accroître :
“ Il faut en gros doubler et passer à 150 milliards (de dollars) par an l’aide publique au développement ” a-t-il estimé. “ Nous ne le ferons pas à partir des budgets des Etats seulement et par conséquence nous avons beaucoup insisté sur l’importance capitale à mettre en place des financements innovants qui permettent de rassembler cette somme, grâce à une taxation, sous une forme ou sous une autre, internationale. C’est vital ” a expliqué Monsieur Chirac
Chirac voudrait tuer toute tentative de développement en Afrique, il ne s’y prendrait pas autrement : contrôle bureaucratique sur les aides (mais “ innovant ” avec des partenariats privés publics flous pour détourner l’argent plus facilement peut-être !), contrôle des exportations, quotas, prix réservés (pour être certain que les producteurs n’aient aucune envie de s’améliorer) et pompe aspirant pour les plus doués. Voilà 40 ans qu’ils goûtent cette recette. Si ça a si bien marché ces 40 dernières années c’est sûr que le succès sera au rendez-vous en en remettant une couche ! ”
Nous ne voulons plus de cette forme de coopération, de commerce et d’intégration. Nous voulons vivre libre pour construire nous-mêmes notre prospérité. Cette perspective qui n’est pas chiraquienne nous impose de sortir le plus rapidement de cette guerre et de toute la logique jacobine à la française. La démocratie libérale nous attend pour nous conduire à la prospérité seule capable d’effacer la pauvreté et ses avatars. Qu’attendons nous pour nous y engager ? Certes les rebelles sont de véritables entraves dans cette perspective. C’est aussi pour cela qu’il nous faut en finir vite et radicalement avec la rébellion et toute la rébellion.

Il faut en finir avec le pacte colonial
Il apparaît de façon cristalline que, pour la France et ses complices dans la sous région les retombées obtenues à travers le pillage systématique des ressources de la Côte d’Ivoire depuis le début de la crise sont substantielles. Il est vraisemblable que le scénario de départ n’allait pas aussi loin que nous le voyons aujourd’hui. Chirac qui pensait certainement pouvoir réussir à écarter et à remplacer Gbagbo en moins d’une semaine, comme au bon vieux temps des Giscard d’Estaing ou Mitterrand, a heureusement mésestimé ses propres capacités et celles des ivoiriens et des autres africains qui, aujourd’hui, ont fait du cas ivoiriens un cas d’école dans un élan de patriotisme transfrontalier.
Si nous poursuivons un tel raisonnement, s’impose en filigrane, la conclusion que les financements mis en place pour détourner les richesses ivoiriennes (construction d’usines au Burkina etc. ) ne peuvent pas avoir fait l’objet d’un retour sur investissement après un si court laps de temps. Ce n’est pas demain que l’hexagone consentira à nous accorder tranquillement notre liberté, à moins que Chirac, s’inspirant de Charles X ( nom de règne du comte d’Artois, un bon viveur, fastueux et impopulaire devenu roi de France (1824-1830), exige de nous comme cela avait été le cas de Haïti en 1825, le versement d’une indemnité conséquente en contrepartie de sa reconnaissance de notre droit à la souveraineté, pour compenser le non amortissement de ses investissements en recherche de rentes et la soif de situations de rentes coloniales de la classe politique française et de ses obligés africains. Il ne s’agira alors que d’un simple renouvellement du pacte colonial.
Il existe encore pas mal de gens qui contestent la thèse selon laquelle la France aurait un intérêt quelconque à faire perdurer la crise en Côte d’Ivoire. L’analyse présenté ici réussira peut-être, pourquoi pas, à susciter des interrogations révélatrices chez certains de ces agnostiques: Comment la France, pourtant si allergique au libre échange, arrive-t-elle à se hisser à la cinquième place mondiale? Ou bien sa réticence s’applique-t-elle seulement aux pays contraints à être et à demeurer membres de sa zone d’influence?
“ Il n’est pas excessif d’écrire que les pauvres financent les riches, puisque, tous comptes faits, on a constaté l’an dernier que les transferts financiers du Sud au Nord ont dépassé de 30 milliards de dollars les transferts financiers inverses. Cruelle vérité. Ce sont les pauvres qui nous aident ”. L’auteur de ces propos : François Mitterrand, candidat à sa propre succession, lors de sa profession de foi électorale en avril 1988. Leçon : En dehors des règles de l’économie de marché ce constat de Mitterrand est nécessairement vrai. Telles sont les dures règles du commerce international pour les petites économies faiblement ouvertes sur le monde. Le pacte colonial ne peut être modernisé? Il doit être dénoncé complètement, abandonné entièrement et rejeté définitivement. Il le faut. Nous le pouvons et nous le devons.»

Par le Pr Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale ivoirienne




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