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vendredi, 19 janvier 2007
Interview/ Blé Goudé , président du Cojep ''Les rebelles vont partir d'eux mêmes''
Le Matin d’Abidjan — 14/01/2007 — http://www.lematindabidjan.com/visual_viepol.php?num_viep...
Propos recueillis par
Fabrice Tété :
«Samedi soir, sous le coup de 19h GMT, le président de l'Alliance des jeunes patriotes et secrétaire exécutif des mouvements panafricains était sur la chaîne camerounaise Canal 2 international. Blé Goudé a une fois de plus expliqué la crise ivoirienne et permis aux nombreux téléspectateurs de mieux appréhender le combat de la jeunesse ivoirienne qui commence à s'étendre au reste du continent. Un entretien que nous proposons en intégralité.
Doit-on vous appeler commandant, général ou président Blé?
Je suis Charles Blé Goudé, président du COJEP, aujourd'hui secrétaire exécutif du mouvement panafricain. L'appellation ''général'', cela est arrivé dans un contexte où la Côte d'Ivoire a été attaquée par des rebelles. Revenu de l'Angleterre, j'ai mis en place une structure qu'on appelle l'Alliance des jeunes patriotes dont l'objectif était de prendre la rue et à travers la mobilisation de masse, arrêter la rébellion. C'est-à-dire comment décourager ceux qui ont pris les armes à travers la mobilisation des masses. Telle était la problématique que j'avais posée. Voilà d'où est venu le surnom ''général'', sinon je suis Charles Blé Goudé.
Je suis le directeur de publication d'un journal nigérien qu'on appelle ''La Giffe''. Alors au Niger et un peu partout en Afrique, on vous a connu à travers les médias étrangers, notamment français, comme un fauteur de troubles, un xénophobe. Alors qui est vraiment Charles Blé Goudé ?
Celui qui sème le trouble, c'est celui qui manifeste contre les normes. Je ne pense pas que cela a été notre cas. Des Ivoiriens, en collaboration avec la France qui les manipulent et avec la complicité de certains leaders politiques, prennent des armes et attaquent la Côte d'Ivoire. A la tête de ce groupe, Soro Guillaume, un ami à moi, un ancien secrétaire général du mouvement estudiantin sous qui j'ai travaillé. Pendant que lui a les armes en main, mes amis et moi nous prenons la rue. Une, deux et trois fois, nous le faisons. Et les médias étrangers, pendant qu'ils présentent les rebelles comme des gens gentils, des gens mignons, nous présentent comme des voyous, des semeurs de troubles. Alors moi, je laisse les gens, l'opinion juger. Entre ceux qui prennent les armes et ceux qui prennent la rue, qui sont les vrais voyous ? Mais cela nous amène à comprendre l'origine de la crise ivoirienne. En fait, dans la conception du plan de déstabilisation de la Côte d'Ivoire, l'on n'avait pas compté avec les jeunes patriotes, puisque moi je n'étais pas là. Notre entrée en scène les a déroutés. C'est à partir de là qu'ils se sont organisés pour lancer cette campagne de diabolisation qui, avec le temps, est en train de changer. Puisque je parle avec le Nigérien, avec le Camerounais, cela veut dire que les choses ont évolué aujourd'hui. Je suis allé au Niger, au Cameroun, les jeunes de ces pays africains doivent comprendre que c'est un schéma classique de diabolisation de tous les leaders africains qui disent non à l'ordre ancien.
Ça fait quand même quatre ans que cette crise dure, il y a eu des réunions, un peu partout en Afrique même en Europe. Des accords ont été signés, mais c'est toujours le statu-quo, les choses n'évoluent pas, qu'est-ce qui bloque ?
Ce qui bloque, ce sont ceux qui organisent les différentes tables rondes, parce qu'en les organisant, ils ont un agenda secret qui est très différent de ce que les Ivoiriens attendent. C'est quoi un agenda secret ? C'est de faire signer des accords qui n'ont pas pour objectif de trouver une solution à la crise ivoirienne, mais plutôt de trouver des mécanismes pour humilier le chef de l'Etat ivoirien, réduire ses pouvoirs et le bouter hors pour mettre en place un genre de préfet local qui est un genre de prolongement de l'administration française en Côte d'Ivoire. Ce que nous n'acceptons pas. Alors, les gens ont peur de faire le point des accords. La table de négociations est une table de donner et de recevoir. Quand on demande au chef de l'Etat ivoirien à Marcoussis, en France, de démettre son premier ministre d'antan afin de mettre en place un nouveau premier ministre dit de consensus, ce qui a été fait, et qu'en retour on lui promet le désarmement qui jusqu'aujourd'hui n'est pas fait, qui bloque les accords ? Deuxièmement, on lui demande d'intégrer les rebelles et leurs chefs dans le gouvernement dit de réconciliation nationale, il le fait et en retour il n'y a pas de désarmement. A qui la faute ? La réunion se déplace à Pretoria où on demande au Président Gbagbo d'user de ses prérogatives en fonction de la constitution ivoirienne, notamment l'article 48, pour faire d'Alassane Ouattara un candidat. Je rappelle que M. Ouattara s'est vu refuser la participation aux élections en 1995 par Henri Konan Bédié qui est aujourd'hui son partenaire. Parce que, disait-il, il n'est pas Ivoirien. Le Président Gbagbo a donc usé de l'article 48 pour faire d'Alassane Ouattara un candidat. Ce qui n'est pas normal, parce que ceux qui ont demandé ça au Président Gbagbo doivent savoir qu'ils ont posé un acte irrégulier, un acte antidémocratique. Car la révision de cette disposition constitutionnelle devait intervenir par référendum.
L'ivoirité ayant été adoptée par référendum, on ne peut pas demander à quelqu'un ce genre de choses?
Je voulais d'abord vous dire que l'ivoirité n'a jamais été adoptée par référendum en Côte d'Ivoire. M. Henri Konan Bédié, président de la République de Côte d'Ivoire de 1993 à 1999, a mis en place ce concept d'ivoirité et il revendique la paternité de ce concept. Dans son livre qu'il a écrit intitulé ''Les chemins de ma vie'', cela est marqué là-dedans. Donc ça n'engage que lui. Malheureusement, cela a pris tout le pays et ce sont ceux qui n'ont pas cassé ces pots qui sont en train de payer. C'est pourquoi je dis que le Président Gbagbo a résolu un problème que le Président Bédié a créé avant de partir. Un genre de bombe à fragmentation qui était prête à exploser dans les mains de n'importe qui. Alassane Ouattara est candidat grâce à Gbagbo, mais le désarmement n'est pas toujours intervenu et nous partons d'accords en accords. Sans que personne ne puisse lever le petit doigt pour faire la pression sur les rebelles afin qu'ils fassent aussi leur part de sacrifice, c'est-à-dire déposer les armes, réunifier le pays pour qu'on parte aux élections.
Au Cameroun, les gens s'attendaient à voir un Blé Goudé mesurant 2 m, pour 200 Kilos. On a plutôt un monsieur de taille normale qui ne fait pas 80 Kg à vue d'œil. D'où tirez-vous cette force ?
Mais il y a grandeur et grandeur. Un grand homme n'est pas forcément celui qui est géant. Maintenant vous savez, nous sommes à la recherche en Afrique de leaders qui ont un lien historique dans leur action avec le peuple. J'ai été leader des élèves et étudiants, et à ce titre j'ai porté leurs revendications. Alors c'est cette jeunesse là aujourd'hui qui connaît notre passé, qui sait que nous n'avons jamais fléchi qui travaille avec nous. Et qui sait également que nous avons été constant dans le combat, que nous avons des convictions fermes. C'est tout, à part cela, il n'y a rien d'autre.
Il y a quelques semaines, l'ONU a pris la résolution 1721 qui est censée quand même pouvoir créer les conditions d'un retour de la paix en Côte d'Ivoire. On s'est rendu compte que l'opposition civile et armée l'a acceptée quand le camp Gbagbo et les jeunes patriotes l'ont refusée. Alors que reprochez-vous à la 1721 ?
D'abord je m'inscris en faux, le camp Gbagbo n'a pas rejeté la 1721. Le président Gbagbo non plus n'a pas rejeté cette résolution. Mais nous disons que la solution à la crise ivoirienne ne se trouve pas dans une résolution. Parce qu'une résolution qui s'écarte volontairement de la réalité ivoirienne ne peut-être appliquée. On ne peut pas rester à New York et puis prendre des décisions qui n'ont rien à voir avec la situation de crise en Côte d'Ivoire. Comment pouvez-vous comprendre qu'on parte à une réunion aussi importante du conseil de sécurité de l'ONU sans que personne ne puisse évoquer la question du désarmement, dans un conflit comme celui que nous vivons en Côte d'Ivoire, où il y a une partie contrôlée par des gens armés ? Mais pourquoi on n'en parle pas ? Il n'y a aucun paragraphe dans cette résolution qui traite du désarmement des rebelles. Ce qui est incceptable.
Cette résolution aurait été bien préparée par les Français sous prétexte que ce pays est votre ancien colonisateur ?
Mais je vous dis que cette résolution est la dernière mouture de ce que la France avait préparé. La France avait demandé la suspension de la constitution ivoirienne, la mise à l'écart du président Gbagbo. En fait, elle veut bouter hors le président de la République. Elle est poussée par la haine contre celui-ci qui est un président atypique, qui refuse d'aller dans le sens d'un sous-préfet local. Cela dit, la 1721, nous ne l'avons pas rejetée. Seulement que tous ceux qui prennent des résolutions, tiennent compte des réalités de la Côte d'Ivoire. C'est que des individus ont pris des armes et ont agressé la République. En leur donnant satisfaction par-ci par-là, en accédant à leurs requêtes, on encourage d'autres rébellions ailleurs en Afrique. Or il faut décourager toute rébellion. Si un enfant fait des gaffes tout le temps à la maison et que vous accédez à tous ses caprices, pourquoi voulez-vous qu'il arrête ? Quand Soro Guillaume et tous ses rebelles occupent une partie du pays ou il n'y a pas d'impôt qui est versé dans les caisses de l'Etat, et qu'ils sont payés par l'Etat sans qu'on leur fasse une quelconque pression, et qu'on leur déroule le tapis rouge à Paris comme dans d'autres capitales africaines, pourquoi voulez-vous qu'ils déposent les armes ? Ils ne le feront pas. A leur place, moi je ne le ferai pas. Mais s'il y a une pression réelle, une volonté manifeste de la communauté internationale et de tous ceux engagés dans la résolution de la crise à amener les rebelles à désarmer, ils vont le faire.
Guillaume Soro, vous l'avez dit, est votre ami. Est-ce que vous ne pouvez pas utiliser ces relations avec lui comme le pensent beaucoup de gens pour trouver une autre issue à la crise ivoirienne ?
Mais ceux qui pensent ainsi se trompent parce que ce n'est pas un problème de sentiments, c'est un problème d'intérêt national, mais d'intérêts particuliers surtout. Il ne sert à rien que lui et moi nous nous appellions pour parler de notre passé. Il s'agit plutôt de savoir ce qu'on peut faire pour apporter une solution à la crise ivoirienne. Pour mettre fin aux souffrances des populations. Or Soro, me semble-t-il, est déjà allé trop loin. Il a promis monts et merveilles à des jeunes gens qu'il a recrutés, qui ont fait la guerre à sa place, et qui lui ont donné tout ce qu'il possède aujourd'hui. Deuxièmement, les Français et lui ont trempé dans trop de complots. Trop de secrets les lient aujourd'hui, et Soro est devenu l'otage des Français. Avait-il de l'argent pour payer des armes, nourrir les rebelles ? Des personnes ici et là, lui ont fait des prêts, j'en suis convaincu. Il lui faut donc utiliser la partie sous son contrôle pour rembourser. Mais quand tout sera fini, un jour, il déposera les armes. Voici tant d'interpellations, d'interactions qui dépassent les relations entre lui et moi, c'est pourquoi je ne rêve pas du tout.
On vous a vu devant les chars français les mains nues en novembre 2004 avec vos partisans en train de tenir tête aux soldats français. Qu'est-ce qui se passait dans votre tête dans ces instants-là ?
A ce stade, c'est une seule chose qui a lieu d'être. C'est que notre vie n'a plus d'importance. Quand vous avez des milliers de personnes qui croient en vous, j'estime que votre vie n'est plus importante. Ceux qui sont morts devant l'Hôtel Ivoire, sur le pont De Gaulle, tués par les Français à coup de chars, ceux qui sont morts, tués par les rebelles, sont des gens qui ont des familles comme moi. Ils ont répondu à notre appel et nous ne sommes pas de ces leaders qui appellent les gens dans la rue pendant qu'ils sont cachés dans les ambassades. Alors quand nous appelons nos amis, c'est tout à fait normal que nous prenions le devant des choses. A ce moment, rien ne se passe dans nos têtes, sauf que nous voulons trouver une solution à la crise ivoirienne.
A l'issue du récent sommet du COJEP, vous avez été donc élu secrétaire exécutif du mouvement panafricain. Alors que comptez-vous faire dans l'immédiat pour pouvoir permettre aux jeunes africains d'entamer le combat que vous avez déjà engagé en Côte d'Ivoire ?
Dans l'immédiat, il faut d'abord former le secrétariat exécutif, c'est un travail d'équipe qui doit être composé de différents pays. Je vais d'abord commencer à donner des missions précises et concises à nos amis dont les pays peuvent accepter de les laisser travailler. Ensuite établir des stratégies pour que les autres puissent travailler là où il y a des difficultés. Mais je pense qu'au cours de nos travaux, nous avons tous accepté d'aller au risque. C'est vrai qu'il y a des chefs d'Etat qui ne pourront pas permettre à leurs jeunes de critiquer vertement le colonialisme, l'ancienne puissance coloniale qui est la France ou tout autre pays occidental. Il faut qu'ils comprennent que plus jamais, on doit permettre que demain soit comme hier. Et que c'est notre détermination qui amènera les autres à comprendre que l'Afrique a son mot à dire. Le premier combat, c'est de comprendre que l'on nous divise, les gens opposent la Côte d'Ivoire au Burkina Faso et pendant qu'on se bat, la France se lèche les doigts. L'on oppose le Cameroun à un autre pays et pendant qu'ils se battent, la même France se lèche les babines. Alors la solution se trouve dans la solidarité africaine, la solution se trouve dans l'union africaine, mais je ne parle pas d'une union africaine qui est le prolongement de l'Union européenne; parce que je suis encore étonné que le président de l'Union africaine avant d'être élu, est nommé depuis Paris. Comment vous expliquez que le président Sassou Nguesso pour résoudre une crise en Côte d'Ivoire, quitte le Congo et atterrit à Paris pour avoir un entretien de plus d'une heure avec Chirac avant de venir à Abidjan ? Arrêtons ce bibéronnisme politique. Pour cela, les sociétés changeant par génération, c'est notre devoir d'expliquer aux jeunes africains que le cas en Côte d'Ivoire fait partie des schémas classiques qui ont éliminé Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Kwamé N'Kruma. Mais pendant combien de temps allons-nous nous laisser manipuler par les européens qui ont peur de l'Afrique qui a été le berceau de l'humanité? Aujourd'hui, je pense que nous militons à Abidjan, c'est déjà un pas vers la révolution.
On vous attribue d'avoir dit que le palais de la République à Abidjan appartient à la France. Est-ce que cela serait vrai ?
Je ne connais pas celui qui l'a dit. Mais ce n'est pas tout à fait faux. Est-ce que quelque chose nous appartient encore en Afrique ? Je ne parle même pas de la Côte d'Ivoire. Notre électricité, notre eau, notre communication téléphonique est gérée par la France. Où sont les symboles de notre souveraineté ? Mais non contente de cela, elle veut encore nommer nos chefs d'Etat à notre place. La réponse est que les Africains doivent comprendre que ce que les Français ne peuvent pas accepter, les européens ne peuvent pas accepter chez eux, nous devons les refuser en Afrique. Je ne pense pas que les Français puissent accepter que les Allemands gèrent leur téléphone à leurs places et vice-versa. Mais ici, c'est eux qui gèrent tout et quand il y a un chef d'Etat africain qui refuse, tout de suite on le diabolise. Regardez, dès que le président Kagamé a décidé de mettre sur pied une commission d'enquête sur le génocide du Rwanda, on l'a accusé de tous les maux d'Israël. Mais en tant qu'un monsieur crédible convaincu et déterminé, il a pris la décision qui s'imposait et Paris s'est calmé du coup. Ces histoires du juge Bruguière ou quoi se sont calmées en même temps. Parce qu'il a court-circuité l'adversaire. Il faut qu'à l'image du Rwanda, les pays africains à défaut de rompre leurs relations, puissent arrêter le bibéronnisme politique et prendre le devant des choses. Ils sont élus par leur peuple et non par Paris.
M. Blé Goudé, le 05 février 2005, si ma mémoire est bonne, l'ONU avait pris des sanctions contre vous et deux autres leaders ivoiriens. On sait que vous avez encore des discours du plus en plus virulents contre la France. Ne craignez-vous pas d'autres sanctions ?
Moi je n'ai pas été mis au monde par mon père pour caresser la France. Je ne suis pas en mission sur cette terre pour caresser la France C'est pour cela que je ne vais pas quitter mon pays. Mais je dis, je ne suis pas né dans un avion et ma vie ne se limite pas à des voyages. Mon père est au village, il est dans sa plantation. Mais il y a des gens qui sont nés dans le luxe et qu'ils ne peuvent pas se passer des voyages. Je ne suis pas de ceux-là. Tant que je peux me promener en Côte d'Ivoire, me rendre dans mon village, cela me suffit. Mais bientôt j'irai en Afrique, s'ils s'amusent à continuer, je prends l'avion et j'y vais. Il appartiendra maintenant aux peuples africains de me refouler.
On a bien vu le président Mugabe du Zimbabwe lui aussi interdit de voyager par les Nations unies, mais Chirac l'a bien accueilli au sommet Franco-Afrique et là on n'a plus parlé d'interdiction, l'Onu n'a rien fait. N'est-il pas temps pour vous de voyager en Afrique ?
Je laisse d'abord les Africains comprendre le problème ivoirien parce qu'on l'a dénaturé. On a fait croire aux Burkinabés que les Ivoiriens ne veulent pas les voir en Côte d'Ivoire, mais cela est archi-faux. On se sert de l'ignorance en Afrique pour manipuler les populations parce qu'on n'a plus d'argument. Il fallait que les rebelles se trouvent une base arrière à travers les pays frontaliers à la Côte d'Ivoire, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Ghana mais ça n'a pas marché. Au Libéria, le changement de régime a permis de sécuriser la frontière. Comment donc rallier les burkinabés à leur cause ? Il faut qu'ils se fassent passer pour leurs bienfaiteurs, en posant des problèmes de cartes d'identité, de papiers en Côte d'Ivoire. Mais cela peut se résoudre. J'ai écouté le ministre de l'intérieur en France dire qu'il faut chasser les Africains qui ne sont pas en règle et qu'il faut durcir la loi. Je vois des jeunes sénégalais qui meurent chaque jour dans la mer, des jeunes maliens qui sont toujours rapatriés dans avions, attachés, cela ne choque aucunement les Africains. Mais c'est le problème ivoirien qu'on dramatise, qui choques. Ne nous trompons pas de combat et d'adversaire. Donc, je laisse les gens comprendre d'abord la nature du problème ivoirien et puis ensuite je prendrai mes responsabilités. Mais d'abord mon pays étant membre de l'Onu, j'observe pour l'heure cette décision, quitte à eux de se rendre compte qu'ils se sont trompés et on verra.
Vous avez été en prison huit fois sous les différents régimes. Quand le président Houphouet-Boigny, mourant, gouvernait, je peux imaginer que vous n'aviez que 21 ans quels étaient vos rapports avec lui ?
Non, je n'ai pas eu des rapports avec le président Houphouet-Boigny parce que j'étais encore au lycée. Ce sont plutôt mes devanciers qui dirigeaient le mouvement qui ont eu des rapports avec lui. Mais cela dit, j'étais membre du mouvement et je sais que les rapports entre lui et la FESCI n'ont jamais été tendres. Tant qu'avec Houphouet qu'avec Alassane Ouattara qui était premier ministre. C'est même ce dernier qui a dissout le mouvement estudiantin. Il était interdit d'activités en Côte d'Ivoire et être membre cette situation était un délit. On poursuivait les étudiants jusque dans leurs chambres, dans la maison de leurs parents et on les jetait en prison. Après Houphouet est venu Henri Konan Bédié et c'est avec lui que nous avons courir toute sorte de brimades, d'arrestations, de tracasseries jusqu'à ce qu'on nous enchaîne dans notre lit d'hôpital parce que malade en prison. Et c'est ceux-là qui aujourd'hui, sous l'influence de la France, parlent de démocratie. Cela choque, c'est pourquoi la majorité de la jeunesse ivoirienne ne les suit pas.
On a d'ailleurs une photo qui vous montre enchaîné sur le lit d'hôpital au CHU de Treichville. Je voudrais vous demandez ce qui s'est passé au point d'arriver-là ?
J'étais secrétaire général de la FESCI et nous étions en 1999. Les étudiants devaient poser des revendications sur la table du gouvernement. Au lieu et place des négociations, le gouvernement a brandi des menaces, et a procédé à l'arrestation d'étudiants, d'élèves, même de ceux de moins de 13 ans. Jusqu'à ce que moi-même je sois arrêté. Alors à l'issue des brimades, j'ai été malade et le pouvoir a refusé de me donner les soins adéquats. ''Médecins sans frontières'' intervient et finalement je suis admis dans un centre hospitalier de la place à Abidjan. Je n'arrivais pas à dormir et on m'avait mis sous somnifère. A mon réveil, je trouve une grosse chaîne nouée à mon pied, je demande au garde qui me surveillait, il me dit qu'il ne fait qu'exécuter les ordres qu'il a reçus. Voilà ce qui s'est passé.
Aujourd'hui quand vous voyez ces gens qui ont procédé comme ça et qui parlent de droits de l'Homme, à savoir, Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, qu'est-ce que vous pensez d'eux ? Du mépris, de la haine ?
Non ! Non ! Je n'ai pas de mépris, ni de haine pour eux. Je vois simplement l'hypocrisie et la sournoiserie faites hommes. Des gens qui disent ce qu'ils ne pensent pas. Je vous ai dit que c'est M. Ouattara qui a dissous le mouvement estudiantin. Lui aujourd'hui qui fait des problèmes des étrangers son cheval de bataille, la carte de séjour en Côte d'Ivoire, c'est bien lui qui l'a introduite. L'irruption de policiers dans une mosquée pour la première fois en Côte d'Ivoire a été faite sous Alassane Ouattara à Abidjan pour contrôler les cartes de séjour des étrangers. Je suis donc surpris qu'un tel monsieur soit devenu le défenseur des étrangers. Mais seulement parce qu'il veut les utiliser comme bétail électoral. Il connaît aujourd'hui les thèmes sensibles au plan international que sont entre autres l'intégration, la xénophobie alors il joue là-dessus. Pourtant, il n'est pas étranger à cela. Parlant de démocratie monsieur Bédié, lui, a passé tout son temps à mettre des journalistes en prison. Mais pendant que nous sommes en guerre et que le pays est coupé en deux, et que Bédié et Ouattara sont les parrains de la rébellion en Côte d'Ivoire, aucun opposant n'est emprisonné, aucun journaliste non plus. Ça, ce sont les symboles de la démocratie, ce sont les repères. Quand vous allez dans le pays vous regardez la presse, elle n'est pas inquiétée. C'est un pas, l'opposition aussi mène ses activités librement. C'est également un pas. Mais la Côte d'Ivoire est en guerre et les journaux qui sont proches du pouvoir ne sont pas acceptés dans la zone des rebelles journalistes qui leurs sont proches ne sont pas inquiétés à Abidjan c'est un pas. Il faut que les Africains comprennent qu'il y a quelque chose de bizarre qui se passe en Côte d'Ivoire et que MM. Ouattara et Bédié sont en fait les bourreaux de la Côte d'Ivoire, qui ont préparé cette bombe à fragmentation. Il faut poser le problème en Côte d'Ivoire autrement, la vérité c'est que la France ne veut pas d'un chef d'Etat qui puisse lui dire non. La France veut un chef d'Etat qui est du genre lèche-bottes. Le nôtre ne l'est pas. C'est pourquoi la France a fabriqué tous ces prétextes pour l'enlever du pouvoir, mais nous n'allons pas l'accepter et nous ne l'accepterons pas. Parce que pour nous, Gbagbo est un autre Sankara, Lumumba, N'Krumah. Comment expliquez-vous que pour combattre l'ivoirité, aujourd'hui ces mêmes rebelles sont dans une coalition avec le concepteur de l'ivoirité ? ce n'est pas bizarre ça ? Les raisons profondes de la crise ivoirienne sont à chercher ailleurs, c'est tout.
Lors d'une rencontre avec les chefs traditionnels, le président Gbagbo a dit qu'il faut trouver des voies autres sans passer par les armes pour sortir de la crise. Pensez-vous que cela est possible compte tenu du point de non retour que les différentes parties ont atteint ?
Pour moi, les rebelles vont partir d'eux-mêmes, quand les populations même sous leur contrôle vont commencé à être fatiguées. Le temps a fait son effet, les gens du Nord en Côte d'Ivoire ont fini par comprendre que quand les rebelles se sont retrouvés à Marcoussis, ils n'ont posé aucun problème du Nord. Ils ont plutôt posé des problèmes de portefeuilles ministériels et depuis ils sont tranquilles. Ils ne mènent plus la guerre. Pourtant les problèmes à cette partie du pays persistent toujours. La guerre n'a rien apporté au Nord, au contraire elle l'a détruit. Plus personne ne veut rester dans cette région, mais comme c'est le Nord de notre pays, il faut reconquérir cet espace, à travers les prochaines élections. Les fils du Nord doivent comprendre que les rebelles ne travaillent pas pour leurs intérêts. Des fils du Nord ont été tués par les rebelles eux-mêmes. Ils sont connus de tous.»
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